Référendum d'indépendance en Nouvelle-Calédonie dans 1 an : pourquoi un scénario à la catalane est peu probable

par Matthieu JUBLIN
Publié le 3 novembre 2017 à 12h00, mis à jour le 2 novembre 2018 à 12h03
Référendum d'indépendance en Nouvelle-Calédonie dans 1 an : pourquoi un scénario à la catalane est peu probable
Source : JACQUES DEMARTHON / AFP

COMPTE À REBOURS - D'ici novembre 2018, les habitants de Nouvelle-Calédonie vont pouvoir s'exprimer lors d'un référendum d'autodétermination. L'archipel du Pacifique pourrait devenir indépendant, mais il y a peu de chance que la situation dégénère comme en Catalogne. Explications.

D'ici novembre 2018, au plus tard, la Nouvelle-Calédonie pourrait décider d'être indépendante. Un référendum doit en effet avoir lieu pour que les habitants de cette île située à l'est de l'Australie se prononcent sur leur relation future avec la métropole. Jeudi 2 novembre, les différentes parties calédoniennes et le gouvernement sont parvenus à "un accord politique" sur les principaux points de l'organisation de ce référendum.

Alors que, de l'autre côté des Pyrénées, indépendantistes et unionistes se déchirent sur le sort de la Catalogne, peut-on craindre que la situation en Nouvelle-Calédonie dégénère de la même manière ? Non, pour plusieurs raisons.

Nouvelle-Calédonie : débat autour de l’indépendanceSource : JT 20h WE
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Parce que l'État français soutient le référendum

Ça peut paraître évident, mais il est plus facile d'organiser un référendum d'auto-détermination quand l'ancienne puissance colonisatrice est d'accord. C'est le cas de la France. "Il y a un processus de décolonisation qui est engagé depuis 30 ans et qui est inédit, car il se fait avec l'accord du gouvernement français", explique Sarah Mohamed-Gaillard, maître de conférences en histoire à l'Inalco et spécialiste de la politique de la France dans le Pacifique. 

C'est la raison pour laquelle toutes les parties étaient assises à la même table, ce jeudi. Pro-indépendance comme anti-indépendance. Le gouvernement joue, pour sa part, le rôle d'arbitre. Emmanuel Macron a dit souhaiter "que la Nouvelle-Calédonie reste dans la communauté nationale" pendant la campagne, mais le rôle de l'Etat, assure la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, c'est "que les choses se passent dans les conditions les meilleures possibles, qu'on arrive à une organisation du référendum de 2018 qui fait consensus et qui reste dans un climat extrêmement apaisé." Une position également mise en avant par le Premier ministre.

"Tout le monde veut trouver une sortie apaisée. Même si pour certains, ce n'est pas à l'état colonisateur d'animer le processus de décolonisation, les indépendantistes eux mêmes ont évolué dans leur discours, et tout le moinde s'accorde à dire qu'il y a une voie tracée", estime Sarah Mohamed-Gaillard. Unionistes et indépendantistes s'accordent d'ailleurs sur un point, selon La 1ère : la présence d'observateurs de l'ONU avant et après le référendum afin de garantir un résultat accepté par tous. 

Au terme de 9 heures de discussions, le 2 novembre, les parties se sont mises d'accord sur cette présence d'observateurs, mais aussi sur un point clé : l'inscription d'office de quelque 11.000 personnes supplémentaires sur la liste électorale spéciale pour la consultation, ainsi que sur les question des bureaux de vote décentralisés et des procurations.

Cet accord est "le point de départ" pour une consultation "loyale et incontestable", estime Edouard Philippe. Mais un désaccord persiste : la question posée lors du référendum. Non-indépendantistes et indépendantistes doivent se mettre d'accord lors d'une ultime rencontre en mars ou avril 2018.

Parce qu'une vraie crise a déjà eu lieu, et personne ne veut que ça recommence

"Dans les années 1980, on était au bord de la guerre civile", tient à rappeler Sarah Mohamed-Gaillard. L'historienne évoque la prise d'otages de gendarmes par des indépendantistes kanaks, issus des populations autochtones de Nouvelle-Calédonie. L'intervention du GIGN pour les libérer a causé la mort de 19 preneurs d'otages et de 2 militaires. 

"On avait le choix : soit on poursuivait la politique du gouvernement Chirac de l'époque, ce qui pouvait mener à une guerre de décolonisation, soit on trouvait un autre biais. C'est l'option choisie par Michel Rocard, Premier ministre d'alors, la seule isssue honorable pour tout le monde", estime Sarah Mohamed-Gaillard.

Ces violents affrontements des années 1980 s'étaient conclus par les accords de Matignon du 26 juin 1988. L'accord de Nouméa, signé 10 ans plus tard, prévoit la tenue d'un référendum d'autodétermination avant novembre 2018. 

Parce que les Néo-calédoniens n'auront pas forcément à choisir entre l'indépendance ou rien

La question qui sera posée lors du premier référendum, organisé d'ici novembre 2018, n'a pas encore été tranchée. Mais celle-ci ne sera pas forcément une question sur une indépendance totale. "Ça peut-être l'indépendance, comme ça peut être un certain degré d'autonomie, ou même d'autres solutions, comme un état fédéré ou associé", explique Sarah Mohamed-Gaillard. 

D'autant plus que ce processus a une particularité : en cas de réponse négative à l'indépendance, deux autres scrutins référendaires sont envisagés par la loi. L'ancien garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, avait émis des craintes qu'un "scrutin de nature outrancièrement binaire, mal préparé, mette le feu aux poudres". C'est lui qui avait évoqué la possibilité d'un État associé, comme les îles Cook et les États fédérés de Micronésie, qui sont respectivement liés à la Nouvelle-Zélande et aux États-Unis.

Parce que le "oui" à l'indépendance aurait peu de chances d'être majoritaire

Alors que le référendum (illégal) sur l'indépendance de la Catalogne a été remporté par le "oui" à 90%, après le boycott des unionistes qui a considérablement affaibli la participation (42%), rien n'indique qu'un tel boycott ait lieu en Nouvelle-Calédonie. 

Par ailleurs, un sondage publié en mai par la chaine TV Calédonia affirme que 54,2% des Calédoniens sont contre l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. 24,4% se disent pour l'indépendance et 21,4% se disent indécis. Un sondage "pas très fiable car le panel est extrêmement restreint", estime Sarah Mohamed-Gaillard, mais qui semble représentatif des équilibres à l'oeuvre sur l'archipel. "Les kanaks sont moins de 40% de la population, et tous les kanaks ne sont pas indépendantistes", explique-t-elle. 

"On peut toujours avoir une surprise si des gens ne vont pas voter, par exemple les jeunes qui éprouvent un certain désintérêt pour la politique", nuance-t-elle pourtant. L'issue du référendum, ses résultats et sa légitimité, dépendront ainsi en partie de la participation, donc de la capacité des parties à s'entendre en amont sur son organisation.


Matthieu JUBLIN

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