Eric Zemmour était l'invité de LCI mercredi soir, dans "Mission Convaincre".Il a détaillé des mesures de son programme et précisé sa position dans de nombreux domaines, tant sur le plan économique que sur celui de l'éducation, en passant par l'énergie.L'équipe des Vérificateurs a écouté le candidat avec attention et vérifié plusieurs de ses affirmations.
Après Valérie Pécresse en début de semaine, c'est Eric Zemmour qui a répondu à l'invitation de LCI afin de participer à l'émission "Mission Convaincre". L'équipe des Vérificateurs était devant sa télé pour écouter les propos du candidat et analyser ses affirmations.
Un déficit extérieur de 370 milliards d'euros sous Emmanuel Macron ?
En matière d'économie, Eric Zemmour a dénoncé la gestion d'Emmanuel Macron, faisant notamment référence à des indicateurs bien connus tels que le commerce extérieur de la France. Le ratio importations/exportations n'est pas bon : "Le déficit commercial sur 5 ans ? 370 milliards, c'est colossal", a estimé le candidat.
Pour vérifier ces chiffres, c'est vers les douanes qu'il faut se tourner. Leurs décomptes sont compilés par l'Insee et nous permettent d'analyser mois par mois la balance commerciale depuis mai 2017 et l'arrivée à l'Élysée d'Emmanuel Macron. Deux indicateurs sont généralement proposés : un solde FAB-FAB des échanges, ainsi qu'un solde CAF-FAB. La différence entre les deux est simple, le solde CAF-FAB prend en compte le coût du transport, différents frais ainsi que des taxes liées aux importations, alors que le solde FAB-FAB s'en tient à la seule valeur marchande des produits importés et exportés.
Cette précision a son importance puisque Eric Zemmour a retenu dans son propos l'indicateur le plus défavorable pour la France. Le solde CAF-FAB est en effet de -386 milliards depuis mai 2017, proche des 370 milliards évoqués. En revanche, le solde FAB-FAB n'est "que" de -296 milliards depuis le début du quinquennat. Notons que c'est pourtant ce dernier qui est habituellement mis en avant, que ce soit par les douanes ou dans les médias. Et pour cause : le solde CAF-FAB implique une surestimation automatique de la valeur des importations par rapport à celle des exportations. Notons enfin qu'il est exact que ces valeurs ont atteint des records ces dernières années, avec un record historique pour le mois de novembre 2019.
L'ISF ne rapportait-il que 2 milliards d'euros par an ?
Eric Zemmour n'est pas nostalgique de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune supprimé en 2018 et remplacé par un impôt sur la fortune immobilière. Il a jugé que cette taxation des plus riches était un sujet "vraiment anecdotique", puisqu'elle ne rapportait "que deux milliards" d'euros chaque année.
Le candidat avance ici un chiffre faux. En 2017, dernière année au cours de laquelle l'ISF fut perçu, il a rapporté très exactement 4,23 milliards d'euros. Un peu plus qu'en 2016, où son produit net s'établissait à 4,04 milliards d'euros. Le double, donc, de ce que soutien Eric Zemmour, bien qu'une telle somme demeure assez modeste au regard de l'ensemble des recettes fiscales de l'État. À titre d'illustration, ces dernières sont estimées à 310 milliards d'euros pour 2022.
800 milliards de dépenses sociales en un an ?
Au cours de l’émission, Éric Zemmour a donc été interrogé sur son programme économique. De nouveau, le candidat de Reconquête a insisté sur le surplus de dépenses sociales en France qui seraient accordées aux personnes de nationalité étrangère : "Je pense que les Français s’appauvrissent. Pourquoi ? Nous ne travaillons pas assez et nous donnons trop de prestations aux étrangers. Notre système social explose : 800 milliards d’euros en un an. Nous sommes les recordmen du monde." L’ancien polémiste vise ici l’année 2020, au cours de laquelle les dépenses sociales, qui couvrent selon l’OCDE les prestations en espèces, les biens et services fournis directement et les allègements fiscaux à visées sociales, ont augmenté de 7,8% par rapport à 2019, atteignant les 872 milliards d’euros.
Le candidat est dans le vrai en affirmant cela et en s’appuyant sur le dernier rapport de la Drees, la cellule statistique du ministère de la Santé, sur le sujet. Cependant, il prend en compte dans son raisonnement une année exceptionnelle du point de vue des dépenses publiques puisqu’elle correspond à la naissance de la pandémie et à une intervention massive de l’État. Ainsi, pas moins de 46 milliards de ces dépenses sont "directement liées à la pandémie", selon la Drees, dont 35 milliards d’euros "correspondent à des prestations supplémentaires", comme le chômage partiel (27 milliards).
Si Eric Zemmour met en avant l’exploit français, la Drees souligne qu’"en 2020, tous les pays européens ont augmenté leurs dépenses de protection sociale". Et qu'au cours de cette année, "les réponses apportées à la crise sanitaire par l’Union européenne ont reposé sur un accroissement des dépenses de protection sociale, via une série de mesures d’urgence destinées à préserver la sécurité sanitaire, économique et sociale, mais aussi via les politiques publiques déjà en place qui ont contribué à absorber le choc social dû à la crise".
Les éoliennes n'exploitent-elles que "25% de leur énergie" ?
Partisan de la construction de 14 réacteurs nucléaires, Eric Zemmour assure que s'il est élu, plus aucune éolienne ne sera construite en France. Leur préférant d'autres énergies renouvelables telles que la géothermie ou la biomasse. "Les éoliennes sont une énergie intermittente, vous savez très bien qu'elles n'exploitent que 25% de leur énergie", a-t-il lancé pour justifier sa position.
Si cette formulation est quelque peu maladroite, le fond du propos d'Eric Zemmour est globalement juste. Si Engie précise que "contrairement aux idées reçues, une éolienne tourne la majorité de son existence durant plus de 80 % du temps", elle ne fonctionne pas durant toute cette période à plein régime. L'Ademe note ainsi qu'à l'échelle d'une année, on observe qu'une éolienne "a produit autant d'électricité que si elle avait tourné 20 à 25% du temps à capacité maximale". Cela correspond à ce que l'on nomme "le facteur de charge" ou "taux de charge", comme TF1info l'expliquait l'an passé.
La France, 1% de la production mondiale de CO2 ?
La France doit protéger son industrie et la développer, soutient Eric Zemmour. En matière de lutte contre le changement climatique, il incite d'ailleurs "Chinois et Américains" à se mobiliser en priorité, la France faisant pour lui figure de bon élève à l'échelle mondiale. Le candidat a expliqué durant l'émission que "nous représentons 1% de la production mondiale de CO2".
Ce chiffre est correct : avec 299 millions de tonnes de CO2 relâchées dans l'atmosphère en, la France représente seulement 0,9% de la totalité des émissions de la planète. Loin du top 10 des pires élèves, où figurent en tête la Chine et les États-Unis et que nous vous présentons dans un article plus complet sur le sujet. Attention toutefois : ces données ne prennent pas en compte ce que l'on nomme les émissions dites "importées". Ce terme fait référence aux émissions de biens et services produits à l’étranger et consommés en France, parmi lesquels figurent notamment les hydrocarbures, dont l'extraction se révèle très polluante. La prise en compte de ces émissions importées contribue à faire de la France un pays plus polluant que la Chine, rapporté à sa population.
En 6e, 30% des élèves ne savent pas bien lire et écrire ?
Le niveau scolaire est en baisse, se désole Eric Zemmour. Il en veut pour preuve les difficultés des élèves à leur entrée en 6e, assurant que "30%" d'entre eux "ne savent pas correctement lire et écrire" lorsqu'ils intègrent le collège. Comme nous vous l'avons expliqué dans un article dédié, ce chiffre se révèle nettement surévalué.
Si le ministère de l'Éducation nationale indique que "20 % des élèves" ne "maîtrisent pas les savoirs fondamentaux à la fin de l'école primaire", cela ne permet pas d'affirmer qu'ils ne savent pas lire ou écrire correctement. Selon les données de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), issues d'évaluations nationales, "89% des élèves en début de sixième" présentent une maitrise "satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français". Avec 11% d'élèves affichant de réelles difficultés, nous sommes loin des 30% avancés par Eric Zemmour.
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