L'Assemblée rejette la proposition de Fabien Roussel de rendre inéligibles les condamnés pour provocation à la haine

Publié le 3 décembre 2021 à 12h29
L'Assemblée rejette la proposition de Fabien Roussel de rendre inéligibles les condamnés pour provocation à la haine

CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE - Le candidat communiste à la présidentielle, Fabien Roussel, a proposé jeudi au Parlement de s'assurer que les personnes condamnées pour incitation à la haine soient inéligibles à une élection, visant sans le nommer Eric Zemmour. Une proposition refusée par l'Assemblée Nationale.

Si son nom n'a jamais été cité au cours des débats, chacun savait que la proposition visait implicitement le polémiste d'extrême droite Eric Zemmour, tout juste déclaré officiellement candidat à la présidentielle mardi 30 novembre. Ce jeudi à l'Assemblée Nationale, si tous les députés s'accordaient sur la volonté de faire front contre ce type de candidature, ils ne se sont pas entendus sur les moyens pour le faire ce jeudi. 

L'hémicycle a rejeté en effet une proposition de résolution du groupe communiste visant à lutter contre "la banalisation des discours de haine dans le débat public", par l'inéligibilité des personnes condamnées pour provocation à la haine, à l'instar du nouveau candidat d'extrême-droite. Défendue par le candidat communiste à l'élection présidentielle, le député Fabien Roussel, cette proposition prévoyait de solliciter les magistrats, par l'intermédiaire du garde des Sceaux, pour leur rappeler la possibilité de retenir la peine complémentaire d'inéligibilité pour les personnes condamnées pour une provocation à la haine.

Pour Fabien Roussel, "il ne s'agit pas de brider la liberté d'expression mais de la protéger"

"J'invite l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale à voter cette résolution pour que, enfin, dans notre République, un responsable politique ne puisse pas se présenter à une élection quand il a été condamné pour racisme et antisémitisme", avait-il lancé le 31 octobre dernier. Actuellement, rien n'interdit dans la loi à une personne condamnée et ayant un casier judiciaire de se présenter à une élection, dont la présidentielle. La législation permet seulement au juge de décider de l'inéligibilité comme une peine accessoire en plus de la peine principale, mais il n'y est pas obligé. 

"Il ne s'agit pas de brider la liberté d'expression, mais de la protéger de ceux qui la pervertissent (...) Il ne s'agit pas d'interdire qui que ce soit de se présenter à la présidentielle", avait argué Fabien Roussel, désireux d'"envoyer un message simple, ferme et clair". "Ne pas voter aujourd'hui à l'Assemblée Nationale" cette résolution, "c'est envoyer un grave signal : celui de dire que le racisme et l'antisémitisme peuvent faire l'objet de débats, notamment à l'occasion de l'élection présidentielle", avait-il affirmé un peu plus tôt sur Twitter.

Cette proposition vise donc particulièrement Eric Zemmour, qui a cumulé en une dizaine d'années une quinzaine de poursuites en justice. Plusieurs fois relaxé, il a été condamné à deux reprises pour provocation à la haine et plusieurs décisions de justice sont attendues en 2022.

"Les juges doivent demeurer pleinement indépendants", défend Eric Dupond-Moretti

Reste que la proposition, pourtant soutenue par des députés PS, LFI mais aussi UDI, n'a pas remporté l'adhésion de toute l'Assemblée. Elle a été recalée par 32 voix contre 22 pour et une abstention, dans le cadre d'une journée dédiée à des textes portés par les communistes. Les Républicains n'ont pas défendu de position et les groupes de la majorité ont appelé à voter contre. 

"La politique pénale doit demeurer générale et impersonnelle et ne peut viser nommément X, Y ou... Z", a fait valoir le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti. "Nous nous rejoignons sur les objectifs pour lutter contre cette haine dévastatrice", a-t-il ajouté à l'adresse de Fabien Roussel, assurant que "la peine complémentaire d'inéligibilité peut déjà trouver à s'appliquer, mais les juges doivent demeurer pleinement indépendants".

"C'est une proposition tentante", a souligné quant à elle Lætitia Avia, députée LaREM, mais "notre arsenal législatif est déjà suffisant en la matière". Agnès Firmin Le Bodo, porte-parole du groupe Agir, a mis en garde de son côté contre le renforcement de la "stratégie de victimisation" et "le risque de judiciarisation de la vie politique".

Un choix jugé "étrange" sur RMC ce vendredi par le chef de file de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, également candidat à la présidentielle. Il a salué "une proposition brillante" à ses yeux et a estimé qu'un candidat "raciste ne peut pas être représentatif" de la population. "Au sujet de la haine raciale, comment vous pouvez prétendre représenter le peuple français, si vous arrivez en disant : 'pas celui-ci, pas celui-là, parce qu'il a telle religion ou telle couleur de peau' ?", a-t-il argué. 


La rédaction de TF1info

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