Tous les candidats à la présidentielle font des propositions pour réformer les droits de succession et donation.Pourquoi le sujet s'invite-t-il dans cette campagne ? Pourquoi tous les candidats s'en emparent-ils ?Éléments de réponse avec le politologue Olivier Rouquan.
Tous les candidats à l'élection présidentielle souhaitent réformer les droits de succession et donation. Jeudi, Emmanuel Macron a annoncé vouloir augmenter l'abattement en ligne directe de 100.000 à 150.000 euros. Anne Hidalgo veut abaisser cette fiscalité pour 95% des Français, et taxer davantage les patrimoines supérieurs à 2 millions d'euros. Jean-Luc Mélenchon préconise lui de taxer à 100% les patrimoines au-dessus de 12 millions d'euros. Marine Le Pen et Eric Zemmour veulent exonérer tous les dix ans les donations des parents et grands-parents jusqu'à respectivement 100.000 et 200.000 euros. Valérie Pécresse propose jusqu'à 100.000 euros tous les six ans.
Contrairement à 2017, le sujet s'invite dans la campagne, où il prend une importance inhabituelle. Comment l'expliquer ? Selon le politologue Olivier Rouquan, si le sujet émerge cette année, c'est parce que "la prise de conscience collective du déclassement s’impose. Les gens comprennent qu’il va y avoir un problème de niveau de vie". Les candidats ont à cœur de s'adresser aux jeunes des classes moyennes "qui constatent que la promotion par le travail ne va pas leur assurer une mobilité sociale, une promotion sociale, contrairement à leurs parents. Ils ont même la hantise de la baisse du niveau de vie et du pouvoir d’achat et comptent sur la transmission d’un capital pour essayer de limiter la casse et les perspectives de déclassement. Par la transmission de la rente, on limite le décrochage économique et social d’une partie de la classe moyenne supérieure", explique-t-il.
"Ce qui est regrettable, c'est qu'on compense ce déclassement en facilitant la transmission intergénérationnelle plutôt qu'en améliorant la relation au travail et à la mobilité sociale", continue le politologue, qui parle de mesures de "court-terme".
On parle des droits de succession parce qu’on n’est pas capables de parler du travail et de sa rémunération."
Olivier Rouquan
Dans une campagne marquée par les questions de pouvoir d'achat - encore plus depuis l'invasion russe en Ukraine et la hausse des prix de l'énergie - avoir des mesures sur les droits de succession est indispensable. Plus qu'il y a cinq ans. "La crise des Gilets jaunes, notamment, a montré au pays que le travail pouvait ne pas être rémunérateur. On a vu que des personnes qui faisaient pourtant des métiers indispensables étaient sous-payées et ne s’en sortaient pas. Alors tous les prétendants à l'Élysée sont un peu obligés d’en parler", assure Olivier Rouquan. "Notamment la gauche, dont c'est le travail politique de parler des classes sociales et de l’égalisation des conditions de vie. Mais le sujet dont elle devrait s’emparer et qu’elle élude trop, c’est le travail et la rémunération liée au travail", estime-t-il. "On parle des droits de succession parce qu’on n’est pas capables aujourd’hui dans ce pays de parler du travail et de sa rémunération et des possibilités de mobilité sociale."
Selon le Conseil d'analyse économique (CAE), auteur en décembre 2021 d'un rapport intitulé "Repenser l'héritage", "en France, la part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60%, contre 35% au début des années 1970". Le risque existe de recréer une société d'héritiers où la valeur travail n'a plus d'importance, et les inégalités déterminées dès la naissance, selon le rapport. C'est notamment pour cela que les candidats se concentrent sur les petits patrimoines. Selon le CAE, 50% des individus auront hérité de moins de 70.000 euros de patrimoine tout au long de leur vie. Et parmi eux, une large fraction n'aura hérité d'aucun patrimoine.
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