Des électeurs ont pointé des dysfonctionnements ce dimanche dans certains bureaux de vote.Parmi eux, des Français ont envisagé de déposer un recours.Le professeur associé en droit constitutionnel, Jean-Pierre Camby, nous explique les possibilités et limites du dispositif.
Parmi les 26% de Français qui se sont abstenus, combien souhaitaient s'exprimer ? Impossible de le savoir. Mais la journée du dimanche 10 avril a été ponctuée de témoignages de problèmes rencontrés dans les bureaux de vote. À Marseille et dans plusieurs quartiers franciliens, des centaines d'électeurs ont eu la mauvaise surprise de se voir radiés des listes. À Paris, Rennes ou Lille, les plus impatients ont abandonné l'idée de glisser un scrutin à cause de la longue attente. Et dans un bureau de Pau, les bulletins d'Anne Hidalgo ont été oubliés pendant près de deux heures. S'il est impossible de chiffrer l'ampleur du phénomène, certains pensent qu'il pourrait avoir eu un impact sur les résultats du premier tour de l'élection présidentielle (consultables ici). Si bien que dans les rangs de Jean-Luc Mélenchon, l'éventualité de faire un recours a traversé les esprits dimanche soir. L'occasion de faire un point sur ce dispositif.
Des recours "assez systématiques"
Tout d'abord, le code électoral permet-il de contester le déroulement du scrutin et ses résultats ? "Oui, bien entendu", répond, sans hésitation, Jean-Pierre Camby, professeur associé en droit constitutionnel à l'Université de Versailles Saint-Quentin et membre des Surligneurs. Le code électoral donne à tout électeur le droit de faire un recours sur les opérations de vote le jour de l'élection. "Toutes les observations sont consignées sur le procès-verbal (PV) du bureau de vote concerné", rappelle notre interlocuteur. Quant aux résultats en eux-mêmes, il revient au préfet ou à l'un des candidats de faire un recours contre tout ou partie des résultats.
Dans le premier cas, il s'agit de motifs "quasi-mécaniques", tant ils sont récurrents, selon le spécialiste en droit électoral. "Il peut s'agir d'une urne pas transparente, d'une faille dans le contrôle des identités, d'un bureau de vote sans isoloir, de bulletins oubliés", énumère-t-il, entre autres exemples. Les exemples cités plus haut peuvent également faire partie des recours sur les opérations. Mais notre interlocuteur tient à souligner que ce phénomène est "systématique". "On trouve ce type de problèmes à chaque scrutin."
Les autres motifs éventuels sont, eux, à plus large échelle. Et porte plus souvent sur des problèmes liés à la propagande ou à la publicité. "Un candidat peut faire un recours après des révélations sur l'utilisation par un opposant d'un fichier avec des informations protégées, ou l'utilisation de publicité payante sur les réseaux sociaux", nous explique Jean-Pierre Camby, en référence à l'envoi à des directeurs d'école de mails en soutien à Emmanuel Macron et l'envoi par Eric Zemmour de SMS aux "Français de confession juive".
Les résultats nationaux imperturbables
Qu'il s'agisse des premiers ou des seconds, ces motifs sont ensuite soumis au jugement du Conseil constitutionnel. C'est celui-ci qui, à l'occasion de la déclaration des résultats - qui intervient généralement le mercredi - "veille à la régularité de l'élection". Et ce, en prenant en compte l'ensemble des recours déposés. Si l'opération signalée n'a pas respecté le code électoral, il peut donc annuler une partie ou la totalité des résultats d'un bureau de vote. C'est par exemple ce qu'elle a fait à douze reprises en 2017, lors du premier tour de l'élection présidentielle. Les motifs étaient, entre autres, l'absence d'assesseur dans un bureau de vote, l'oubli de l'envoi du procès verbal en fin de scrutin, ou encore le non-respect des dispositions avec des électeurs invités à signer avant de déposer leur bulletin dans l'urne.
De là à remettre en cause les résultats nationaux ? L'éventualité parait peu probable pour Jean-Pierre Camby. Le nombre de recours devrait en effet être "suffisant pour inverser les résultats". Or, avec des écarts entre candidats qui se chiffrent en millions de voix, "c'est impossible". "Les recours ponctuels peuvent simplement modifier certains écarts de voix", conclut notre interlocuteur. Pas de quoi avoir un impact sur l'affiche du second tour.
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