Présidentielle : qu'est vraiment le "grand remplacement" ?

V. Fauroux, avec AFP
Publié le 15 février 2022 à 18h45
JT Perso
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Source : TF1 Info

Depuis son entrée dans la campagne présidentielle, Eric Zemmour a largement médiatisé le "grand remplacement".
Une thèse traditionnellement utilisée par l’extrême droite et évoquée dimanche par Valérie Pécresse.
Mais que signifie cette théorie xénophobe ?

Les discours violents contre l'immigration n'ont certes rien de nouveau en France, et personne n'a oublié les diatribes de l'ancien chef de file de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, jusqu'à son arrivée surprise au second tour de la présidentielle en 2002. Pour autant, la parole extrémiste tend à se banaliser à mesure que l'on approche des prochaines élections.

Les antiennes d'Eric Zemmour accusant les immigrés d'être responsables du déclin de la France occupent depuis des mois une grande partie du débat politique. Tout comme la théorie complotiste du "grand remplacement" supposé de la population européenne par des populations africaine et maghrébine qui fait désormais l'objet de débats sur les plateaux télé.

Même Valérie Pécresse, la candidate LR, a été tentée de citer cette thèse sulfureuse lors de son meeting parisien dimanche 13 février, tout en se défendant de l'avoir fait. "Il y a aujourd'hui en France des zones de non-France, mais moi je ne me résigne pas à ce grand remplacement, mais c'est quelque chose que je dis depuis des mois, donc je ne comprends même pas la polémique", s'est-elle justifiée au lendemain de cette prise de position lexicale vivement critiquée. Mais pourquoi cette soudaine reprise pour une expression conçue par d'anciens nazis après la guerre, avant d'être popularisée après les attentats du 11 septembre 2001 ?

"Mythe raciste et islamophobe"

Après 1945, l'extrême droite radicale va développer la thématique de la destruction de l'Europe par une "colonisation" d'immigrés africains, en la disant œuvre du complot juif, explique l'historien Nicolas Lebourg. Après les attentats du 11 septembre 2001, ses partisans vont en extraire "l'argumentaire antisémite, pour le faire seulement mythe mobilisateur raciste et islamophobe", précise-t-il dans Mediapart. 

"Dès 1946, des groupes d'anciens Waffen-SS affirmaient que, désormais, toute l'Europe était occupée par les 'nègres' (les soldats américains) et les 'mongols' (les soldats russes), et qu’il s’agissait de libérer le continent de 'l’occupation par une nouvelle résistance'". Mais c'est l’ancien trotskyste et ancien Waffen-SS français René Binet qui va diffuser, sur le plan international, la thématique d’un grand remplacement organisé par les juifs. 

Après les attentats du 11 septembre 2001, les partisans de cette thèse accusent le "multiculturalisme", au lieu du métissage, pour avancer que les populations immigrées musulmanes vont "remplacer" les populations "blanches et chrétiennes". Le tueur de Christchurch en 2019 (ses attentats contre 2 mosquées en Nouvelle-Zélande avaient fait 51 morts) avait repris l'expression dans un manifeste, où il faisait référence à un "génocide blanc".

Rendre dicible des choses qu'on ne pouvait pas dire il y a dix ans, comme le grand remplacement, c'est ce qu'on appelle 'la fenêtre d'Overton'.

Raphaël Llorca, doctorant en philosophie du langage

Cette thèse comporte aussi un aspect complotiste, car le "remplacement" est présenté "comme sciemment organisé par les 'représentants de la superclasse mondiale'", note l'historienne Valérie Igounet dans une étude pour la Fondation Jean Jaurès.

L'écrivain sulfureux Renaud Camus l'a popularisée dans un ouvrage publié en 2011 intitulé Le grand remplacement, où il "insiste sur une 'colonisation démographique'". "En d'autres termes, la France s'apprêterait à passer sous domination musulmane", explique Valérie Igounet. Un concept réfuté par les démographes. 

Parmi les mesures proposées par Renaud Camus pour faire échec au "remplacisme" (néologisme qu'il a inventé pour démontrer sa doctrine politique, ndlr) figurent la suppression du droit du sol, l'abrogation du regroupement familial, l'interdiction d'adopter des enfants extra-européens, la création d’un haut-commissariat à la remigration, ou l'attribution exclusive des aides sociales aux nationaux et ressortissants européens.

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Une rhétorique largement reprise à son compte par Eric Zemmour, qui se félicitait d'ailleurs, mi-janvier, devant la presse, d'avoir "imposé ses thèmes" dans la campagne, en pesant par exemple sur le discours de la primaire LR, très axé sur l'immigration et la sécurité. Selon le communicant et doctorant en philosophie du langage Raphaël Llorca, la stratégie du candidat Reconquête!, c'est de "rendre dicible des choses qu'on ne pouvait pas dire il y a dix ans, comme le grand remplacement".

Dans la théorie du discours, c'est ce qu'on appelle "la fenêtre d'Overton (du nom de l'inventeur de ce concept, Joseph Overton, un lobbyiste américain), théorisée dans les années 90, qui désigne l'ensemble des propos qui peuvent être tenus à un moment donné sans être immédiatement disqualifiés par le champ médiatique ou par ses opposants", expliquait-il lundi 14 février dans l'émission "Quotidien".


V. Fauroux, avec AFP

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