Pour tenter d'accéder au second tour, les candidats de LFI et du RN appellent les électeurs de leur famille politique respective à choisir le "vote utile" en les soutenant.Une stratégie décriée par leurs adversaires, qui leur opposent un "vote de conviction" ou reprennent à leur compte la même rhétorique.
Au fil du marathon de meetings du week-end écoulé, presque aucun candidat n'a manqué de faire allusion au "vote utile", de manière plus ou moins directe. Depuis plusieurs semaines, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, hissés en deuxième et troisième position dans les sondages derrière Emmanuel Macron, appellent respectivement les électeurs de droite et de gauche à se rallier derrière leur candidature pour accéder au second tour. Une stratégie décriée par les adversaires de leur famille politique respective.
Voter utile consiste à donner sa voix non pas au candidat qui convainc le plus, mais par défaut à celui qui semble le plus à même de l'emporter face à un autre concurrent qu'on ne voudrait pas voir gagner. Pour certains politologues, les Français ont surtout eu recours à ce vote pour éviter la victoire de Jean-Marie Le Pen contre Jacques Chirac en 2002. Désormais, les candidats brandissent l'argument pour convaincre dès le premier tour, en particulier à gauche, particulièrement morcelée.
L'unanimité des candidats de gauche contre l'appel au "vote efficace" de Jean-Luc Mélenchon
Jean-Luc Mélenchon, crédité de 14% des voix dans notre dernier sondage rolling de lundi, appelle depuis plusieurs semaines l'électorat de gauche à un "vote efficace" en sa faveur, une autre formule pour désigner le vote utile. Lors de sa marche parisienne en faveur d'une VIe République le dimanche 20 mars dernier, il avait déjà appelé à la "responsabilité morale" des électeurs pour se propulser au second tour.
Lors de son dernier meeting, dimanche, s'il n'a pas évoqué le "vote efficace", il a réitéré ses appels à l'union derrière sa candidature, qui a le vent en poupe dans les sondages. "Si vous voulez faire barrage à l’extrême droite, j’ai une proposition à vous faire : faites barrage dès le premier tour en votant pour moi !", a-t-il lancé depuis Marseille. Critiqué depuis plusieurs semaines pour ses positions dans le conflit ukrainien par ses adversaires de gauche, il a appelé leurs électeurs à lui donner leur voix : "À la fin, il faudra se rassembler car la victoire est à portée de mains. Faites l’union à la base par vos bulletins de vote".
Un appel rejeté par sa famille politique, à de rares exceptions, comme celle de l'ancienne ministre socialiste Ségolène Royal, qui estimait le 16 février dernier que Jean-Luc Mélenchon incarnait "le vote utile" et avait fait "la meilleure campagne". Anne Hidalgo, quant à elle, se détache fermement de cette ligne, bien qu'elle plafonne à 2% d'intentions de vote. Voyant en Jean-Luc Mélenchon une "impasse", la candidate PS a estimé lors d'un meeting à Toulouse, samedi, qu'il représentait "le vote le moins utile au monde pour changer concrètement la vie de nos concitoyens". Des accusations déjà portées quelques jours plus tôt à Limoges : le "soi-disant vote utile" est porté par "ceux qui veulent que la gauche ne gouverne pas", avait-elle asséné.
Idem du côté du candidat écologiste, crédité de 5% des voix : lors de son meeting au Zénith, dimanche, Yannick Jadot s'est opposé avec vigueur à cette rhétorique. "Le vote efficace, le vote utile au premier tour, c’est le vote par conviction, on ne vote pas par défaut", a-t-il lancé. "On agite le mirage d'un vote utile ou efficace. On ne vote pas pour ceux qui refusent d'appeler un dictateur, un dictateur", a-t-il fustigé, faisant référence aux positions de Jean-Luc Mélenchon vis-à-vis de Vladimir Poutine.
Des critiques également relayées depuis Toulouse, dimanche, par le candidat communiste, Fabien Roussel, qui tente de se démarquer de son rival insoumis. "Il y aurait des votes utiles et des votes inutiles ? Votez pour vous, pour vos idées, pour vos convictions", a-t-il lancé. "L'idée d'un sauveur, on n'y croit pas du tout", a pour sa part cinglé le candidat anticapitaliste, Philippe Poutou, sur Franceinfo ce lundi. "On en est à voter pour le moins pire, on parle du vote utile et plus du vote de confiance", a-t-il déploré.
Il faut aussi compter à gauche les quelques voix qui préfèrent au vote utile pour Jean-Luc Mélenchon celui pour Emmanuel Macron dès le premier tour, sans attendre de constituer un front républicain au second tour, dans un scénario qui l'opposerait à la candidate RN. Lors d'un rare déplacement de campagne à Dijon ce lundi, le président sortant a été accueilli par François Rebsamen, maire de la ville bourguignonne et ancien ministre socialiste. "Je ne suis pas pour dire que c’est le vote utile à gauche, je suis pour reconnaître que c’est un président utile… ce n’est pas la même chose", a-t-il glissé.
François Rebsamen ex ministre socialiste accueille le président candidat pour l’un de ses premiers déplacements « Je ne suis pas pour dire que c’est le vote utile à gauche, je suis pour reconnaître que c’est un président utile… ce n’est pas la même chose » cc @TF1Info pic.twitter.com/lbJ9AECBwm — Marie Chantrait (@mchantrait) March 28, 2022
Cet argument est aussi sujet à tensions à droite, où l'entourage de Marine Le Pen, donnée à 20% environ dans les enquêtes d'opinion, martèle depuis des semaines qu'elle incarne le "vote utile", dans l'espoir de rallier les électeurs de son rival d'extrême-droite, Eric Zemmour, et même ceux de la candidate des Républicains, Valérie Pécresse, dont la campagne s'essouffle et qui plafonnent tous deux à 11% environ dans les sondages.
Il est "essentiel de voter efficacement et utile et ne pas disperser ses voix", a martelé sur LCI le président du RN, Jordan Bardella, ce lundi, en tendant la main à l'électorat de l'ancien polémiste. "Celle qui peut le mieux porter les aspirations des patriotes sincères qui s'apprêtent à voter pour Reconquête!, c'est Marine Le Pen", a-t-il poursuivi, appelant à ne pas "attendre le second tour" pour lui donner sa voix. "Je pense que la candidature d'Eric Zemmour ne sert à rien", avait déjà lancé quelques jours plus tôt, toujours sur LCI, Louis Aliot, vice-président RN. "Du côté patriotique, le vote utile est Marine Le Pen, qu'on le veuille ou non."
À l'occasion d'un grand meeting sur le Trocadéro, Eric Zemmour a fustigé ces appels : la candidate RN "n'est utile qu'à la victoire d'Emmanuel Macron", a-t-il déclaré. Il a affirmé de son côté être "le vote de la vérité" : "La vérité difficile à dire, la vérité difficile à entendre, la vérité difficile à admettre, mais la vérité, rien que la vérité, toute la vérité", a-t-il lancé. Mais son entourage ne refuse pas de reprendre cette rhétorique à son compte. Quelques jours plus tôt, son soutien Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen, affirmait dans les colonnes du journal L'Opinion que le fondateur de Reconquête! était "le véritable vote utile".
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