Révoquer Robert Ménard : juridiquement possible, politiquement sensible

Publié le 23 septembre 2015 à 16h22
Révoquer Robert Ménard : juridiquement possible, politiquement sensible

PÉTITION – Près de 8800 signatures ont été réunies dans la pétition initiée par des députés socialistes pour demander à François Hollande de destituer le maire FN de Béziers, Robert Ménard, en raison de son coup de com' musclé contre les réfugiés syriens. Si les précédents juridiques existent, le gouvernement marcherait sur des charbons ardents dans un contexte électoral favorable au FN.

Robert Ménard doit-il être sanctionné pour ses coups de com' musclés à l'encontre des réfugiés syriens et son affaire de statistiques ethniques ? Après la Une de son journal municipal les présentant comme des envahisseurs, et surtout son action "coup de poing" dans une HLM, lors de laquelle il sommait des réfugiés de quitter un appartement squatté – action illégale venant d'un maire –, le maire, propulsé à la tête de Béziers grâce au FN, est visé par une pétition initiée par des députés socialistes demandant à François Hollande sa révocation. Pétition qui avait réuni mercredi plus de 8800 signatures.

En face, Robert Ménard a mobilisé ses soutiens avec une contre-pétition en sa faveur et contre "la gauche sectaire et hystérique", réunissant plus de 24.000 signatures sur le site qu'il a fondé, Boulevard Voltaire. Un contre-feu de l'extrême droite qui pose forcément cette question : est-il judicieux, en droit et en politique, de sanctionner le maire de Béziers ? "Que voulez-vous que l'on me reproche ? Ces gens (les réfugiés syriens, ndlr) ont fractionné la porte d'une HLM pour l'occuper illégalement !" assurait Robert Ménard, joint par metronews.

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Juridiquement, les coups de com' de Robert Ménard seraient compatibles avec une suspension (un mois maximum), voire une révocation du maire (pour une durée d'un an avant qu'il ne puisse se représenter aux élections). Pour qu'une telle mesure soit prise par décret en Conseil des ministres, il doit y avoir une "faute grave" caractérisée. "Demander aux occupants d'un immeuble HLM de quitter leur logement alors que les expulsions sont encadrées par des procédures précises peut constituer une faute", estime l'avocat Daniel Tasciyan, spécialiste de la question . "Le maire a outrepassé largement ses pouvoirs, et son action, qui a été filmée, peut constituer une atteinte à l'image de la République."

Mesure exceptionnelle

Quelques précédents de révocation existent. Parmi les plus comparables, le cas du maire de Lifou (Nouvelle Calédonie) , destitué en 1976 pour avoir tenu des "propos outranciers" durant une cérémonie de commémoration du 11-Novembre. Ou encore celui du maire de Betrichamps (Meurthe et Moselle), qui avait refusé en 1964 de "pavoiser tous les édifices publics" (garnir de drapeaux) lors de la cérémonie du 18-Juin, désobéissant ainsi aux autorités nationales.

D'autres cas sont plus éloignés car ils concernaient des édiles impliqués directement dans des affaires judiciaires. Parmi eux : en novembre 2012, le maire de Koungou (Mayotte), Ahmed Souffou , révoqué après avoir été mis en examen pour aide au séjour d'étrangers en situation irrégulière contre rémunération ; en mars 2010, l'ex-maire PS d'Hénin Beaumont, Gérard Dalongeville , mis en examen pour détournement de fonds publics et condamné en 2013. Et en remontant dans le temps, en juin 1987, le maire de Lavelade d'Ardèche révoqué pour une affaire d'attentat à la pudeur.

"La question doit être posée"

Envisager la révocation de Robert Ménard serait donc juridiquement possible. Mais à qui profiterait cette bataille, au maire de Béziers – qui pourrait d'ailleurs déposer un recours – ou à ses opposants ? "En tout cas, la question doit être posée, défend le député PS Alexis Bachelay, l'un des tenants de la pétition . Il est incroyable de voir un maire mettre sa communication au service d'un climat de haine et de xénophobie. On ne peut laisser quelqu'un manipuler l'opinion en défiant les lois de la République."

Même en période électorale ? "On est toujours en période électorale !" réplique le parlementaire. "Et alors, on ne fait plus rien ? C'est Robert Ménard lui-même qui s'est auto-promu dans cette affaire. Peut-être que des menaces de sanction réelle le feront réfléchir…" Pour l'instant, Robert Ménard ne semble pas vraiment gêné. Et s'en prend à l'envi au "quarteron de députés" qui ont osé demander sa tête.

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Vincent MICHELON

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