Régionales en Ile-de-France : l'union de la gauche, logique ou contre-nature ?

Publié le 22 juin 2021 à 14h00

Source : TF1 Info

SECOND TOUR - Les trois listes de gauche en Ile-de-France ont scellé un accord lundi 21 juin afin de battre la présidente sortante Valérie Pécresse. Un rassemblement classique pour des élections locales, mais qui fait abstraction des débats de fond qui divisent la gauche sur le plan national.

Les voici rassemblés, comme à la grande époque de la "gauche plurielle". Clémentine Autain (LFI), Julien Bayou (EELV) et Audrey Pulvar (PS) se sont affichés côte à côte lundi 21 juin, à l'issue d'un accord permettant la fusion de leur liste et font désormais campagne ensemble pour battre la présidente sortante Valérie Pécresse, arrivée en tête du premier tour en Ile-de-France. La liste commune a été déposée mardi matin. 

Si le leadership a changé par rapport aux vieilles alliances à gauche - c'est EELV, et non plus le PS, qui pilote -, ce rapprochement n'a rien d'inédit. On se rappelle que l'ancien président PS de la région, Jean-Paul Huchon, conduisait jusqu'en 2015, sans trop d'encombre, une large majorité allant jusqu'au Front de gauche. Et que Claude Bartolone, candidat PS socialiste malheureux en 2015, avait fusionné naturellement avec le Front de gauche et les écologistes au second tour en 2015. 

Dès notre débat, le 14 juin sur LCI, les trois candidats de gauche aux régionales 2021 avaient d'ailleurs annoncé la couleur. "Si nous nous entendons sur un programme commun, pourquoi pas", avait validé Audrey Pulvar, rappelant toutefois qu'elle avait tenté, en vain, de faire l'union dès le départ de la campagne. Une union freinée par les états-majors. 

Régionales en Île-de-France : l'union de la gauche au 2nd tour ? Les candidats répondentSource : TF1 Info

Un angle d'attaque pour Pécresse

Seulement voilà : depuis la fin du quinquennat de François Hollande, les rapports de force au sein de cette gauche, profondément éclatée au niveau national, ont changé. Et des débats de fond se sont invités, fracturant les mouvements politiques, tant sur les questions de laïcité, que de sécurité - manifestations de soutien aux policiers, critique du racisme "systémique" dans la police - et plus généralement de société - débat autour des réunions "non mixtes", par exemple. Tandis que, d'un autre côté, se restructure une gauche "sociale et écologique", selon la formule des partisans de cette alliance. Le débat, en somme, lancé jadis par Manuel Valls autour des "gauches irréconciliables".

Dès le soir du premier tour, Valérie Pécresse, qui fait désormais face à une menace réelle, a ciblé ces fractures, dénonçant un Parti socialiste "qui a perdu son âme en faisant alliance avec les amis de M. Mélenchon", et qualifiant ses adversaires de "gauche radicale" ayant "perdu sa boussole républicaine". L'objectif de la présidente sortante, qui veut incarner "le choix de la République", semble être de nationaliser le débat à l'approche du second tour pour attirer des électeurs de gauche qui ne se reconnaîtraient pas dans l'union Bayou-Autain-Pulvar. 

Des électeurs qui seraient, par exemple, sur la ligne du député François Pupponi, ex-maire PS de Sarcelles, qui appelle la gauche à avoir "un débat" de fond, notamment sur l'islam politique et le communautarisme. Sur LCI, mardi, ce dernier jugeait que l'alliance à gauche en Ile-de-France constituait une "suite logique" ayant justifié, il y a quelques années, son départ du PS. "Il n'y a rien de nouveau. Il y a de la porosité, les contacts sont établis depuis longtemps. C'est ce qu'il s'est passé aux municipales. Ils gèrent déjà les communes ensemble."

Comme si de rien n'était ?

Pour vaincre, faut-il faire taire, du moins provisoirement, les divergences ? Pourfendeur de l'union de la gauche à tout prix, Jean-Luc Mélenchon a lui-même théorisé cette hypothèse le 6 juin dernier, lors de son passage dans "Questions politiques", sur France Inter. Il parlait certes de son sujet, l'élection présidentielle, mais le message peut se comprendre plus largement. 

"Si je sautais dans les bras de M. Valls ou M. Hollande, tout le monde dirait 'ceux-là sont des hypocrites, ce n'est pas vrai, ils ne peuvent pas se blairer'. C'est vrai, nous sommes en désaccord sur tout. Il y a là deux gauches qui ne sont pas compatibles" pour un premier tour d'élection présidentielle, expliquait le député LFI et candidat en 2022. "Mais dans un deuxième tour d'élection, il faut qu'il y ait un vote commun", complétait-il, précisant qu'il se voyait lui-même à la tête de "ce qui est considéré comme la gauche". Un Jean-Luc Mélenchon par ailleurs très dubitatif sur les scores de la gauche aux élections régionales, pointant ce mardi, sur son blog, le recul général des listes en nombre de voix au premier tour et un paysage politique où "rien ni personne ne se détache vraiment", sur fond d'abstention massive.

Ce pessimisme n'est cependant pas l'état d'esprit du jour des nouveaux alliés, qui rêvent de reprendre la région-capitale à la droite le 27 juin. Ces derniers ont d'ailleurs repris l'antienne traditionnelle de la gauche au second tour, résumée mardi matin, sur LCI, par le président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel : l'affrontement bipolarisé entre "le bloc social et écologique" et "la droite conservatrice", cette "droite républicaine qui n'a plus de cordon sanitaire" avec l'extrême droite. 

Dénonçant une "hystérisation du débat politique", Stéphane Troussel a assuré que cette alliance à gauche était parfaitement capable, comme par le passé, de gouverner sereinement, sans se déchirer. "Ce qui m'intéresse, ce sont les actes", a-t-il expliqué. "Je suis à la tête du département de Seine-Saint-Denis avec toutes les forces de gauche. Je défie quiconque de trouver une mesure anti-républicaine."

Faire fi, donc, au moins jusqu'à dimanche, des querelles répétées avec LFI ? C'est manifestement le choix du patron du PS, Olivier Faure. Sur BFMTV, mardi, ce dernier a salué l'accord Bayou-Autain-Pulvar en invitant les électeurs à "ne pas confondre Jean-Luc Mélenchon avec celles et ceux qui, dans son propre mouvement, peuvent avoir des positions très différentes". Les électeurs diront, dimanche prochain au second tour, s'ils ont saisi la subtilité. 


Vincent MICHELON

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