Les élus français sont-ils si mal payés ?

Publié le 20 décembre 2017 à 11h35, mis à jour le 20 décembre 2017 à 11h44
Les élus français sont-ils si mal payés ?
Source : Lionel BONAVENTURE / AFP

RALLONGE – Tandis qu’une députée s’est récemment plainte d’être mal payée, deux amendements augmentant de 40% l’indemnité des maires de villes de plus de 100.000 habitants ainsi que des présidents d'exécutifs locaux ont été adoptés ces derniers jours. Nos élus sont-ils si mal rémunérés ? Éléments de réponse.

En ces temps rigoureux, le bonus est coquet. Après le vote au Sénat, 11 décembre dernier, d'un amendement permettant la hausse de 40% le salaire de base (5512 euros bruts mensuels) des maires de villes de plus de 500.000 habitants - Paris, Marseille et Lyon - ainsi que des présidents de régions et de départements, le ministre de l'Action et des comptes publics est allé encore plus loin dans la nuit du 15 au décembre devant l'Assemblée nationale. 

Et pour cause : comme le rapporte le Canard enchaîné ce mercredi, Gérald Darmanin s'est présenté à 1H27 du matin pour défendre une proposition gouvernementale (finalement adoptée) reprenant la même augmentation sur le même montant mais s'appliquant cette fois aux maires des communes de  plus de 100.000 habitants - au nombre de 42 selon l'Insee - et plusieurs autres fonctions locales : présidents de communautés urbaines, de conseils de métropoles, de communautés de communes, etc. Une majoration pour des revenus parfois déjà majorés par rapport à ceux de la haute fonction publique sur lesquels ils sont censés être calqués. De quoi provoquer quelques grincements de dents, certains soulignant, sur les réseaux sociaux notamment, l’aspect choquant de la décision. Nos élus sont-ils si mal payés ? Pour rappel, le salaire médian en France est de 1797 euros nets... 

Fort de ce gouffre, les critiques outrées s'étaient intensifiées dès mercredi après qu’une députée LREM, se plaignant de sa rémunération, a déclaré – anonymement – dans les colonnes de L’Opinion qu’elle avait dû revoir son train de vie à la baisse. "Je vais moins souvent au restaurant, je mange pas mal de pâtes. J’ai ressorti des vêtements de la cave et je vais devoir déménager", déplorait la parlementaire, qui, selon le quotidien, est passée d'un salaire de 8000 euros par mois comme cheffe d’entreprise à 5372 euros nets en tant qu’élue. Indécente pour beaucoup, cette sortie a néanmoins rouvert le sempiternel débat sur la rétribution des hommes et des femmes politiques. Les paye-t-on assez ? Trop ? Où se situent-ils par rapport à leurs collègues européens ou mondiaux ? LCI s’est penché sur la situation de nos chers élus. 

Plus de 2 milliards d’euros dépensés en rémunérations

Un rapport de la Fondation iFRAP, think tank libéral qui analyse la vie publique et l’efficacité des politiques menées, indiquait en 2016 que les rémunérations des élus français atteignaient 2,069 milliards d’euros (voir la répartition ci-dessous). 

Un chiffre colossal, même s’il faut rappeler que, toujours selon l’iFRAP, l’Hexagone compte 645.715 élus (à noter que la plupart des conseillers municipaux ne sont pas rétribués), soit un élu pour 104 habitants. Plus que quiconque en Europe. La Suède en recense par exemple 1/256, l’Irlande 1/2336 et le Royaume-Uni 1/2603. Faut-il réduire leur nombre ? Le débat est, lui aussi, un vieux serpent de mer. Candidat, Emmanuel Macron avait dit vouloir s’y attaquer ; l’Assemblée a commencé à se pencher sur son propre cas mercredi avant des premières décisions attendues mi-janvier. 

"Les États-Unis, cinq fois plus peuplés que la France, comptent en valeur absolue moins de mandats (519.682) que la France !", s'exclamait Agnès Verdier-Molinié, directrice de l'institution, peu avant l'élection présidentielle. "Face à ces chiffres qui donnent le tournis et représentent 1 élu pour 100 habitants contre 1 pour 500 en Allemagne et 1 pour 600 aux États-Unis, il est clair qu'il va falloir, pour réorganiser le millefeuille français, réduire le nombre de mandats."

Les députés français au 9e rang européen (sans les bonus)

Hors rémunérations spéciales, particulièrement nombreuses – parfois opaques, souvent peu contrôlées – en France, comme la célèbre indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) de 5400 euros mensuels ou les autres dotations, les députés hexagonaux sont au neuvième rang européen pour ce qui est de leur revenu de base. Une donnée en partie faussée si l'on y ajoute l'IRFM, donc, ainsi que les 12.000 euros annuels d'indemnités pour les frais de courrier, 2750 euros annuels pour le taxi, 4200 euros annuels pour le téléphone... Une liste, pas exhaustive, qui fait des parlementaires français des privilégiés sur le Vieux continent. 

Frais de mandat : les députés seront soumis à des règles plus strictesSource : JT 20h Semaine

Avec un peu plus de 85.000 euros annuels, les membres de l’Assemblée nationale ne sont pas non plus à plaindre en termes de "salaire" et se retrouvent intercalés entre leurs homologues luxembourgeois (80.800) et belges (86.000). S’ils sont largement mieux payés que le trio de queue – Roumanie (14.300), Bulgarie (18.300), Malte (21.700) – ils sont cependant distancés par leurs confrères italiens (125.200), autrichiens (121.600), allemands (109.000), danois (94.000) ou néerlandais (90.000), selon une étude détaillée du site irlandais d’information TheJournal.ie. 

D'après ce classement, les locataires du Palais Bourbon glissent à la dixième place du classement des 28 pays de l’UE, si l’on rapporte leur salaire au celui des citoyens puisqu’ils sont payés 2,34 fois plus que le revenu moyen en France (36.600). Ce différentiel grimpe à 4,23 en Italie, pays le plus "inégalitaire" d’Europe à ce niveau, à 3,36 en Grèce et à 2,85 en Croatie. À l’inverse, ce ratio n’est que de 1,01 à Malte, de 1,16 au Luxembourg et de 1,31 en Espagne, trois pays où les députés ont des rémunérations bien plus proches du reste de la population. 

La maire de Paris un peu moins bien lotie que ses pairs

Du côté des 36.000 maires de France, les différences sont assez marquées. Les édiles peuvent ainsi gagner de 650 à 5500 euros selon la taille de leur ville, en sachant que, notamment pour les grandes agglomérations, le cumul des mandats et des fonctions peut faire croître cette somme. Pour les adjoints, l’écart passe de 250 à un peu moins de 2800 euros tandis que les conseillers municipaux sont rétribués à hauteur de 230 euros dans les seules communes de plus de 100.000 habitants. Les variations sont également importantes par rapport à nos voisins européens. En Allemagne, par exemple, un bourgmestre – l’équivalent du maire – perçoit entre 5500 euros et 15.000 euros bruts mensuels selon la taille et le statut de la ville, selon l’iFRAP. En Espagne (8000 communes), pays où le niveau de vie est sensiblement inférieur à celui de l’Hexagone, le salaire minimum des maires est de près de 2300 euros mensuels.

Au niveau des grandes villes ou des capitales, la maire de Paris, Anne Hidalgo, avec quelque 119.000 euros annuels, aurait presque de quoi rougir face à ses homologues de Vienne (245.000), de Berlin (165.000 euros), de Londres (161.000) ou Stockholm (147.000). Elle reste cependant légèrement devant les premiers magistrats de Rome (117.000) ou de Madrid (100.000) et largement mieux payée que celui de la capitale roumaine Bucarest et ses 2700 euros mensuels 

Macron derrière Merkel mais devant Poutine

Pour ce qui concerne le président de la République, la France se situe plutôt parmi les nations généreuses. Avec 179.000 euros bruts annuels de rémunération, Emmanuel Macron fait partie du gotha mondial, emmené par un trio americano-canado-allemand. Donald Trump perçoit chaque année un salaire de 340.000 euros - même s'il avait dit ne vouloir recevoir qu'un dollar symbolique - quand son voisin Justin Trudeau gagne 221.000 euros et Angela Merkel, qui clôt ce podium (mesuré par Business Insider), touche 206.000 euros. 

À noter que si le budget de l'Elysée a connu sa première hausse (3%) après quatre années de gel, passant de 100 à 103 millions d'euros,  la rémunération du chef de l'Etat ne connaîtra pas d'évolution substantielle. Fixé par décret, son salaire net mensuel s'élève à près de 13.900 euros. 


Alexandre DECROIX

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