Sous l'effet d'une anxiété générale due au contexte de crise, les électeurs semblent démunis et indifférents face à la campagne présidentielle : les sondeurs craignent une abstention record.Les débats et les discours politiques, par leur violence et leur radicalité, peuvent aussi entraîner du stress.
"Jamais la politique n’a autant envahi les cabinets de psy" : alors que la France traverse une série de crises anxiogène, la campagne présidentielle peut amener une source supplémentaire d'angoisse pour les électeurs. Si nombre d'entre eux se désintéressent de la campagne, ils ne sont pas insensibles aux tensions qui l'entourent, dans un contexte où les insécurités sont nombreuses. "Les gens sont de plus en plus inquiets et dégoûtés, ils se demandent où l'on va", rapporte Catherine Grangeard, psychanalyste et psychosociologue, qui estime que cette campagne est plus angoissante que les précédentes.
Essorés par des crises cycliques depuis quelques années - la guerre en Ukraine et ses conséquences sur le pouvoir d'achat notamment, la pandémie, et plus en arrière encore, les attentats terroristes -, les Français sont de plus en plus nombreux à être angoissés. Selon la dernière étude Coviprev, publiée par Santé Publique France début février, 23 % des Français montrent des signes d’un état anxieux, soit 9% de plus qu'avant l'épidémie, et 70 % déclarent avoir eu des problèmes de sommeil au cours de la semaine écoulée, à savoir 21% de plus qu'avant la crise sanitaire. Et ce, quelques semaines avant le début de la guerre en Ukraine, le 24 février, qui a fait monter davantage encore le niveau de stress général.
Ce climat oppressant peut faire perdre leur repères aux électeurs, monopoliser leur attention et les désintéresser de la campagne présidentielle, elle-même ankylosée depuis le début du conflit ukrainien. "La population est très clairement anxieuse, mais la campagne n’est plus forcément attendue pour répondre à ces inquiétudes-là", explique Stewart Chau, responsable des études politiques et sociétales de l’institut de sondages Viavoice et auteur du live L'opinion des émotions.
"Effet de sidération" et perte de repères démocratiques
Si bien qu'une majorité d'électeurs semblent se retrancher par facilité derrière le président sortant Emmanuel Macron, qui reste encore favori dans les sondages. Mais le spectre d'une abstention record et d'une "léthargie démocratique" pèse sur la présidentielle. "L'anxiété peut produire un effet de sidération très puissant, et donc une forme d’apathie : on est en colère mais on se résigne, on ne sait pas quoi faire, alors on préfère ne pas regarder ce qu'il se passe pour ne pas se faire peur", poursuit-il.
En cela, l'angoisse politique se rapproche de l'éco-anxiété, la peur liée aux changements climatiques : "les gens ont le sentiment d'être pollués en continu, alors certains arrêtent de suivre les informations et les débats, parce qu'ils n'en peuvent plus", abonde Catherine Grangeard. Avec une guerre aux portes de l'Europe, le niveau d’anxiété général est tel que "le stress de la campagne passe au second plan", ajoute la psychanalyste.
Pour autant, cette anxiété politique ne disparaît pas, notamment parce que certains candidats tendent aussi à bouleverser les repères de l'élection en remettant en cause son fonctionnement et sa légitimité. Selon la psychosociologue, quand Valérie Pécresse fustige une victoire "volée" à François Fillon en 2017 ou que Nicolas Dupont-Aignan craint un scrutin "truqué", la rhétorique de Donald Trump selon laquelle Joe Biden a volé sa réélection en 2020 n'est pas loin.
Au cours de cette année-là, les termes "Political Anxiety Disorder" (trouble de l'anxiété politique) et "Election Stress Disorder" (trouble du stress électoral) se sont multipliés dans les médias et sur les réseaux sociaux américains, relève Slate. Selon une étude de l'American Psychological Association, près de 70% des adultes américains déclaraient avoir subi des épisodes de stress intense en 2020, contre 52% en 2016, lors de la précédente élection. "Ces propos produisent de l’anxiété, parce que le cadre démocratique est attaqué et explose", déplore Catherine Grangeard. "Alors qu’en thérapie, on sait bien que le cadre sert à contenir, donner des repères."
La libération de discours refoulés, un autre facteur d'angoisse
Par ailleurs, les mois de campagne qui ont précédé le début du conflit ukrainien ont été laissé des séquelles par leur virulence. "Les responsables politiques, par leur violence verbale, sont anxiogènes en eux-mêmes : les débats ressemblent à des combats de catch. C’est inadmissible !", s'irrite la psychanalyste. Un comportement que l'on n'admettrait jamais, selon elle, dans le cadre d'une entreprise ou d'une famille.
Elle fustige aussi l'émergence d'un discours toujours plus radical à l'extrême-droite, avec notamment l'entrée en course du candidat de Reconquête! Eric Zemmour : "Il y a eu un basculement, des idées racistes et sexistes refoulées par une partie de la population ont explosé au grand jour, et des gens ont pris peur car certains peuvent subir des humiliations dans leur vie quotidienne". Ces discours participent à baser toujours plus la campagne sur le "facteur émotionnel", sans pour autant que cela produise un sursaut de participation, analyse Stewart Chau : ceux qui prennent peur peuvent tenter de se protéger en évitant la campagne et en se résignant, plutôt qu'en votant pour des adversaires aux candidats qu'ils redoutent.
D'autant que depuis la crise sanitaire, les Français ont davantage l'habitude de rester chez eux, de privilégier la sphère privée. "La politique, c’est le commun qui n’existe plus", estime le spécialiste. "La campagne, ce sont les inquiétudes et les incertitudes, alors que le chez-soi, c’est la cellule de la protection, de la confiance et de la joie." S'il reste deux semaines avant le scrutin pour mobiliser l'opinion publique, la tâche semble bien ardue : pour l'heure, face à la campagne, "c'est sauve-qui-peut".
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