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Présidentielle : emploi, impôts, industrie... la lettre d'Emmanuel Macron passée au crible

Felicia Sideris & Caroline Quevrain
Publié le 4 mars 2022 à 13h12
Emmanuel Macron, le 28 février 2022.

Emmanuel Macron, le 28 février 2022.

Source : Ludovic MARIN / AFP

Emmanuel Macron a officialisé sa candidature dans une lettre parue jeudi soir dans la presse.
L'occasion pour le président d'esquisser un bilan de son quinquennat.
Nous avons vérifié ses arguments sur l'emploi, l'industrie et les impôts.

C'est (enfin) l'heure du bilan. Dans une lettre officialisant sa candidature, Emmanuel Macron a commencé par se féliciter de son action. S'il a reconnu n'avoir "pas tout réussi", le chef de l'État a salué les "réformes menées" par son gouvernement, qui ont, selon lui, produit des résultats sur l'industrie, l'emploi et le pouvoir d'achat des Français. Mais qu'en est-il réellement ?

"L'industrie a recréé des emplois" : trompeur

Le président de la République a commencé par se féliciter des résultats de sa politique sur "notre industrie". Elle a "pour la première fois, recréé des emplois", écrit-il. C'est doublement trompeur. Certes, avec une augmentation de 1,3% en un an selon les chiffres de l'Insee, la France a effectivement créé de très nombreux emplois industriels. Elle a même enregistré 6,5 milliers création d'emplois au premier trimestre. Sauf que, sur l'ensemble du mandat, les chiffres de l'institut montrent que l'emploi dans ce secteur est en baisse. Entre 2017 et 2021, la France a perdu 16.600 emplois industriels.

Par ailleurs, ce n'est absolument pas "la première fois". Si ce secteur est en déclin depuis des décennies, on observe une inversion de cette tendance depuis 2017. Ainsi, au moment de l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, les données de l'Insee sur l'emploi salarié montrait la création de 4,3 milliers d'emplois salariés sur l'année 2017 dans cette branche.

Chômage au plus bas "depuis quinze ans" : à nuancer

Il y a très exactement 3.101.800 personnes sans emploi (catégorie A) inscrites à Pôle Emploi au quatrième trimestre de 2021 en France, selon les dernières statistiques de l'établissement chargé de l'emploi. Un niveau effectivement plus bas que celui observé au début du quinquennat d'Emmanuel Macron - on enregistrait alors 3,75 millions d'inscrits en catégorie A. Mais ce chiffre n'a rien d'un record. On le retrouve dès fin 2013, avec 3.307.000 inscrits, selon la même source. 

D'autant que si les chiffres du chômage sont bons, ils s'accompagnent d'une plus grande précarité de l'emploi. Ainsi, en regardant les catégories allant A à C - qui concernent donc les demandeurs exerçant une activité réduite - il y a actuellement plus de personnes inscrites à Pôle emploi. Toutes catégories confondues, le pays a 5.368.200 chercheurs d'emploi. Fin 2013, ce chiffre était en deçà de 5 millions (4,9). 

LES VÉRIFICATEURS - Le taux de chômage est-il au plus bas depuis 15 ans ?Source : TF1 Info

Ceci dit, ces chiffres peuvent avoir plusieurs biais. Tout d'abord, ils prennent en compte certains inscrits qui ne sont pas véritablement en recherche d'emploi, comme de nombreux "seniors". A contrario, les plus jeunes "ont tendance à ne pas être inscrits à Pôle emploi", alors qu'ils sont bel et bien à  la recherche d'une activité rémunérée, comme l'explique l'Insee sur son site. Enfin, le chiffre enregistré par Pôle emploi a le défaut de ne pas prendre en compte la hausse du nombre d'actifs en France, puisqu'il s'agit de données brutes. 

En regardant les chiffres de l'Insee, qui prend en compte la définition du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), en 2021, le chômage a effectivement atteint un taux inédit depuis 2008. Avec 8% de chômeurs enregistrés par l'institut chargé de la statistique, le pays se rapproche de sa situation de 2008 (7,2%). 

"Baisse inédite des impôts" : vrai depuis 2007

Récemment, Bercy a communiqué un montant de 52 milliards d'euros de prélèvements, qui auraient été retirés aux Français depuis cinq ans. Cela s'explique par la baisse de l'impôt sur le revenu de 13 milliards d'euros et la suppression progressive de la taxe d'habitation, qui aurait permis 39 milliards d'euros de prélèvements en moins. Mais en réalité, cela représente pour les ménages "une réduction des prélèvements obligatoires de 26 milliards d'euros sur le quinquennat", précise le gouvernement lui-même, dans son projet de loi de finances 2022.

Et, comme l'a souligné Bruno Le Maire à l'AFP, ces 52 milliards d'euros correspondent aux sommes qui n'ont pas été prélevées entre 2017 et 2022 et non pas à 52 milliards d'euros de baisse d'impôts ou qui auraient profité directement au pouvoir d'achat des Français. Alors, comment calculer cette baisse d'impôts "inédite" ? En réalité, il vaut mieux regarder la part des prélèvements obligatoires (PO) dans le PIB du pays plutôt que les montants en euros, dont la valeur peut varier au cours du temps. C'est en tout cas la méthode utilisée par l'Insee. L'institut retrace le poids de ces prélèvements, qui incluent impôts et cotisations sociales, dans le PIB jusqu'en 1960. 

Le taux des prélèvements obligatoires dans le PIB, de 1960 à 2020 en France
Le taux des prélèvements obligatoires dans le PIB, de 1960 à 2020 en France - Insee

Par souci de lisibilité, nous avons choisi de nous concentrer sur les deux quinquennats précédents, ceux de François Hollande et de Nicolas Sarkozy. En 2007, les PO représentaient 42,3% du PIB et en 2012, 43,9%. Sous le mandat de Nicolas Sarkozy, le taux des prélèvements a donc gonflé de 1,6 point. Pendant le quinquennat de François Hollande, les PO sont passés de 43,9% à 45,2%, soit une augmentation de 1,3 point. Si les entreprises ont profité d'une baisse de 20 milliards d'euros des prélèvements, les ménages ont pâti de 35 milliards d'euros en plus, d'après l'OFCE. Pour Emmanuel Macron, les derniers chiffres ne sont pas consolidés. Mais dans son projet de loi de finances, le gouvernement table en 2022 sur une part des PO à 43,5% du PIB. La baisse des prélèvements en cinq ans est donc estimée à 1,7 point. Ce qui serait inédit, du moins depuis 2007.

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