Cinq jours après sa nomination à Matignon, qu'a-t-on appris du style Castex ?

Publié le 9 juillet 2020 à 7h04

Source : TF1 Info

NOUVEAU CHEMIN - Quasi inconnu des Français il y a quelques jours, le nouveau Premier ministre distille peu à peu son style et sa méthode, au fil de ses interventions. Un communication très huilée, subtil mélange de technocratie et de terrain, qui ne semble rien laisser au hasard.

Succéder au populaire Edouard Philippe, capitaine apprécié des Français dans la tempête de la crise sanitaire, n'allait pas de soi. Depuis sa nomination, le 3 juillet, Jean Castex s'est employé, à travers ses prises de paroles et ses déplacements impromptus, à distiller l'idée d'un changement de méthode et de style par rapport à son prédécesseur. 

La nécessité est bien sûr d'incarner le "nouveau chemin" annoncé par Emmanuel Macron pour la fin du quinquennat, en attendant l'interview du chef de l'Etat le 14 juillet, puis le discours de politique générale qui sera prononcé par  le Premier ministre le 15. 

Le style Castex est manifestement différent de celui d'Edouard Philippe, malgré la proximité politique entre les deux hommes. La différence est apparue dès la passation de pouvoir. Aux saillies parfois improvisées, un peu hésitantes, souvent teintées d'humour qui constituent la signature d'Edouard Philippe, Jean Castex a opposé un discours parfaitement huilé, sans accroc, scandé assez lentement, et appris par cœur, en habitué qu'il est des assemblées locales.

Jean Castex à Matignon : l'intégralité de la passation avec Edouard PhilippeSource : TF1 Info

Un subtil mélange de techno et d'élu local

Depuis la première minute de sa nomination, Jean Castex, "fils d'institutrice" devenu énarque, n'a eu de cesse de rappeler son parcours d'élu local et son attachement aux "territoires", passant à l'inverse sous silence les années passées au sein des ministères puis de l'Elysée, sous des gouvernements de droite, entre 2005 et 2012. Les premiers mots ont d'ailleurs été pour les administrés de sa commune de Prades : "Je mesure l'immensité de la tâche qui m'attend. Pour la remplir, je serai puissamment aidé par l’expérience acquise à votre côté en tant que maire." Il y est revenu à chacune, ou presque, de ses interventions. 

Mercredi, lors de sa première séance devant le Sénat, le chef du gouvernement a poursuivi son opération séduction, ponctuant ses interventions de quelques touches d'humour ou de piques mesurées à l'adresse de l'opposition. L'objectif est de donner l'image d'un homme de terrain, au tempérament décentralisateur, à l'écoute des élus dont il est issu. "Je suis dans la chambre des territoires et je suis moi-même un élu issu des territoires", a-t-il fait valoir, rendant hommage à son grand-père "qui y siégea pendant neuf ans pour représenter le beau département du Gers". 

A l'arrivée, un subtile mélange entre le vocabulaire du "techno" - il a vanté à plusieurs reprises "l'opérationnalité" des ministres - et "d'homme politique local, de la vie quotidienne des gens", selon les termes qu'il a employés pour se décrire, le 3 juillet sur TF1 et LCI. 

Le nouveau Premier ministre Jean Castex, invité du 20H de TF1 Source : JT 20h WE

Faire consensus sans plonger dans "l'eau tiède"

Le nouveau locataire de Matignon a répété, jour après jour, qu'il serait le Premier ministre de "la concertation", le reproche inverse ayant souvent été adressé à Emmanuel Macron durant la première partie du quinquennat. "Tout sera mis la table", a-t-il promis mercredi matin lors de sa première confrontation avec les députés. Jean Castex a ouvert le premier chapitre avec la Ségur de la santé, où les négociations patinent depuis plusieurs semaines, et qu'il souhaite faire aboutir "cette semaine". 

"Nous allons écouter et concerter", a-t-il encore promis aux députés, faisant de cette stratégie un gage d'efficacité. "Le gouvernement va respecter la représentation parlementaire et établir des relations approfondies avec le Sénat", assurait-il un peu plus tard au Sénat.

Quitte à paraître trop consensuel ? "Avec Castex les arbres poussent entre les mots. Quel ennui ! Pluie de truismes, ouragan de banalités. Le libéralisme à l'eau tiède", tranchait sévèrement, mercredi, Jean-Luc Mélenchon, qui avait toujours pris soin d'épargner son prédécesseur, Edouard Philippe. "Il a pour mission de nous endormir", s'est moqué le député LR Patrick Hetzel.

"Les étiquettes, c'est pour les pots de confiture"

Derrière son discours policé, Jean Castex n'a aucune intention de se laisser enfermer dans le statut du "collaborateur" ou de personnage "à l'eau tiède" dont l'affuble déjà l'opposition. "Vous verrez que ma personnalité n’est pas soluble dans le terme de 'collaborateur'", prévenait dès ce week-end dans le JDD l'ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy. 

L'homme apprécie manifestement les formules qui tranchent. "Je ne suis pas ici pour chercher la lumière, je suis ici pour chercher des résultats", martelait-il lors de son interview sur TF1. Aux députés LaREM, qu'il rencontrait pour la première fois lundi, le "chef de la majorité" a expliqué que "les étiquettes, c'est pour les pots de confiture. Je suis moi-même et je le demeurerai".

Occuper le terrain, accélérer le calendrier

Sur la méthode, il n'a pas oublié le principe de réactivité cher à Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier était à l'Elysée. Avant même  la formation de son gouvernement, il improvise, dès sa nomination, un déplacement au siège d'une entreprise de l'Essonne affectée par la crise, puis dimanche soir au commissariat de la Courneuve, pour apporter son soutien aux forces de l'ordre dont les relations avec l'ancien ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, s'étaient considérablement tendues. Mardi, il s'invitait par surprise à la concertation du Ségur de la santé. Mercredi, il accompagnait le nouveau garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, au tribunal de Bobigny. Dimanche, il doit se rendre en Guyane, où sévit fortement l'épidémie de coronavirus. 

Occuper le terrain face à un chef de l'Etat omniprésent, mais également rester maître de sa propre horloge. Moqué par l'opposition pour la relative lenteur de son phrasé, Jean Castex semble vouloir, inversement, accélérer le calendrier politique. Il n'a cessé, depuis cinq jours, d'affirmer vouloir "aller vite" avec son "gouvernement de combat". 

"Nous sommes engagés dans un combat politique", confiait-il auprès des députés de la majorité, annonçant un "été studieux". "Nous allons nous farcir une crise, il faut nous y préparer. La façon dont nous ferons face sera la marque du quinquennat." Et la clé, peut-être, des prochaines échéances électorales. 


Vincent MICHELON

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