Un nouveau déconfinement en 4 étapes clés

Stratégie de déconfinement : "Une cacophonie pareille, c'est très anxiogène"

Publié le 24 avril 2020 à 18h43, mis à jour le 24 avril 2020 à 19h38
Stratégie de déconfinement  : "Une cacophonie pareille, c'est très anxiogène"

Source : Yoan VALAT / POOL / AFP

COMMUNICATION - Ces derniers jours, le gouvernement est ciblé en raison d'annonces jugées contradictoires ou parcellaires à propos de la stratégie du déconfinement à venir. Quelles conséquences sur l'opinion publique ? LCI a interrogé un spécialiste de la communication politique.

Des couacs dans la communication gouvernementale ? Ces derniers jours, l'exécutif a été pris pour cible en raison d'un manque de clarté et de cohésion présumé dans ses annonces sur le déconfinement. Lors d'un déplacement en Bretagne mercredi, Emmanuel Macron a annoncé un déconfinement modulé par secteur et par région. Une semaine plus tôt, l'Elysée semblait toutefois écarter l'hypothèse d'un déconfinement différencié. 

Jeudi, l’Elysée indiquait par ailleurs que les déplacements inter-régionaux ne seraient pas interdits, alors que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner déclarait, quelques heures plus tôt, que "le déconfinement, ça ne sera pas la liberté d'aller partout, tout le temps". 

La question du retour à l'école a également suscité des doutes sur la communication gouvernementale. Mardi, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer esquissait  les pistes d'un retour à l'école étalé sur trois semaines par niveau de classe, avec des groupes de 15 élèves maximum. Il avait précisé qu'une famille pourrait décider de ne pas envoyer son enfant à l'école, sous réserve qu'il suive l'enseignement à distance. Jeudi, l'Elysée indiquait pourtant que le calendrier n'était pas fixé et que la priorité pourrait être donnée "aux plus jeunes, ceux qui ne sont pas autonomes", ainsi qu'aux enfants "les plus en difficulté", sur la base du volontariat des parents.

Comment expliquer et analyser ces cafouillages apparents ? LCI a interrogé le professeur de communication politique à Sciences-Po Philippe Moreau-Chevrolet.

"Tout le monde est en roue libre"

LCI : Comment analysez-vous la communication du gouvernement ces derniers jours ?

Philippe Moreau-Chevrolet : Cette communication a eu trois temps. Le premier, c’était l’annonce, très claire et très bien faite par le Président, d’un déconfinement le 11 mai. Mais comme il est passé en force auprès de son gouvernement pour imposer cette date, les ministres ont totalement paniqué et se sont mis à improviser. Donc dans un deuxième temps, le Premier ministre a tenté de rattraper la situation, mais sa conférence de presse, dimanche dernier, n’a pas eu l’effet escompté. Et depuis lundi nous sommes dans le troisième temps : tout le monde est en roue libre. 

Lancer des pistes, au risque de faire marche arrière : est-ce une stratégie délibérée du gouvernement, ou de l'improvisation ?

Ce qui pèche, c'est l'absence de coordination entre l’Elysée et Matignon, Matignon et les ministres, les ministres et Jérôme Salomon…. L'action publique n’est pas coordonnée et la communication publique n’est pas pensée, pas maîtrisée. Donc n’importe qui fait n’importe quoi. Or, ça ne peut pas fonctionner comme ça, ce sont des erreurs qui coûtent cher. Il faut stopper les ballons d’essai, les petites phrases balancées pour voir ce qu’en dit l’opinion. L’opinion n’est pas un laboratoire. Les Français ont besoin de certitudes, d’avoir des porte-parole clairs, qui disent des choses validées, qui seront réellement applicables et appliquées. Il faut aussi dire la vérité sur les masques, les tests, le déconfinement. Arrêtons de nier qu’il n'y a pas de pénuries de masques, de continuer à dire qu’ils ne servent à rien. Arrêtons de faire croire que nous sommes  en mesure de réaliser des tests à grande échelle.

"L'exécutif doit parler d'une seule voix"

Quels sont les effets de cette communication sur l’opinion ?

Les Français sont défiants, la cote de popularité du Président est en baisse. Une opposition des Français au gouvernement se cristallise, alors que cela aurait pu être évité. Or, une fois qu’ils auront perdu confiance, cela sera très difficile à réparer, surtout que la gravité de la situation ne le permet pas. Il faut que le gouvernement se ressaisisse et se réveille, d’autant plus qu’une cacophonie pareille, c’est très anxiogène.

Que doit faire le gouvernement pour redresser la barre ?

Nous avons besoin d’un capitaine dans l’avion ! Il faudrait que seuls Emmanuel Macron, Edouard Philippe, Olivier Véran et à petite dose Jérôme Salomon parlent. L’exécutif doit parler d’une seule voix, les autres doivent se taire. Il faut arrêter les off, les déclarations intempestives, et ne communiquer qu’en cas d’annonce définitive.


Justine FAURE

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