Séparatisme : que prévoit le projet de loi présenté mercredi ?

Publié le 8 décembre 2020 à 15h26, mis à jour le 9 décembre 2020 à 14h52

Source : TF1 Info

LAÏCITÉ - Le projet de loi "confortant les principes républicains" a été présenté mercredi en conseil des ministres. Parmi les sujets abordés : scolarisation obligatoire, financement des associations, lutte contre la haine en ligne et interdiction des certificats de virginité.

Si la crise sanitaire a bouleversé les priorités du quinquennat, ce rendez-vous, prévu de longue date, a été maintenu. Le gouvernement a présenté, mercredi 9 décembre, à l'issue du conseil des ministres, son projet de loi de 54 articles "confortant les principes républicains", souhaité par Emmanuel Macron pour lutter contre le séparatisme islamiste.  Le texte devrait être débattu à l'Assemblée nationale début février, après un examen en commission vers le 20 janvier, a indiqué mercredi la députée LaREM Yaël Braun-Pivet.

Le choix du 9 décembre est tout sauf anodin : c'est le jour anniversaire de la promulgation de la loi de 1905 posant les fondements de la laïcité. Un pilier républicain que le chef de l'État s'est donné pour ambition de renforcer, dans le contexte de la nouvelle vague d'attentats qui a frappé la France à l'automne. Quitte à froisser à nouveau, sur certaines dispositions, une opposition déjà échaudée par la proposition de loi sur la sécurité globale. 

"Ce projet de loi n’est pas un texte contre les religions, ni contre la religion musulmane en particulier", a assuré Jean Castex en préambule. "C’est à l’inverse une loi de liberté, c’est une loi de protection, c’est une loi d’émancipation face au fondamentalisme religieux."

Les associations cultuelles sous surveillance

En voulant mettre sa pierre à l'édifice de la laïcité, Emmanuel Macron a souhaité revoir les mécanismes de financement des associations, invoquant un dévoiement ayant conduit à des dérives sectaires, ou islamistes. Le projet de loi prévoit tout d'abord de conditionner toute subvention publique à une association à un "contrat d'engagement républicain". En cas de rupture de ce contrat, la subvention devrait être rendue. L'engagement figurera également dans le règlement des fédérations sportives agréées. 

En outre, les associations cultuelles, généralement fondées sur le régime de la loi de 1901, seront incitées à se constituer désormais sur celui de la loi de 1905, plus exigeant sur le plan de la transparence financière. Avec, en contrepartie, des incitations fiscales. Les associations qui resteront sous le régime de la loi de 1901 auront les mêmes contraintes, mais sans les avantages de la loi de 1905. 

Par ailleurs, les dons étrangers dépassant 10.000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources, et les associations concernées devront faire l'objet d'une certification par un commissaire aux comptes. S'y ajoutent une disposition "anti-putsch" destinée à empêcher la prise de contrôle d'une mosquée par des extrémistes, ainsi qu'une "interdiction de paraître" dans les lieux de culte pouvant être prononcée par un juge. 

Enfin, le projet de loi prévoit d'élargir les motifs de dissolution d'une association en conseil des ministres et de suspendre ses activités à titre conservatoire, pour une durée de trois mois. 

Neutralité et protection face à la menace islamiste

D'autres mesures ont pour objectif de mieux protéger les personnes contre d'éventuelles menaces ou intimidations provenant d'individus ou de groupes extrémistes, des dispositions qui s'inscrivent dans le contexte de l'assassinat de l'enseignant Samuel Paty le 16 octobre 2020. Les sanctions seront aggravées en cas de menaces contre des agents du service public, avec un "délit de pression séparatiste" passible de 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Une peine complémentaire d'interdiction du territoire national pendant dix ans sera prévue, a indiqué mardi 8 décembre une source gouvernementale à LCI. 

En outre, les agents de droit privé chargés d'une mission de service public seront soumis au principe de neutralité au même titre que les agents de droit public. Une procédure dite "de carence républicaine" permettra par ailleurs au préfet, sous le contrôle du juge administratif, de suspendre les décisions ou actions d'une collectivité qui méconnaîtrait la neutralité du service public. 

S'agissant des auteurs de menaces, ils pourront être interdits d'exercer des fonctions "au contact du public", et les délits "relatifs à la provocation et à l'apologie d'actes terroristes" seront intégrés au fichier FJIAIT, dédié aux auteurs d'infractions terroristes. 

Le texte prévoit enfin une série de mesures pour lutter contre la haine en ligne, avec la création par son article 18 d'une nouvelle infraction pénale pour "mise en danger de la vie d'autrui par communication d'informations relatives à sa vie privée ou à son adresse", a indiqué à LCI la source gouvernementale. Une infraction punie de 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende, aggravée si la victime est dépositaire de l'autorité publique. Il a été question d'intégrer dans cet article les dispositions concernant les forces de l'ordre, en lieu et place du controversé article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale, mais cette option a été écartée. Sur ce volet, il est également prévu de modifier le code de procédure pénale pour permettre de juger en comparution immédiate des propos haineux sur les réseaux sociaux, en les sortant du régime de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. 

Instruction obligatoire à l'école

L'une des mesures les plus controversées concerne le durcissement des règles relatives à l'école à domicile, qui ont conduit, aux yeux de l'exécutif, à déscolariser 4000 à 5000 enfants au profit d'un enseignement fondamentaliste. Le texte prévoit l'instruction à l'école pour tous dès l'âge de 3 ans, n'envisageant l'instruction à domicile que dans des cas très limités, notamment pour raisons de santé, et selon un système de demande dérogatoire. Face à un risque d'inconstitutionnalité brandi par le Conseil d'État, le gouvernement a toutefois prévu d'élargir ces dérogations, sous le contrôle des rectorats. "C'est une disposition de défense des droits de l'enfant", a assuré Jean-Michel Blanquer mercredi. L'école à la maison concerne actuellement près de 62.000 enfants, un chiffre qui a augmenté de 20% depuis 2016, selon le gouvernement. 

Parmi les mesures relatives à l'éducation figure également le renforcement de l'encadrement des écoles hors contrat, avec un "régime de fermeture administrative" en cas de dérives, sous le contrôle du juge administratif. Ouvrir un établissement privé sans autorisation sera passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende. Ces établissements devront fournir la liste des personnes chargées d'y enseigner - leur casier judiciaire pourra être contrôlé par les autorités -, et pouvoir préciser leurs modalités de financement à tout moment. 

Interdiction du certificat de virginité, contrôle de la polygamie et des mariages forcés

Enfin, le projet de loi interdira formellement aux professionnels de santé d'établir des "certificats attestant de la virginité d'une personne", un délit qui sera passible d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende. Plus précisément, il ne sera plus possible d'établir un certificat "sans lien avec des raisons de santé", a précisé mercredi Marlène Schiappa. S'ajoute à cette mesure, contestée dans la profession, un renforcement de la lutte contre la polygamie - interdiction de délivrer un titre de séjour aux étrangers vivant dans cette situation, possibilité de réexaminer les pensions de réversion - et une surveillance accrue d'éventuels mariages forcés, avec la possibilité pour l'officier d'état civil de recevoir les futurs époux séparément et l'obligation pour lui de saisir le procureur de la République en cas de doute. 


Vincent MICHELON

Tout
TF1 Info