Réforme des retraites : gouvernement et syndicats ont-ils fait des concessions depuis le 5 décembre ?

Publié le 7 janvier 2020 à 14h52

Source : TF1 Info

NÉGOCIATIONS - Après un mois de grève, alors que les négociations reprennent entre syndicats et gouvernement, les deux parties ont-elles fait des concessions ou ont-elle changé de discours sur les principaux chapitres du projet, âge pivot, régimes spéciaux et pénibilité ? On fait le point.

Alors que la grève a débuté depuis 34 jours, de nouvelles négociations s’ouvrent ce mardi entre gouvernement et syndicats. Elles dureront un peu plus de deux semaines, avant la présentation du projet en Conseil des ministres, prévue le 22 janvier, puis au Parlement, le 17 février. L’exécutif est déterminé à aller jusqu’au bout : pas question de renoncer au principe d’universalité ou de revenir sur la suppression des régimes spéciaux. 

Les syndicats, eux, ne veulent pas faiblir dans leur mobilisation, même si les centrales n'affichent pas toutes les objectifs : renoncer à toute réforme pour l’intersyndicale CGT, FO, Solidaires, ou obtenir des concessions sur certains points du texte pour l’Unsa et la CFDT. Toutefois, des deux côtés, des évolutions ont eu lieu depuis le début de la grève le 5 décembre sur l'âge pivot, la suppression des régimes spéciaux et la pénibilité. 

Instauration d'un âge pivot

L'instauration d'un âge pivot à 64 ans, avec un principe de bonus/malus, constitue le principal désaccord entre le gouvernement et l'exécutif. Lorsque le Premier ministre Edouard Philippe l'a annoncé dans la présentation du projet le 11 décembre dernier, le secrétaire général de la CFDT - qui n'avait pas encore appelé à faire grève - a déclaré que la "ligne rouge" avait été franchie. C'est le maintien de cet âge pivot qui a poussé les syndicats réformistes comme la CFDT et l'Unsa à descendre et rester dans la rue. 

Le gouvernement a souvent répété qu'il était prêt à des concessions et à des améliorations autour de l'âge pivot, mais aucune mesure concrète de remplacement n'a jamais été évoquée. La première porte de sortie a peut-être été trouvée ces derniers jours. Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand a d'abord proposé un malus "temporaire" sur le modèle de ce qui existe déjà pour le régime complémentaire Agirc-Arrco. Pour éviter de fixer un "âge d’équilibre" - censé permettre de parvenir à l'équilibre financier du système, Laurent Berger lui a suggéré l’organisation d’une "conférence de financement" sur les retraites "jusqu’à fin juillet". Une bonne idée pour l'exécutif. Ce mardi sur RTL, le Premier ministre a assuré qu'il n'était "fermé sur aucune modalité" mais qu'en revanche, il veillerait à ce que "l’équilibre du système (soit) garanti". Et "je propose de le garantir par la mise en place d’un âge pivot. Mais si les organisations syndicales et patronales s’entendent pour un meilleur système, je le prendrai", a-t-il déclaré. 

Le Medef pourrait être partant pour trouver un accord - son leader Geoffroy Roux de Bézieux a assuré qu’il n’était pas "arc-bouté sur l’âge pivot" et s’est dit prêt à envisager des exceptions pour certaines catégories professionnelles - mais pas forcément les mêmes que la CFDT. D'ailleurs, à propos de la "conférence de financement", il a déclaré : "Je ne dis pas que je la rejette, (...) mais Laurent Berger dit: 'on fait d'abord la réforme, les dépenses, et on réfléchit ensuite au financement'". 

En revanche, ceux qui mènent la mobilisation (CGT, FO) n'ont jamais été favorables à un âge pivot, et ne le sont toujours pas. "Si c’est pour nous faire avaler le projet de régime de retraite par points, ça ne marche pas" a prévenu le secrétaire général de FO Yves Veyrier.

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La suppression des régimes spéciaux

Là encore, le gouvernement n'entend pas revenir sur ce point important de la réforme, principale raison des grèves qui persistent à la RATP et à la SNCF. Les syndicats réformateurs, favorables à un système par points, sont d'accord avec le principe de supprimer les régimes spéciaux, et l'ont toujours été. Les autres n'ont jamais été d'accord sur le principe. Et le statu quo devrait perdurer. Le 23 décembre dernier, au JDD, Laurent Laurent Pietraszewski, nouveau secrétaire d'Etat aux Retraites, a déclaré : "C'est vrai, nous ne reviendrons pas sur la suppression des régimes spéciaux." 

Toutefois, pour essayer de calmer les choses, le gouvernement a fait plusieurs concessions, envers plusieurs professions, notamment les policiers, les danseurs de l'Opéra, les marins ou les pilotes. 

Prise en compte de la pénibilité

Dans la présentation de son projet le 11 décembre, Edouard Philippe a annoncé que la prise en compte de la pénibilité serait étendue aux fonctionnaires. Ils pourront bénéficier du compte professionnel de prévention, nouveau nom du compte pénibilité. Mais le gouvernement a ajouté qu'il ne réintégrerait pas dans la prise en compte de la pénibilité quatre critères supprimés en 2017 (le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l'exposition à des agents chimiques dangereux). Or, il s'agit d'une revendication de la CDFT et de l'Unsa.

Mais le 23 décembre dans son interview au JDD,  Laurent Pietraszewski a écarté d'emblée cette revendication, la réintégration de ces critères n'étant "pas à l'ordre du jour". Pour lui, il est préférable de se poser "la question des seuils" de pénibilité, "pour le travail de nuit, par exemple", que le Premier ministre a proposé jeudi d'abaisser à 110 nuits par an au lieu de 120, ou de travailler avec les branches "sur la prévention de la pénibilité, la reconversion, l'aménagement des fins de carrière".

Ce mardi 7 janvier, le patron du Medef s'est sur ce sujet encore dit prêt à "trouver des compromis". "Ce n'est pas illégitime que les points de pénibilité permettent de partir plus tôt, que cette mesure d'âge soit adaptée aux carrières longues. Ça peut-être un des éléments à discuter", a-t-il estimé. Mais il n'appelle pas à réintégrer les quatre critères manquants. "Ce qui est sur la table, ce sont les six critères actuels du compte pénibilité sur lesquels on peut regarder les seuils, si c'est raisonnable, et les améliorer pour prendre en compte plus de gens dans la pénibilité", a-t-il ajouté.

Quoi qu'il en soit le gouvernement n'entend pas faire de concession sur son calendrier :  le  projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 24 janvier et examiné par l'Assemblée à partir du 17 février.


La rédaction de TF1info

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