Sarkozy sur écoute : retour sur les révélations du Monde

Publié le 7 mars 2014 à 22h28
 Sarkozy sur écoute : retour sur les révélations du Monde

JUSTICE - L'ex-chef de l'État, dont Le Monde a révélé vendredi qu'il avait été placé sur écoute dans l'enquête sur les accusations de financement de sa campagne de 2007 par la Libye de Kadhafi, se retrouve désormais en première ligne dans un dossier de trafic d'influence. Une affaire qui a alimenté le débat ce vendredi et qui pose plusieurs questions. Metronews essaie d'y répondre.

De quoi parle-t-on ?
Ce qui s'apparente à un véritable "scandale d'Etat", comme l'a qualifié vendredi matin le porte-parole du Parti socialiste, David Assouline, mêle plusieurs affaires dans lesquelles Nicolas Sarkozy est, à différents degrés, impliqué. Le Monde révèle vendredi que Gilbert Azibert, avocat général près la Cour de cassation, aurait tenu Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, informés de l'état d'une procédure concernant l'ancien président de la République. Il s'agissait d'un pourvoi en cassation concernant les agendas privés et officiels de l'ancien président, en lien avec l' affaire Bettencourt , dans laquelle Nicolas Sarkozy a bénéficié d'un non-lieu en octobre dernier et dont l'issue sera connue le 11 mars. En échange de ces informations, Gilbert Azibert aurait demandé à l'ancien Président d'intercéder en sa faveur auprès des autorités monégasques, pour intégrer le Conseil d'Etat de la principauté.

Ces soupçons révélés par Le Monde se basent sur des conversations interceptées après que la justice a placé sur écoute Nicolas Sarkozy ainsi que deux de ses anciens ministres de l'Intérieur, Claude Guéant et Brice Hortefeux, à partir du 19 avril 2013. Ces trois politiques de premier plan ont été placés sur écoute lorsqu'une information judiciaire pour "corruption" a été ouverte à Paris concernant le financement par la Libye de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.

Malgré le non-lieu obtenu dans l'affaire Bettencourt, les agendas privés et officiels de Nicolas Sarkozy ont leur importance dans un autre dossier : l'affaire Tapie-Crédit Lyonnais. Ils révèlent en effet une proximité entre l'ex-président et l'homme d'affaires. Si la saisie de ces agendas dans le cadre de l'affaire Bettencourt est invalidée le 11 mars, tout un pan de la procédure s'écroulerait dans l'affaire Tapie. D'où l'importance de ce qui se trame à la Cour de cassation.

Placer Nicolas Sarkozy sur écoute était-il légal ?
Oui. Dans le cas qui nous intéresse, les juges se sont intéressés à des discussions entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog. Après avoir quitté l'Elysée, Nicolas Sarkozy a perdu son immunité présidentielle et est devenu un justiciable comme les autres. L'article 100 du code de procédure pénale stipule qu'en "matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications". La décision de mettre une personne sur écoute doit être écrite et elle est prise pour une durée de quatre mois. Passé ce délai, une nouvelle décision doit être formulée pour prolonger le dispositif.

Thierry Herzog, invité sur BFMTV vendredi soir , a de son côté fustigé la retranscription des conversations pendant un an, jugeant le procédé "monstrueux". En ce qui concerne la légalité des écoutes, il faudra savoir, selon lui, "si quand Serge Tournaire (le juge en charge de l'affaire) les a ordonnées, Nicolas Sarkozy était soupçonné de corruption".

Qui est Gilbert Azibert ?
Il est actuellement premier avocat général près la Cour de cassation. Né à Marseille, il devient substitut dans sa ville à 29 ans. Avant de l'être à la capitale en 1981. Trois ans plus tard, toujours à Paris, il étoffe sa brillante carrière en devenant conseiller référendaire à la Cour de cassation, conseiller à la cour d'appel de Versailles puis président du tribunal de Nîmes. En 1996, il devient chef des prisons. Il accède en janvier 1999 à un poste stratégique : président de la chambre d'accusation de Paris chargé de contrôler le travail des juges d'instruction. Il y gagnera le surnom d'"Annulator" pour sa propension à casser les procédures des juges d'instruction, souligne  Le Monde dans un long portrait publié vendredi. Il prendra ensuite la tête de l'Ecole nationale de la magistrature puis deviendra, en 2008, secrétaire général du ministère de la justice. Cet homme classé à droite, âgé de 67 ans, doit officiellement prendre sa retraite le 2 février 2015.

Que risque Nicolas Sarkozy ?
Si les faits se vérifient, ils sont constitutifs de deux infractions : "violation du secret de l'instruction" et "trafic d'influence". Une information judiciaire a été ouverte le 26 février par le parquet national financier et confiée à deux juges d'instruction : Patricia Simon et Claire Thépaut.

Concernant le soupçon de "violation du secret de l'instruction", les juges cherchent à savoir si et comment Nicolas Sarkozy a eu vent des écoutes téléphoniques le visant. La peine encourue pour ce chef d'accusation est d'un an de prison et 15.000 euros d'amende.

Concernant le "trafic d'influence" supposé, les magistrats tentent de savoir si l'ex-président a vraiment tenté de favoriser la carrière de Gilbert Azibert. Le Code de procédure pénale distingue trafic d'influence actif et passif. Il prévoit que si le trafic d'influence fait intervenir un agent exerçant une fonction publique qui sert d'intermédiaire au "trafiquant" d'influence, les sanctions - dix ans emprisonnement et 150.000 euros d'amende - sont aggravées. Les peines complémentaires prévues en cas de corruption s'appliquent.


La rédaction de TF1info

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