Ce lundi, Valérie Pécresse était la première invitée de "Mission Convaincre", diffusée sur LCI.Au cours de ces deux heures d'émission, la candidate LR à la présidentielle a multiplié les chiffres pour porter son programme.Nous avons vérifié quatre de ses affirmations.
Défendre son programme… Et discréditer le bilan d'Emmanuel Macron. Telle était la mission de Valérie Pécresse. Première invitée de l'émission "Mission Convaincre" ce lundi 31 janvier, la candidate de la droite à la présidentielle devait séduire les plus réticents à voter pour elle. Mais elle a aussi, au passage, vivement critiqué le quinquennat qui s'achève, à grands coups de chiffres et comparaisons. Nous avons passé quatre de ses arguments au crible.
"Deux à trois fois plus" d'éloignements de clandestins sous Sarkozy ?
À commencer par ceux portant sur le régalien. Face à une extrême droite de plus en plus séduisante aux yeux des Français, la candidate a voulu se placer en "femme d'ordre". Pour ce faire, elle a notamment rappelé les résultats de sa famille politique en matière d'immigration. Selon l'ancienne porte-parole du gouvernement sous Nicolas Sarkozy, le gouvernement renvoyait à l'époque "deux voire trois fois plus de clandestins".
Pour rappel, les "obligations de quitter le territoire français" (OQTF) obligent généralement une personne à quitter la France dans un délai de 30 jours. Mais une partie d'entre elles ne sont pas accompagnées d'un départ effectif, et ce, pour plusieurs raisons qui ne dépendent pas forcément du gouvernement, comme nous vous l'expliquions ici. Or, le nombre d'obligations de quitter le territoire français et leur exécution est bel et bien en baisse, selon le dernier projet de loi de finances pour 2020, qui reprend les données du ministère de l'Intérieur. Le taux d'exécution le plus élevé remonte bien à 2012, lors du dernier mandat de Nicolas Sarkozy. Sur 82.535 OQTF prononcées en 2012, 18.441 ont été exécutées par force, soit 22%. A contrario, sous Emmanuel Macron, ce chiffre a atteint un niveau "historiquement bas", atteignant 12,6% les six premiers mois de 2018. Si Valérie Pécresse grossit le trait en parlant de "trois fois plus" d'éloignements, ce phénomène est réel… sur le seul taux d'exécution !
Car, si l'on prend le nombre absolu d'éloignements forcés, il y en a plus eu en 2021 qu'en 2012, comme le montre le graphique ci-dessous. Un paradoxe qui s'explique par l'explosion du nombre d'OQTF prononcées. Alors qu'il y en a eu près de 82.500 en 2012, on en comptabilisait 122.839 en 2019, d'après les chiffres de l'Intérieur repris dans le dernier avis de la Commission des Affaires étrangères sur le projet de loi finances pour 2021. Ce qui implique que le nombre d'éloignements baisse en relatif, mais pas en absolu.
La France, championne de la taxation sur les successions ?
Deuxième sujet régalien évoqué par Valérie Pécresse, les finances de l'État. Et notamment les droits de succession, sujet devenu l'une des thématiques de cette campagne présidentielle. Or, l'actuelle présidente de la région Ile-de-France plaide pour une réduction de cet impôt, afin que 95% des Français puissent léguer leur patrimoine librement. Aujourd'hui, regrette-t-elle, "nous sommes le pays d'Europe qui taxe sans doute le plus les successions". Et la candidate LR d'ajouter que l'on "doit taxer deux fois plus que la moyenne de l'OCDE".
Pour vérifier cette affirmation, il faudrait pouvoir comparer les montants précisément encaissés par les États dans le cadre des successions et les analyser au regard des sommes totales léguées. Des chiffres malheureusement indisponibles, mais l'OCDE nous fournit un autre indicateur. Il s'agit de la part des recettes tirées des impôts sur les successions et les donations parmi les recettes fiscales globales des différents pays. La moyenne de l'OCDE est de 0,36%, contre 1,38% en France. En Europe, seule la Belgique (1,46%) affiche des chiffres supérieurs.
Attention cependant. Dans ce rapport cité par la candidate, l’OCDE souligne que sur ce sujet, il convient de ne pas se fier aux seuls taux légaux d'imposition en vigueur. En effet, les taux effectifs observés "sont nettement plus faibles que les taux légaux et, dans certains pays, ils diminuent pour les plus grosses successions". C'est le cas en France où des dispositifs d'optimisation fiscale permettent aux plus aisés de réduire les sommes versées à l'État dans le cadre de succession.
Les financements de l'Université en baisse ?
Si la candidate veut se couper de cette entrée d'argent dans les caisses de l'État, elle désapprouve par ailleurs la baisse des financements pour les Universités. Sur le plateau de LCI, elle a regretté que depuis dix ans, "il y a 12% de financement de l'État de moins par étudiant". Un chiffre faux et trompeur. Celui-ci donne l'impression que le budget alloué aux études supérieures est en baisse. Or, il n'a cessé d’augmenter, passant de 25,4 milliards d'euros en crédits de paiement de l'État pour le ministère de l'Enseignement supérieur en 2012, à 28,49 milliards d'euros en 2020.
Seulement, si la dépense de l'État est en hausse quasi ininterrompue depuis les années 80, le coût par étudiant est effectivement en baisse. Ce paradoxe, la direction de l'évaluation de la prospective et de la performance (Depp) l'explique par la hausse des effectifs, qui ont augmenté de 21% en dix ans. Selon une note publiée en mai dernier par cette branche en charge des statistiques sur l'éducation, le coût moyen par étudiant a atteint 11.530 euros en 2019, ce qui représente une augmentation de 11,7% depuis 2009. Et pourtant, avec des effectifs qui "augmentent fortement", le coût moyen par étudiant connait une baisse de 7,9 % depuis 2009, toujours selon la même source.
Valérie Pécresse a donc exagéré lorsqu'elle disait que le financement de l'État baissait de "12%". Par contre, il est vrai que la dépense publique en la matière augmente moins vite que les effectifs.
Une école française profondément inégalitaire ?
Et quid des plus jeunes ? Selon Valérie Pécresse, au-delà de l'université, "le vrai sujet des inégalités en France, c'est l'école". "On a aujourd'hui l'école la plus inégalitaire d'Europe : on met 6 générations pour un fils d'ouvrier pour devenir cadre", s'est émue la candidate LR. Elle fait ici référence à des travaux de l'OCDE, dévoilés en 2018. Ils mettaient en lumière le fait que "compte tenu des niveaux actuels d’inégalités et de mobilité intergénérationnelle sur l’échelle des revenus, au moins cinq générations (ou 150 ans) pourraient être nécessaires, en moyenne dans les pays de l'OCDE, pour que les enfants de familles modestes parviennent à se hisser au niveau du revenu moyen". Un bilan pire en France, ou ce sont plutôt six générations qui seraient nécessaires. Il ne s'agit toutefois pas ici de passer du statut d'ouvrier à celui de cadre, comme l'indique Valérie Pécresse, même si les auteurs s'intéressent au fameux concept d'ascenseur social.
Notons que la France est ici à un niveau similaire à l'Allemagne, et qu'au sein des pays européen de l'OCDE, seule la Hongrie fait pire avec sept générations nécessaires en moyenne pour observer un enfant de milieu modeste réussir à se hisser au niveau du revenu moyen.
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