TRAVAIL DE MÉMOIRE - L'historien rend ce mercredi son rapport commandé par Emmanuel Macron pour "finir le travail historique sur la guerre d'Algérie", dont les blessures restent ouvertes, 60 ans après. Le rapport aborde la mutualisation des archives, le travail de recherche des disparus et les commémorations.
Pourra-t-on un jour refermer les blessures de la colonisation et de la guerre d'Algérie ? C'est l'objet d'une mission confiée en juillet dernier par Emmanuel Macron à l'historien Benjamin Stora, spécialiste du sujet, qui remet son rapport ce mercredi à l'Élysée. Un travail qui s'inscrivait, selon la lettre de mission du chef de l'État, "dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens" et qui doit permettre d'ouvrir un "travail de mémoire, de vérité et de réconciliation", près de 60 ans après les faits. Il s'agit ni plus ni moins que de "finir le travail historique sur la guerre d'Algérie", avait également expliqué Emmanuel Macron en décembre dernier.
Un travail qui ne consiste pas à faire acte de "repentance", souligne l'Élysée, alors que l'Algérie a demandé des excuses à la France, mais de "reconnaissance", afin de "regarder l'histoire en face" et de "sortir du non-dit et du déni".
Dans sa mission, Benjamin Stora a travaillé avec le directeur algérien des archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, désigné par le président Abdelmadjid Tebboune dans le cadre d'une démarche commune entre les deux pays. Parmi leurs principales recommandations, les auteurs suggèrent la constitution d'une commission "Mémoires et vérité" qui aurait la charge de lancer des initiatives communes aux deux pays, animée par des personnalités françaises et algériennes.
Mutualiser les archives avec l'Algérie
Près d'un an après l'ouverture par la France des archives relatives aux "disparus" de la guerre d'Algérie, le rapport Stora propose de poursuivre le travail dans une logique de mutualisation avec l'Algérie. Il suggère notamment de transmettre l'ensemble des fonds déjà numérisés aux archives nationales algériennes, et de favoriser l'accès aux chercheurs des deux pays mais également d'accélérer la déclassification des documents secrets, même si le rapport rappelle qu'une grande partie des archives ont déjà été rendues publiques.
Le rapport préconise également de se pencher sur la question des "disparus", à travers la publication d'un "guide des disparus" algériens et européens. Un travail déjà engagé, mais qui nécessitera de nouvelles investigations, avec notamment la nécessité d'identifier les emplacements où furent inhumés les condamnés à mort durant la guerre. Il souhaite suggère aussi la création d'une commission mixte d'historiens français et algériens chargés de faire la lumière sur les enlèvements et les assassinats d'Européens à Oran en juillet 1962.
En outre, l'historien propose que soient menés, avec le même objectif, des travaux relatifs aux essais nucléaires menés par la France dans le Sahara dans les années 1960, ainsi qu'aux mines antipersonnel posées durant la guerre.
Commémorations et enseignement renforcé
Le rapport énumère en outre des recommandations relatives aux commémorations qui permettraient de donner une dimension symbolique à ce travail. Il serait ainsi question de poursuivre les commémorations du 19 mars 1962, correspondant aux accords d'Évian qui ont marqué une étape dans la fin du conflit, ou encore de célébrer le 25 septembre la journée d'hommage aux harkis, tout comme le 17 octobre 1961, date de la répression des travailleurs algériens en France.
Autre proposition : faire des quatre camps d'internements français (Larzac, Saint-Maurice l'Ardoise, Thol et Vadenay), où avaient été envoyés des milliers d'Algériens, des lieux de mémoires. Le rapport encourage également la préservation des cimetières européens et des cimetières juifs en Algérie, ainsi que des tombes des soldats algériens morts pour la France entre 1954 et 1962 et enterrés en Algérie.
Le rapport encourage également une évolution des programmes scolaires visant à accorder plus de place à l'histoire de la France en Algérie.
Autre recommandation, et non des moindres : le rapport suggère la possible entrée au Panthéon de l'avocate Gisèle Halimi, grande figure pro-indépendance, décédée en juillet 2020. Une demande qui fait écho aux appels lancés depuis sa disparition, visant à honorer celle qui fut également une grande défenseuse des droits des femmes. En septembre dernier, Emmanuel Macron avait annoncé un hommage aux Invalides pour l'avocate.
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