ENQUETE - Après avoir accusé mardi la garde des Sceaux Nicole Belloubet de "mentir" au sujet de la tentative de perquisition du parquet de Paris dans ses locaux, Mediapart affirme que Matignon a déclenché en sollicitant le parquet, y voyant une atteinte à l'indépendance judiciaire. Une version démentie par Matignon, qui assure avoir voulu faire preuve, au contraire, de transparence.
L'affaire de la tentative de perquisition à Mediapart s'invite au sommet de l'Etat. Les services du Premier ministre ont vivement réagi mercredi aux nouvelles allégations du site d'investigation, qui pointe la responsabilité directe de Matignon dans le déclenchement de l'enquête qui a conduit à la tentative de perquisition à son siège, lundi matin.
Que dit Mediapart ?
Selon Mediapart, les services du Premier ministre ont alerté, le 1er février, le parquet de Paris après avoir été sollicités par des journalistes du magazine Valeurs Actuelles, dans la foulée des révélations sur les enregistrements sonores d'échanges entre Alexandre Benalla et Vincent Crase. Ces journalistes voulaient vérifier auprès de Matignon deux allégations qui leur avaient été rapportées ; la première, que la conversion entre Benalla et Crase entraînant la rupture de leur contrôle judiciaire se serait déroulée au domicile de la responsable du Groupement chargé de la sécurité du Premier ministre (GSPM), Marie-Elodie Poitout ; la seconde, que cette conversation aurait pu faire l'objet d'écoutes administratives à l'initiative des services de renseignement.
Le directeur de cabinet d'Edouard Philippe, qui a démenti le recours à des écoutes téléphoniques, a immédiatement pris l'initiative d'adresser une lettre au procureur de la République pour lui faire part des allégations formulées par les journalistes. "C'est donc sur la base de cette simple 'alerte' de l'exécutif, qui repose sur du sable, que le procureur de la République ouvre dans la foulée une enquête pour 'atteinte à l'intimité de la vie privée' [...]", accuse Mediapart, qui dénonce "le zèle" qui a conduit le procureur, Rémi Heitz, à déclencher la tentative de perquisition à son siège. Le site d'investigation estime que, derrière cette enquête, se cache une volonté délibérée de l'exécutif d'identifier les "sources confidentielles" de ses révélations dans l'affaire Benalla.
L'empressement de Matignon pourrait avoir une autre raison, selon des informations de Libération publiées mercredi soir. Le quotidien pointe le nom d'un homme, mentionné dans la lettre de Matignon au procureur, comme l'une des parties prenantes d'une rencontre avec Alexandre Benalla au domicile de la cheffe du GSPM en juillet dernier. Ce personnage, jamais mentionné jusqu'ici, serait le compagnon de la patronne du GSPM, mais également proche d'Alexandre Benalla, et ancien responsable de la sécurité de Iskander Makhmudov, l'oligarque au coeur du fameux "contrat russe" de l'affaire Benalla.
Que répond Matignon ?
Sollicité par une journaliste de LCI, Matignon a reconnu avoir "bien évidemment transmis l'ensemble de ces informations au procureur de Paris, chargé de l'enquête", ajoutant qu'il ne s'agissait "pas d'un signalement" visant à déclencher une enquête, mais "de partager en toute transparence avec la justice des éléments de réponse transmis par la presse et susceptibles de concerner une affaire judiciaire en cours".
La lettre du directeur de cabinet de Matignon au procureur, que nous avons pu consulter, date du 1er février. Matignon y évoque le contenu des questions des journalistes, et indique avoir convoqué la responsable du GSPM Marie-Elodie Poitout - entendue mardi par les enquêteurs - et vérifié qu'aucune écoute administrative n'avait été déclenchée à propos d'Alexandre Benalla ou Vincent Crase au cours de la période invoquée.
"Matignon a vérifié qu'il n'y avait pas eu d'écoute téléphonique au moment des faits. Il ne s'agit en aucun cas d'un signalement ou d'un article 40 du code de procédure pénale [qui oblige une personne dépositaire de l'autorité publique à dénoncer un délit, NDLR]", a répété le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, mercredi à l'issue du conseil des ministres. "Je vous invite à la plus grande prudence. L'autorité judiciaire agit de manière indépendante."
Pourquoi Mediapart accuse-t-il Belloubet de "mentir" ?
L'ouverture de l'enquête et la tentative de perquisition de Mediapart avait déjà suscité, mardi, un échange vif à l'Assemblée nationale. Interpellée par le député LFI Ugo Bernalicis, qui dénonçait une "grave atteinte à la liberté de la presse", Nicole Belloubet s'est défendue d'avoir voulu "instrumentaliser la justice" ou de l'utiliser "à des fins personnelles".
La garde des Sceaux a affirmé que le site d'information avait refusé "dans un premier temps" de remettre aux magistrats du parquet de Paris les enregistrements sonores de la conversation révélée la semaine dernière par Mediapart, entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, avant de se raviser. "Comme la presse s'en est fait l'écho, les bandes sonores ont été remises à la justice, ce qui est une très bonne chose je crois", a estimé Nicole Belloubet.
Une affirmation contredite par la rédaction de Mediapart, qui a accusé la garde des Sceaux de "mentir devant l'Assemblée nationale". Selon les journalistes, Mediapart a accepté vendredi de remettre à la justice sept enregistrements sonores dans le cadre de l'enquête sur l'affaire du 1er mai, qui concerne directement Alexandre Benalla. En revanche, le journal a refusé de laisser les magistrats perquisitionner lundi matin dans le cadre de l'ouverture de la nouvelle enquête préliminaire par le parquet de Paris des chefs "d'atteinte à la vie privée et de détention illicite d'appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d'interception et de télécommunications ou de conversations".
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