SOCIAL - La réforme des retraites, interrompue début 2020 par la crise sanitaire, ne pourra pas être reprise "en l'état", a annoncé jeudi Emmanuel Macron. Le chef de l'État se donne plusieurs semaines de concertation pour trancher. Plusieurs scénarios sont envisagés dans la majorité.
Faut-il relancer la réforme de la retraite à points à dix mois de l'élection présidentielle ? C'est l'une des questions que devra trancher Emmanuel Macron dans les prochaines semaines. Promesse de campagne emblématique en 2017, cette réforme avait suscité fin 2019 une forte contestation sociale, avant d'être brutalement interrompue par l'épidémie de Covid-19 en mars 2020 après son adoption au forceps à l'Assemblée nationale.
Jeudi, lors d'un déplacement dans le Lot, où il a rencontré notamment des retraités, Emmanuel Macron a annoncé que le projet originel ne pourrait être repris tel quel après un an d'une crise qui a fortement éprouvé les Français.
"Je ne pense pas que la réforme initialement envisagée puisse être reprise en l’état", a indiqué le chef de l'État. "Je vais être franc avec vous... Elle était ambitieuse, complexe et porteuse d’inquiétudes, il faut bien le reconnaître, il faut être lucide. Le faire maintenant, ce serait ne pas prendre en compte le fait qu’il y a beaucoup de peurs et d’interrogations."
Trouver une issue honorable
La question qui s'ouvre, pour l'exécutif, est de savoir si une réforme des retraites peut être socialement - et politiquement - acceptable, d'autant que la pré-campagne présidentielle a déjà commencé.
"Est-ce que nous pouvons ne rien faire sur les retraites dans les moins qui viennent ?" s'interrogeait jeudi Emmanuel Macron. "Il faut pour cela regarder deux choses : a-t-on réglé le préalable, le travail et la reprise d’activité ? Et la solidité de nos finances publiques est-elle assurée dans la période ?" Pour trancher, probablement avant l'été, le président de la République s'entoure de précautions. Il consultera les Français et les élus locaux à l'occasion de ses déplacements sur le terrain, courant juin, et attendra les conclusions de la Cour des comptes et du rapport de la commission Blanchard-Tirole sur les finances publiques et la relance de l'économie. Une concertation est également prévue avec les partenaires sociaux.
Au sein de la majorité et de l'exécutif, les avis divergent depuis plusieurs semaines sur l'issue à donner à ce chantier qui devait structurer le quinquennat. Si certains préconisent une réforme a minima, d'autres estiment qu'elle doit être purement et simplement renvoyée à la prochaine mandature.
"C'était un engagement de campagne", soutenait encore, le 15 avril dans Les Échos, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. "La survie à moyen terme de notre système par répartition reste en péril, les Français veulent massivement la fin des régimes spéciaux et un meilleur niveau de retraite pour les petits salaires qui ont cotisé toute leur vie."
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La piste d'une réforme "paramétrique"
Le sujet a été abordé le 25 mai à l'occasion d'une réunion de la majorité à Matignon. Selon un participant, sollicité par LCI, l'une des pistes proposées par l'exécutif serait d'adosser les retraites sur la réforme de la dépendance et le pacte générationnel, autres chantiers sociétaux du quinquennat qu'Emmanuel Macron souhaite mener à terme avant la présidentielle. Dans cette hypothèse, la mise en place d'une retraite à points serait sacrifiée au profit d'une réforme "paramétrique" se concentrant sur la mesure d'âge, c'est-à-dire, concrètement, l'allongement de la durée de cotisation pour consolider le financement du système par répartition à moyen terme.
"Le grand truc du Président, c'est de dire qu'on fait la loi sur le grand âge si l'on fait les retraites... Si l'on fait l'un, il faut faire l'autre", indiquait, fin mai, une source gouvernementale à LCI, pointant le coût de la réforme du grand âge, estimée à 6 milliards d'euros par an. L'idée serait donc de financer le grand âge par la réforme paramétrique des retraites.
Reste à savoir si une telle mesure, même a minima, est plus acceptable. "Ça va remettre les gens dans la rue alors qu’on n’est pas certains d’être sortis du Covid", s'inquiétait le membre de la majorité, cité plus haut, à l'issue de la réunion à Matignon. "Cela veut dire grève des trains, des bus, des transports samedi après samedi. Qui a envie de ça ?" confiait-il à LCI.
D'autant que les syndicats, que l'exécutif compte solliciter, ne semblent pas du tout enclins à rouvrir le dossier. La réforme des retraites est "morte et enterrée", clamait le CGT auprès de France Info jeudi. "Il est trop compliqué de reprendre le projet en l'état", jugeait aussi Frédéric Sève, de la CFDT - un syndicat pourtant favorable à une réforme - dans le JDD.
Enfin, Emmanuel Macron sait que s'il relance le chantier des retraites, le sujet sera immédiatement préempté par les candidats à la présidentielle. À commencer par Marine Le Pen, qui a fustigé jeudi une réforme "nocive du début à la fin" et préconise, à l'inverse, le retour à "la retraite à 60 ans avec 40 annuités".