SOCIAL - Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a estimé, mardi sur LCI, que l'abandon de la réforme des retraites, stoppée en mars dernier par la crise sanitaire, serait une "erreur". Mais certains doutent, au gouvernement, de pouvoir relancer cette réforme avant la fin du quinquennat.
La première mouture de la réforme des retraites avait été adopté dans la douleur, sans vote, le 4 mars dernier à l'Assemblée nationale, après des semaines de contestation sociale. Quelques jours plus tard, l'explosion de la pandémie de coronavirus percutait le calendrier des réformes, renvoyant ce chantier central du quinquennat Macron aux calendes grecques.
Neuf mois plus tard, où en est-on ? Si Emmanuel Macron a toujours laissé entendre que la réforme serait bien menée avant la fin de son quinquennat, soit d'ici seize mois, la crise sanitaire puis la priorité accordée à la relance économique du pays ont rendu ce calendrier de plus en plus difficile à visualiser. Le flou ainsi entretenu est allé jusqu'à diviser au sein même de l'exécutif.
"Priorité absolue" pour Bruno Le Maire
Bruno Le Maire en a fait son cheval de bataille. Réformer les retraites est "une priorité absolue", a assuré dimanche le ministre de l'Économie, suscitant des réactions au sein même de l'exécutif. Mardi soir, sur LCI, ce dernier est revenu sur ses propos, rappelant la promesse présidentielle d'Emmanuel Macron. "Ce serait une erreur d'abandonner cette ambition", a-t-il affirmé, précisant que les retraites seraient "la priorité absolue des réformes le jour où nous engagerons les réformes".
Ce chantier pourrait d'ailleurs être lié à la relance économique du pays, certains voyant dans le possible rallongement de la durée de cotisation une première piste pour financer les milliards d'euros d'aides consenties dans le contexte de la crise sanitaire.
"Décaler dans le temps parce que nous vivons tous une crise économique brutale, [...], parce que tout le corps social est fragilisé, pour reconstituer nos forces, retrouver de l'emploi, de l'activité, oui. Mais qu'on dise que toute ambition de transformation pour notre pays est abandonnée, ce serait rompre avec le pacte qui a conduit à l'élection du président de la République", s'est-il expliqué. Le patron de Bercy a ajouté que, sitôt la crise économique maîtrisée, il faudrait plus généralement "reprendre le fil des réformes qui fait l'ADN de la majorité".
Un message relayé au sein de la majorité parlementaire. "Nous devons aller au bout de ce chantier", appuyait, lundi, le patron de LaREM Stanislas Guerini, au nom de la "justice sociale".
Prudence à Matignon, scepticisme chez certains ministres
Les propos de Bruno Le Maire, mardi soir, faisaient suite à des précisions apportées dans la journée par Matignon. Lors de la réunion du groupe LaREM, Jean Castex a indiqué que la priorité restait bien la crise actuelle, tout en mentionnant la réforme des retraites parmi les chantiers à venir. Il serait question, notamment, de permettre de tenir l'engagement présidentiel de parvenir à un système unifié de retraite d'ici à 2022, quitte à le disjoindre de la question budgétaire - qui a pour corollaire le rallongement de la durée de cotisation. Mercredi, devant les présidents de groupes du Sénat, Emmanuel Macron a également laissé entendre que la priorité était accordée à la crise, renvoyant la question des retraites à un temps plus long.
Au sein du gouvernement, des doutes sur la possibilité de conduire à la réforme s'expriment, ouvertement ou non. "La priorité absolue, c'est de sortir la crise sanitaire économique, sociale, de protéger les emplois", a répondu sans ambiguïté la ministre du Travail Elisabeth Borne à Bruno Le Maire, lundi, tandis que le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau (Modem), jugeait prématuré de relancer le débat sur l'équilibre budgétaire des retraites. "La réforme des retraites n'est pas faisable avant 2022", tranchait de son côté une source gouvernementale auprès de LCI, la semaine dernière.
Du reste, l'exécutif est loin d'en avoir fini avec la gestion de la crise sanitaire et aucun calendrier n'a jusqu'ici été stabilisé. "Tout sera mis sur la table", expliquait Jean Castex après sa nomination en juillet. "Nous distinguerons le fond de la réforme, sur lequel nous ne reviendrons pas, des dispositions pour sauvegarder le système actuel." Lors d'une réunion à Matignon avec les partenaires sociaux, durant l'été, les parties prenantes s'étaient bornées à renvoyer les négociations "au moins jusqu'à la fin de l'année".
"Nous ne ferons pas l'économie d'une réforme de notre système de retraite", avait simplement répété, de son côté, Emmanuel Macron, le 14 juillet dernier. C'était avant qu'une deuxième vague épidémique ne vienne, à nouveau, bouleverser le pays.
La réforme attendue au tournant par l'opposition et les syndicats
En outre, la relance de la réforme des retraites pourrait à nouveau se heurter à une forte résistance, comme durant l'hiver 2019, mais avec le spectre d'une crise sociale en prime. Alors que l'opinion reste hostile à la réforme, l'opposition de gauche en a fait un casus belli. "Remettre sur la table aujourd'hui la réforme des retraites serait une provocation", a ainsi estimé la députée PCF Elsa Faucillon. "Le gouvernement entend faire payer la 'dette' Covid par les retraites de chacun, surtout des plus précaires, avec son injuste réforme, plutôt que de toucher à la fiscalité des très riches", a fustigé de son côté Boris Vallaud (PS).
À droite, on s'apprête également à affronter l'exécutif, mais avec une autre approche. "Il faut un pacte de justice. La première réforme donnait le sentiment d'une réforme profondément injuste où une fois de plus, les classes moyennes allaient payer un lourd tribut", a observé Guillaume Peltier, mercredi sur LCI, le député LR proposant de "sortir de ce vieux débat de l'âge légal de départ à la retraite" au profit d'un rallongement de la durée de cotisation. "Tout le monde a compris que ce ne serait pour le prochain quinquennat", a-t-il toutefois ajouté.
L'idée de relancer la réforme des retraites suscite également l'hostilité des syndicats. Y compris l'un de ceux qui semblait le plus favorable au système universel défendu par Emmanuel Macron, la CFDT. "D'ici à la présidentielle, il n'y a pas de possibilités, sauf à vouloir une explosion sociale", a tranché le patron de ce syndicat, Laurent Berger, mardi sur Europe 1. "On n'a pas la mesure de tout ce que cette crise du Covid a produit sur tous les systèmes sociaux, notamment sur le système de retraite [...] Je crois qu'on a suffisamment de conflictualité, de tensions pour ne pas en rajouter."
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