RÉACTIONS - Les associations de défense des droits des femmes et des enfants ont observé avec amertume les débats autour du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes à l’Assemblée nationale. Après son adoption mercredi soir, elles expriment leur déception et leur colère.
"Ce texte n’est absolument pas la grande cause du quinquennat comme le défendaient avec beaucoup de communication Emmanuel Macron et Marlène Schiappa" a déclaré la députée UDI-Agir Sophie Auconie. La députée La France insoumise Clémentine Autain a elle qualifié le texte de "rendez-vous manqué". Le collectif féministe Groupe F a fustigé dans un communiqué un texte "pauvre" dont "l'impact sur nos vies sera minime, voire nul". Après l'adoption du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes à l'Assemblée nationale mercredi soir, les désillusions et les coups de colère seraient trop nombreux à lister ici.
Ce qui cristallise en très grande majorité l'indignation des associations est l'article 2, qui entend "faciliter" les condamnations pour viol après deux affaires où des fillettes de 11 ans avaient été considérées par la justice comme consentantes à des relations sexuelles avec des hommes majeurs. Il précise que "lorsque les faits sont commis sur un mineur de 15 ans", "la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes". Mais elle est loin de l’intention initiale d’instaurer une "présomption de non-consentement" qui impliquait que toute pénétration sur un mineur de moins de 15 ans était automatiquement considérée comme un viol.
"Rien n'a changé"
"En fait rien n'a changé, quoi qu'en dise le gouvernement. C'est une aberration, nous sommes revenus à la situation de départ" déclare à LCI Gilles Lazimi, médecin, coordinateur des campagnes contre les violences faites aux enfants de la Fondation pour l'enfance et membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. "Les juges ne tiennent pas compte de l'âge des victimes. L'exemple de Pontoise (un homme de 28 ans a été jugé pour une relation sexuelle avec une mineur de 11 ans, ndlr) est bien la preuve que les juges n'ont pas jugé la mineure comme non consentante. Pourtant par principe, un enfant de moins de quinze ans ne peut pas être consentant. Or aujourd'hui, un enfant doit prouver qu'il n'était pas consentant. On va continuer de les accabler dans des procès, en tentant de faire croire qu'ils étaient consentants. Il faudrait plutôt inverser la charge de la preuve."
Toujours auprès de LCI, la porte-parole d'Osez le féminisme Raphaëlle Rémy-Leleu, estime : "Face aux victimes nous ne sommes pas à la hauteur. Nous reculons même. Il est urgent de faire comprendre qu’une personne mineure de moins de 15 ans ne peut pas être consentante. Là, cela reste à l’appréciation du juge, mais dans notre société sexiste le juge est bien souvent un homme, plutôt âgé et pas forcément sensibilisé à ces questions. L’inconséquence du gouvernement en la matière est une forme de violence envers les femmes." Elle regrette également que le gouvernement ait élaboré ce texte sans faire appel à "l'expertise des associations" : "tout a été fait sans nous. La lutte contre les violences faites aux femmes a été déclaré grande cause du quinquennat, mais l’expertise des associations sur le sujet a été dénigrée."
Un faux problème d'anti-constitutionnalité ?
Pour le gouvernement, l'automaticité attendue par les associations de défense des droits des femmes et des enfants risquait d’être rejetée par le Conseil constitutionnel. "Il existe pleins d’outils pour rendre cela constitutionnel" rétorque auprès de LCI Raphaëlle Rémy-Leleu. "Les lois, ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui les fait mais les élus. Pourquoi on s'autocensure et on ne présente pas une loi pour régler le problème ? " ajoute Gilles Lazimi. Selon lui "le gouvernement ne voulait pas toucher à la présomption d'innocence des auteurs, quitte à léser les victimes."
A ce sujet, la sénatrice PS et ancienne ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol, a donné sa vision des choses dans une interview à franceinfo : "Le gouvernement s'en est tenu à beaucoup d'alertes qui avaient été faites, qui consistent à dire qu'en fin de compte, il faut faire attention à ne pas poursuivre des auteurs d'actes sexuels avec des enfants qui auraient pu se faire piéger. Vous savez ce sont ces fameuses Lolita, qui n'existent en fait que dans la littérature et d'ailleurs quand on parle de littérature, Lolita est une petite fille victime d'abus sexuels. Ce n'est pas une petite fille sexy. Et donc la peur, la crainte, de poursuivre des hommes qui se seraient fait manipulés par des enfants a été plus forte que la volonté de poser un interdit clair et précis et protecteur des enfants. Un enfant ne peut jamais être consentant dans une relation sexuelle avec un adulte parce qu'il n'a pas la capacité de mesurer ce qu'est l'enjeu d'une telle relation sexuelle."
Pour aller plus loin, puisqu'il n'est plus possible de revenir sur le texte, La Voix de l'enfant souhaiterait obliger les magistrats à consulter des psychiatres et pédopsychiatres avant de rendre leurs jugements. "Sur quels critères les magistrats vont-ils décider qu'il y a viol au regard de la capacité de discernement du mineur ? Nous demandons une circulaire à la Garde des Sceaux Nicole Belloubet pour les obliger à consulter des psychiatres et pédopsychiatres à ce sujet" explique à LCI Martine Brousse, la présidente de l'association. "On ne demande pas aux spécialistes de la psychologie des enfants de rendre la justice" a-t-elle ajouté.
Quelques avancées ont toutefois été saluées, comme l'allongement du délai de prescription de certains crimes lorsqu'ils sont commis à l'encontre de mineurs ou la pénalisation du harcèlement de rue et de l'outrage sexiste.
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