HORS-SERIE - Dans le cadre de "20H le Mag" hors-série, la Première dame Brigitte Macron a répondu aux questions de Gilles Bouleau, dans un entretien diffusé jeudi 16 janvier sur TF1. L'état de la société, son rôle, l'exercice du pouvoir, elle n'a éludé aucune question.
Son engagement dans l'opération des Pièces jaunes, ses 32 mois passés à l'Elysée, ses confidences à propos d'Emmanuel Macron... Brigitte Macron a répondu en exclusivité aux questions de Gilles Bouleau, le jeudi 16 janvier dans un numéro exceptionnel de le "20h le Mag". La Première dame est aussi revenue sur des questions d'actualité, à l'instar de la situation dans les hôpitaux ou encore sur le climat de colère que connaît la France depuis plus d'un an.
Gilles Bouleau - Dans le cadre de l'opération Pièces jaunes, vous avez passé beaucoup de semaines, de journées, dans des hôpitaux. Vous ne pouvez pas ne pas avoir entendu le cri de colère des médecins. Que leur dites-vous ?
Brigitte Macron - Je leur dis que c'est un combat que je comprends. Cela fait deux ans et demi que je vais dans les hôpitaux : bien sûr que j'entends les soignants, bien sûr que j'entends ce qu'ils me disent. Je comprends leur combat parce que c'est un combat pour l'hôpital.
Il n'y a pas qu'à l'hôpital. Vous sortez souvent de l'Elysée, vous sentez forcément cette insatisfaction, cette frustration de très nombreux Français. Vous ne pouvez pas l'ignorer...
On ne l'ignore pas, on prend en compte. Je comprends certaines choses parce que j'ai rencontré des gens sur le terrain. Que me disent-ils ? Qu'à partir du quinze du mois, c'es de plus en plus difficile. Ils me disent aussi qu'ils ne veulent pas pour leurs enfants, ce qu'ils ont vécu. Et ça, bien évidemment, on l'entend.
Celui qui m'enfermera n'est pas né"
Brigitte Macron
Vous êtes à l'Elysée depuis deux ans et demi. Toutes les femmes des précédents présidents ont écrit et dit ouvertement qu'elles y ont été malheureuses. Y avez-vous trouvé votre place ?
Celles que j'ai rencontrées n'ont pas été aussi abruptes dans le jugement. On est toutes arrivées plus ou moins à faire notre chemin au sein, et hors, de l'Elysée. Moi, je suis dehors tous les jours. Celui qui m'enfermera n'est pas né.
Vous êtes dans une bulle, vous avez un officier de sécurité, une voiture officielle. Rencontrez-vous vraiment les vrais Français ? Ceux qui manifestent et qui ne sont pas d'accord avec la politique menée actuellement ? Ils vous abordent ou alors, il y a-t-il cette barrière infranchissable ?
C'est peut-être un petit peu biaisé, vous avez raison. Quand les gens m'abordent, en général, c'est pour me dire : "On veut qu'il continue". Parce qu'ils ont quelque chose à me dire du président ou parce qu'ils sont gentils à mon égard. C'est très rare qu'ils m'abordent pour être agressifs. Quelques fois, ils m'abordent pour me dire qu'ils ne sont "pas d'accord" avec lui, qu'"il faudrait qu'il nous écoute davantage, donc voilà ce qu'on a à lui dire". Je sers de "go-between" entre le président et ce que les gens me disent.
Cette vie à l'Elysée, le fait d'avoir été associée au pouvoir, vous l'avez voulue. Vous l'avez accompagné durant la campagne, vous l'avez aidé, certains disent même que vous l'avez coaché, entraîné ... Entrer à l'Elysée, c'était une ambition commune ?
Il ne faut pas écouter tout ce qu'on dit. D'ailleurs les Français savent très bien trier et heureusement. Parce que parfois, on les abreuve de choses fausses, mais la vérité arrive toujours à se faire un chemin. C'est lui qui voulait, c'est lui qui sentait qu'il avait en lui, la capacité de réformer. Il veut une France forte, il veut placer la France dans l'échiquier international, il a énormément d'ambition. Il n'a de cesse que la France. c'est lui qui voulait. Et quand j'ai vu ça, je me suis dit "bon, je n'ai plus qu'à l'accompagner". Et on est parti, bon an mal an, sur le chemin. Mais c'est lui la volonté.
Vous avez été attaquée personnellement, y compris par un président étranger, Jair Bolsonaro, sur votre physique, sur votre âge, votre style. Cela vous atteint-il ? Cela vous touche-t'il ?
Nous n'avons pas à parler de nous. Mes problèmes, je me débrouille avec. Je n'ai pas à étaler mes états d'âme sur la place publique. Ce n'est pas dans ma nature. De toutes façons, je continue de tracer ma route. Quand j'ai quelque chose à dire, je l'écris et je me l'écris à moi-même.
Sur les réseaux sociaux, il s'écrit, il se dit des choses assez terribles et violentes à votre égard...
Cette violence à l'abri de l'anonymat est insensée. Je trouve ça insensé qu'on tolère l'anonymat puisque quand on reçoit des menaces verbales, d'homme à homme ou de femme à femme, qu'importe, il y a des sanctions judiciaires. Là, il n'y a rien. On peut vous assassiner en toute liberté. C'est invraisemblable. Et encore, nous sommes des adultes, nous avons une colonne vertébrale. Mais lorsque ce sont des ados qui sont impactés. Un des moments les plus durs c'est lorsqu'une maman, dont la fille s'est suicidée, m'a montré ce que cette enfant recevait. C'est impossible qu'un enfant reçoive ça et que nous, nous laissions faire. C'est quelque chose que je ne comprends pas.
Je lui ai dit qu'il était compliqué de dire à une jeune homme, une phrase comme celle-là"
Brigitte Macron
Vous dites que vous n'êtes pas une femme politique. Le soir, lorsque vous êtes avec le Président, vous ne parlez pas que de la pluie et du beau temps. Vous parlez de sujets éminemment politiques : lui donnez-vous votre avis ?
Oui, bien évidemment. Parce que vous savez qu'on a un avis sur tout. Mais c'est lui qui est autorisé, qui connait. Vous l'avez bien vu dans le Grand débat, à quel point il connait les sujets. Je n'ai rien à lui apprendre sur les sujets. Je lui apprends, ce que j'entends et lui, trie, décide. J'ai entendu que je nommais les ministres... Bien évidemment que non.
Lui dites-vous quand il fait une erreur ?
Quand je trouve qu'il fait une erreur, mais c'est un avis personnel.
Lorsqu'il dit à un jeune homme, "traversez la rue, vous allez trouver un job", que lui dites-vous ?
Je lui ai dit qu'il était dans l'enceinte de l'Elysée, et qu'il était compliqué de dire à une jeune homme, une phrase comme celle-là. La veille, nous étions au restaurant et le restaurateur nous as dit : "le premier qui traverse la rue, je lui donne un boulot parce que j'ai besoin de travailleurs auprès de moi". Cette phrase qu'Emmanuel a dite à ce moment-là, est une phrase qu'il avait entendue de la part du restaurateur la veille. Bien évidemment, on n'a pas à le dire. Mais quelques fois, des phrases sortent spontanément, qui nous nuisent, ou à notre image, mais c'est trop tard : la phrase est dite. Maintenant, on est dans une époque où on est à un mot près. Un mot peut vous condamner et vous êtes réduits indéfiniment à ce mot. Et ça, c'est grave. Je pense que c'est une très grave entrave à notre liberté.
Tous les présidents de la Ve République ont été changés par le pouvoir. Voyez-vous, vous-même, un actuel président de la République changé ?
Si vous le permettez, il y a deux personnes. Il y a Emmanuel qui est totalement inchangé. Il est l'homme que je connais depuis vingt ans. Il est égal à lui-même. Depuis qu'il est Président, il y a une chape de responsabilités, de gravité, qui lui est arrivée, comme elle est arrivée à tous les Présidents de la République. Une chape qui fait d'eux des hommes éminemment responsables.
Ceux qui le décrivent, adversaires politiques compris, le trouvent "arrogant", "Monsieur-je-sais-tout", "Monsieur-qui-a-réponse-à-tout", "Monsieur-qui-prend-les-Français-de-haut" ... Lui dites-vous, lui faites-vous ressentir, vous lui reprochez ou dites que ce sont de fausses accusations, ça n'existe pas ?
Je ne dis pas que cela n'existe pas, car c'est une perception. Si c'est une perception qu'ont plusieurs personnes, il y a quelque chose, effectivement. On en parle, mais je n'arrive pas bien à cerner ce qui donne cela. Il a une assurance qui est une assurance de la connaissance. Peut-être que quelque chose ne convient pas dans la forme.
Personne ne le nie. Cette connaissance livresque, personne ne le lui dénie, cela. Les reproches qui lui sont faits sont l'insensibilité. Il ne cherche pas vraiment à connaître les Français. Il leur impose un savoir qui est le sien sans aller au- delà...
Dans le Grand débat, lorsqu'il passait six, sept, huit heures avec les Français, il sortait de là et les Français étaient contents. Il y avait quelque chose qui se fait jour. Peut-être que cela ne fait pas forcément jour dans une émission, mais quand on est avec lui, les choses changent.
Dans le reportage, vous dites une phrase incroyable : "Je sais que j'en ai encore pour deux ans". Cela veut dire quoi ? "Chouette, dans deux ans, c'est fini ?", "dans deux ans c'est fini, je ne serai plus à l'Elysée ?" ?
Je ne me projette que dans le présent. Ce que je souhaite, ou ce que je ne souhaite pas, n'a pas à intervenir. En l'occurrence, il y a trop de responsabilités, trop de choses graves. Il fera ce qu'il voudra et je serai là pour lui.
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