LA GRANDE CONFRONTATION - Plus de 4,4 millions de personnes sont concernées par ces pensions - dont beaucoup de veuves. Malgré les assurances d'Emmanuel Macron, la réforme des pensions de réversion suscite inquiétude et passes d'armes entre leaders politiques. De quoi s'agit-il exactement et combien de personnes sont concernées en France ?
C'est l'un des chapitres sensibles de la réforme des retraites : les pensions de réversion. Emmanuel Macron s'est engagé en juin dernier à ne pas y toucher. Pourtant, le sujet continue de provoquer passes d'armes entre leaders politiques et inquiétude de la part des intéressés. Ce débat brûlant est l'occasion de revenir sur ces pensions qui concernent un peu plus du quart des retraités en France, soit pas moins de 4.4 millions de Français, dont 1,07 million n'ont que ce revenu pour vivre. Ce supplément de retraite représentait en moyenne, en 2012, 645 euros mensuels pour les retraités bénéficiant par ailleurs d'une retraite de droit propre, et de 499 euros pour ceux qui n'avaient pas de retraite propre.
Qui est concerné ?
La pension de réversion correspond à une part de la retraite dont bénéficiait l'assuré décédé, reversée à l'époux ou à l'épouse survivante (il faut avoir été marié, et non pacsé ou en concubinage), et, dans le cas des fonctionnaires, également aux orphelins. Près de 2.8 millions de ces retraités dit "de droit dérivé" relèvent du régime général, la partie restante relevant des divers régimes de retraite que le gouvernement veut précisément unifier.
Le nombre de bénéficiaires a augmenté de 6.4% en 12 ans, selon un bilan récent de la Drees. La proportion de femmes bénéficiaires est de 89%, une situation souvent liée à leur longévité ainsi qu'au fait qu'elles sont "en moyenne deux à trois ans plus jeunes que leur conjoint", selon le même rapport. Les veuves sont nettement plus nombreuses que les veufs à ne bénéficier que de cette pension de réversion pour vivre, ce qui en fait un outil de rééquilibrage contre le inégalités de revenus selon le sexe. En 2016, 87% des bénéficiaires avaient plus de 65 ans, et 30% avaient plus de 85 ans.
Comment la pension est-elle calculée dans le privé ?
Dans le secteur privé, la pension versée est égale à 54% de la retraite que le défunt percevait ou aurait pu percevoir, à condition qu'il ait cotisé au régime général de la Sécurité sociale, la durée de cotisation faisant varier le montant reversé. Cette part monte à 60% des revenus dans les régimes complémentaires. Il faut avoir au moins 55 ans pour pouvoir faire la demande de pension auprès de la caisse de retraite du défunt.
Les ressources annuelles du bénéficiaire ne peuvent pas dépasser 20550 euros s'il vit seul, et 32880 euros s'il vit en couple. La pension est réduite à hauteur d'un éventuel dépassement de ces plafonds. La pension peut aussi être augmentée, réduite ou suspendue en cas de variation des ressources. Enfin, il est possible de bénéficier d'une majoration de 11% si l'on a fait valoir tous ses droits à la retraite et si le montant des retraites du conjoint survivant ne dépasse pas 860 euros par mois.
Subtilité supplémentaire : si l'époux ou l'épouse décédée a été mariée plusieurs fois, la retraite de réversion est partagée entre les anciens conjoints, au prorata de la durée du mariage.
Comment est-elle calculée dans le public ?
Dans la fonction publique, la pension est égale à 50% de la retraite de base dont le fonctionnaire décédé bénéficiait ou aurait pu bénéficier. Si les ressources du conjoint survivant sont inférieures au minimum vieillesse, un complément de pension est versé. Le montant de la pension de réversion peut aussi être majoré de 50% de la "majoration pour enfants" dont aurait pu bénéficier de fonctionnaire décédé.
Dans la fonction publique, contrairement au privé, il faut avoir été marié au moins 4 ans pour pouvoir percevoir la pension. A défaut, il faut avoir eu un ou plusieurs enfants dans le cadre de ce mariage.
Les enfants orphelins de moins de 21 ans ont également droit à une pension, d'un montant égal à 10% de la pension de retraite dont aurait bénéficié le défunt.
Pourquoi le gouvernement veut-il les réformer ?
"Le principe des pensions restera parce qu'il est essentiel, mais ensuite on veut une réforme profonde, plus juste, pour faire en sorte qu'un euro cotisé génère les mêmes droits", a plaidé le secrétaire d'Etat Christophe Castaner, en juin dernier sur LCI, expliquant que les 40 régimes de retraite qui cohabitent génèrent des "injustices". L'âge d'accès à la pension, les conditions de ressources et les niveaux de pension présentent en effet d'importantes différences selon les régimes. Une position conforme aux engagements du candidat Macron à la présidentielle, qui promettait d'unifier les régimes de retraites.
Outre le fait que les différents régimes de retraite ne génèrent pas les mêmes droits, l'objectif affiché par le gouvernement est de réduire la complexité du système, notamment dans le cas des carrières multiples, où un salarié a changé de régime à plusieurs reprises. La remise à plat pourrait se traduire, a concédé Christophe Castaner, soit par des hausses, soit par des baisses de pension pour les futurs bénéficiaires.
Pensions de réversion : le coup de gueule de Benjamin Griveaux
Stop aux mensonges. Les Français méritent mieux. Il n’est pas question de baisser ou de supprimer les pensions de réversion. Point final. pic.twitter.com/dYAhFHt9MM — Benjamin Griveaux (@BGriveaux) 28 juin 2018
Fin 2015, un rapport de la Cour des comptes préconisait déjà d'harmoniser les pensions de réversion, dans un souci de simplification mais également dans le but avoué de réduire les coûts pesant sur le système de retraite. Parmi les propositions qu'elle formulait, certaines pourrait détonner si le gouvernement s'en emparait : condition d'âge unique de 55, voire 57 ans, pour en bénéficier, plafonnement des conditions de ressources dans la fonction publique et les régimes spéciaux et taux de réversion unique à 54%... Le gouvernement choisira-t-il d'harmoniser les pensions par le haut, ou par le bas ?
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