Le fondateur de Reconquête! a proposé d'expulser de France des centaines de milliers d'"étrangers dont on ne veut plus".La "remigration" qu'il prône est un concept identitaire découlant du "grand remplacement" et qui circule dans les milieux d'extrême-droite depuis plusieurs années.
"Il aura des charters, on fera des vols collectifs" : dans l'espoir de relancer une campagne qui s'essouffle, stagnant autour de 10% dans les sondages ces derniers jours, Eric Zemmour a annoncé lundi soir qu'il souhaitait créer un "ministère de la 'remigration'", destiné à expulser "les étrangers dont on ne veut plus", au rang desquels "délinquants", "criminels", "fichés S", à hauteur de "100.000 étrangers indésirables" par an.
Un concept cher à la pensée identitaire, dont l'ancien polémiste se défend cependant, affirmant ce mardi qu'il n'y a pas là "de radicalisation", mais "simplement une détermination". Le terme est pourtant loin d'être anodin : ce concept est le corollaire de la théorie raciste du "grand remplacement", également brandie par Eric Zemmour, selon laquelle la population française est menacée par les immigrations en provenance des pays maghrébins et subsahariens.
Une thèse suprémaciste défendue par l'auteur d'extrême droite Renaud Camus, qui en a fait un concept-clé de la pensée identitaire, notamment dans son ouvrage 30 mesures pour une politique d'identité et de remigration, publié en 2017. "Avaliser la thèse du 'grand remplacement' implique non seulement de fermer les portes du pays à toute nouvelle immigration non européenne mais, à terme, de tenter de revenir à une composition antérieure et 'authentique' du peuple français, fantasme dont la seule solution est la 'remigration'", expliquait en novembre dernier Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès, sur le site de celle-ci.
Un concept né dans les cercles du mouvement d'extrême droite Bloc identitaire
Le mot a été utilisé pour la première fois de façon marquante en public par le mouvement d'extrême droite Bloc identitaire, renommé Les Identitaires en 2016, lors d'"Assises de la remigration", le 15 novembre 2014, rembobine Le Monde. "La remigration, ce n’est rien d’autre que de leur donner la possibilité de vivre toute l’année là où ils partent en vacances chaque été", avait alors lancé Damien Rieu, porte-parole de Génération identitaire, une organisation issue du même mouvement et dissoute en mai 2021. Après avoir été assistant parlementaire RN, ce militant très influent sur les réseaux sociaux a rallié Eric Zemmour au début de l'année.
Ce rendez-vous s'était tenu quelques mois après le plan de 26 mesures du Bloc identitaire contre "l'immigration massive", qui prévoyait entre autres la création d'un "haut commissariat à la remigration", un fonds d'aide au retour, une "campagne incitant les immigrés à rentrer chez eux". Certains plaident même pour des méthodes bien plus violentes : pas plus tard qu'en novembre 2021, la revue identitaire et négationniste Réfléchir et Agir, consacrait un dossier à la "nécessaire remigration" de "toutes les personnes non-européennes", en faisant intervenir l'armée pour expulser ceux qui refuseraient de partir vers les pays frontaliers de la France, relève StreetPress.
Des milieux catholiques d'extrême-droite ont aussi fait de ce concept leur cheval de bataille, comme le parti Civitas ou le journaliste et essayiste Guillaume de Thieulloy, éditeur des Mémoires de Jean-Marie Le Pen et auteur en 2013 d'une lettre d’information islamophobe, "Islam confidentiel". Un ancien conseiller de Marine Le Pen qui avait quitté le FN en 2011, Laurent Ozon, a par ailleurs créé en 2014 le "Mouvement pour la remigration". Ses appels à la remigration restent encore relayés dans la nébuleuse d'extrême-droite, notamment par l’essayiste Alain Soral, sur son site Égalité et Réconciliation.
La candidate du RN, elle, n'a jamais repris le terme à son compte. Elle a boudé la réunion de 2014 du Bloc Identitaire, critiquant même quelques semaines plus tôt une "vision complotiste". Mais sans nommer cette proposition "remigration", le Front National préconisait déjà dans les années 1990 et 2000 d'inverser les flux migratoires, en arborant le slogan : "Quand nous arriverons, ils partiront".
Au-delà de la France, cette théorie a connu un essor dans plusieurs pays ces dernières années, repris par plusieurs partis d'extrême-droite de pays européens, dont l'AfD en Allemagne et le parti de la liberté d'Autriche (FPÖ), notaient en 2019 dans une tribune pour Libération Sasha Havlicek et Cécile Guerin, respectivement directrice générale et journaliste de l’Institute for Strategic Dialogue.
"Jusqu'à récemment confiné dans les cercles fermés des colloques de cette mouvance, ce concept commence néanmoins à faire son chemin plus largement dans la fachosphère et même plus largement dans le discours politique français", avaient-elles résumé.
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