Primaire écologiste : les arguments de Sandrine Rousseau et Yannick Jadot passés au crible

Publié le 21 septembre 2021 à 19h01

Source : Sujet TF1 Info

VÉRIFICATION – Le débat entre Sandrine Rousseau et Yannick Jadot, mercredi soir sur LCI, sera vérifié en direct par notre équipe des Vérificateurs. Les candidats à la primaire des écologistes devraient notamment répéter certains arguments déjà avancés par le passé. Nous les avons passés au crible.

Des cinq, il n'en reste plus que deux. Après avoir passé au crible les affirmations, arguments et promesses des candidats au premier tour de la primaire écologiste, l'équipe des Vérificateurs renouvelle l'exercice. Ce mercredi 22 septembre, nous allons vérifier les propos de Sandrine Rousseau et Yannick Jadot, les deux derniers candidats à la présidentielle de 2022, qui seront départagés lors du second tour qui se tiendra en ligne du samedi 25 au mardi 28 septembre. 

Agriculture bio, régime alimentaire et biodiversité

Comme lors du précédent débat, qui a eu lieu le 8 septembre sur LCI, les candidats seront notamment interrogés sur leur vision de l'alimentation de demain. Parmi les questions récurrentes, celle de la place de la viande dans le régime alimentaire. Sur ce sujet précis, Sandrine Rousseau a déjà donné ses habitudes. Sur le plateau de LCI, la candidate s'est félicitée d'en manger "deux fois par semaine", se réjouissant de suivre les suggestions du Giec. Un argument toutefois à nuancer. Car le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ne préconise en réalité aucun régime alimentaire en particulier. "Nous ne recommandons pas de changement de régime alimentaire", affirmait ainsi en 2019 le président d'un groupe de recherche, Hoesung Lee. 

Le rôle des experts du climat est en effet beaucoup plus large. Il consiste à partager les dernières observations scientifiques. Et c'est justement dans le cadre de ces missions que l'organisation a publié plusieurs travaux sourcés sur la question du régime alimentaire. Or, comme le souligne Sandrine Rousseau, la viande rouge y est bien pointée du doigt. Si le Giec ne fixe pas la fréquence à laquelle consommer la viande, il préconise bien que cet aliment soit moins présent dans les assiettes des habitants des pays les plus développés.

VIDÉO LCI PLAY - Primaire écologiste : au fait, les cinq candidats mangent-ils de la viande ?Source : Sujet TF1 Info

Qui dit alimentation dit évidemment bio. Yannick Jadot propose ainsi des cantines avec des aliments 100% issus de l'agriculture biologique. Un secteur pas assez développé aux yeux du candidat, et notamment à cause du manque de financement. Sur LCI, l'eurodéputé a regretté qu'un agriculteur en conventionnel "touche davantage de subventions" qu'un autre en bio. Une information pas si vraie. Le candidat s'appuie en effet sur les chiffres de la Commission européenne, qui calcule les aides en "valeur ajoutée nette d'exploitation". C'est-à-dire qu'elle a cherché à savoir quelle part représentaient les subventions dans la valeur ajoutée nette d'une exploitation agricole. Or, il apparaît dans ce document que les subventions représentent 64% des revenus des agriculteurs conventionnels contre 43% pour le bio, dont le modèle de production est plus coûteux. 

Seulement, cette étude remonte à 2013, soit avant la Politique agricole commune (Pac) actuelle. Or, en prenant les chiffres de ce programme d'aide aux agriculteurs, on se rend compte que l'argument de l'écologiste est faux. À surface égale, avec des activités identiques, l'agriculteur bio touchera – en valeur absolue – a minima autant d'aides qu'un agriculteur conventionnel. 

Pour en savoir plus sur ce sujet, cliquez ici.

Le bio n'est pas le seul sujet sur lequel Yannick Jadot a taclé la France. Sur LCI, le candidat a également critiqué la politique actuelle concernant le cannabis. Et s'est étonné d'un paradoxe : "La France est pays le plus répressif et le pays où il y a le plus de consommation", a-t-il lancé. Une affirmation cette fois-ci vraie. En tout cas à l'échelle européenne. Les données de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) montrent en effet qu'en 2017, 44,8% des Français âgés de 15 à 64 ans avaient déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. Ce qui met le pays largement en première place - devant le Danemark (38,4%) ou l'Espagne (35,2%) - et bien au-dessus de la moyenne européenne (27,2%). Concernant l'aspect répressif, si la France n'est pas "le pays le plus répressif", elle fait bien partie des sept pays européens qui font de l'usage de cette drogue une infraction pénale, susceptible d'entraîner des condamnations à de la prison. 

Autre sujet essentiel pour les écologistes, la biodiversité et la protection des animaux. Depuis dimanche, c'est donc notamment sur cette thématique que les deux candidats ont été amené à se prononcer. À l'instar de Sandrine Rousseau, qui a regretté sur France Inter la disparition de certaines espèces. "On a perdu 30% de nos oiseaux", a-t-elle rappelé. Un chiffre malheureusement vrai, comme nous l'écrivions ici. Il est issu du "Suivi Temporel des Oiseaux Communs", publié en 2019, qui porte sur les 30 dernières années. Or ces travaux lient directement ce phénomène aux activités humaines. "La chute la plus importante concerne les oiseaux spécialistes des milieux agricoles (-29,5%)" relève ainsi le rapport, notant que "cette forte disparition est concomitante de l'intensification des pratiques agricoles ces dernières décennies".

Le vrai du faux des engagements

Écologie, biodiversité, agriculture bio, réchauffement climatique, ... au-delà de souligner les problèmes, les candidats proposent aussi des solutions. Mais encore faut-il qu'elles soient réalisables. Ainsi, Yannick Jadot, répète que pour financer la transition écologique, et aller vers une fiscalité plus verte, il faut instaurer une TVA à 0% pour les produits bio et de proximité. Une proposition phare de son programme, mais qui s'exonère un peu rapidement des règles européennes en la matière. Car les taux de TVA applicables dans chaque pays ne peuvent pas être définis de manière unilatérale. Comme l'écrit une directive européenne qui remonte à 2006, les États membres de l'UE ne peuvent déréguler ce taux, que la législation européenne fixe à un minimum de 15%. Et quid de possibles "taux réduits" ? Là aussi, ceux-ci ne peuvent être appliqués que sur certains produits et services, dont la liste est précisée dans l'annexe 3 du texte européen. Il s'agit entre autres des denrées alimentaires, de la distribution d'eau ou des produits pharmaceutiques. Mais rien sur le caractère "écoresponsable" ou "local" d'un bien ou d'un service. 

Pour en savoir plus sur les obstacles à cet engagement, cliquez ici.

Autre promesse, cette fois-ci dans le camp de "l'écologie radicale" dont se revendique Sandrine Rousseau : atteindre le 100% d'énergies renouvelables en France d'ici à 2050. Un projet techniquement possible, selon un récent rapport rendu le 27 janvier dernier. Dans ces pages, le gestionnaire du Réseau de Transport d'Électricité (RTE) et l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ont estimé que le soleil, le vent ou l'eau pouvaient effectivement servir de moteur à l'Hexagone ... Mais sous certaines conditions, précisées dans l'étude. Celle-ci relève ainsi que quatre étapes sont essentielles avant d'y aboutir. Développer de manière conséquente le stockage de l'énergie - afin de faire face à l'intermittence de la production solaire et éolienne - assurer la stabilité de ces énergies fluctuantes, développer des outils de production tenus en réserve et sollicités en cas de besoin et enfin, déployer le réseau de transport afin d'acheminer l'électricité entre territoires. Un objectif de neutralité carbone qui n'est donc pas impossible, mais avec de nombreux prérequis que n'atteint pas encore l'Hexagone. 

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Felicia SIDERIS

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