CAMPAGNE - Richard Ferrand a estimé que récolter 500 signatures d'élus pour qu'un candidat puisse se présenter à l'élection présidentielle était une quête légitime car "inscrite dans la Constitution". C'est faux.
On peut difficilement faire plus légitime que la Constitution. Encore faut-il la connaître. Interrogé sur la course aux parrainages dans laquelle s'est lancé Eric Zemmour, le président de l'Assemblée nationale a invoqué la norme juridique suprême du pays. Ce mardi 7 décembre, Richard Ferrand a tenu à rappeler que "dans la Constitution, aller chercher la signature de 500 maires, c'est un premier acte de campagne". "C'est déjà le commencement de la campagne, et non pas un frein", a-t-il ajouté au micro de Franceinfo.
Relancé afin de savoir s'il crierait "au scandale démocratique" dans le cas où l'ancien polémiste ne pourrait se présenter faute de signatures suffisantes, le député du Finistère a répondu par la négative. Ce proche d'Emmanuel Macron a argué à nouveau que "ce texte est dans la Constitution". Qu'en est-il réellement ?
Une disposition précisée dans la loi organique
Cette règle ne peut tout simplement pas avoir été décidé "par nos constituants" contrairement à ce qu'a affirmé le quatrième personnage de l'État. Et pour cause, elle n'a été nécessaire qu'avec l'arrivée du suffrage universel. Comme le note le Conseil constitutionnel sur son site, c'est uniquement "lorsque fut instaurée l'élection du Président de la République au suffrage universel direct" que ce "filtrage" fut décidé. Objectif : "Prévenir les candidatures fantaisistes".
Or, le suffrage universel direct n'a été adopté qu'en 1962, à la suite du référendum du 28 octobre voulu par Charles de Gaulle. Un changement de scrutin bel et bien inscrit dans la norme juridique la plus élevée, plus précisément dans l'article 7. Mais où ne figurent pas les modalités de l'élection, tels les parrainages, baptisés "présentations" dans le jargon institutionnel.
En fait, ce n'est pas dans la Constitution, mais dans une loi dite "organique" que les conditions du scrutin sont inscrites. Pour rappel, ces textes ont généralement comme objet de préciser l'application d'articles de la Constitution. S'ils n'ont pas la même force juridique que la Constitution en elle-même, ils représentent tout de même "une catégorie particulière de lois", comme le rappelle le site officiel de l'administration française. Ils se placent "au-dessus des lois simples" mais "en dessous des lois constitutionnelles".
En tout, 31 articles de la Constitution renvoient à des lois organiques. Dont l'article 7 portant sur le suffrage universel. Il renvoie à l'article 3 de la loi organique du 18 juin 1976, qui impose alors cette règle qui doit servir de "filtrage". D'abord limité à 100 présentations, il a ensuite été décidé que chaque candidat devrait récolter 500 signatures d'élus. Pour rappel, si on parle de "signatures de maires", la liste des élus habilités à donner leur parrainage est bien plus longue. Il s’agit de l'intégralité des députés, sénateurs et euro-députés, ainsi que des présidents des organes délibérants des métropoles, des communautés urbaines, des communautés d'agglomération, des présidents des communautés de communes, mais aussi des conseillers de Paris et de Lyon, entre autres exemples. Une longue liste qui représentait quelque 42.000 élus en 2017.
Cette loi est donc toute particulière, bien qu'elle ne soit pas inscrite dans la Constitution. Une maladresse qu'a d'ailleurs admis Richard Ferrand. Sur les réseaux sociaux, le président de l'Assemblée nationale a reconnu "une erreur".
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