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Des parlementaires souhaitent interdire les grèves pendant les vacances : est-ce possible ?

Publié le 2 février 2023 à 19h09, mis à jour le 7 février 2023 à 10h57
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

La députée non-inscrite de Vendée Véronique Besse propose d'interdire les grèves pendant les vacances scolaires, et une dizaine de sénateurs LR déposeront aussi une proposition de loi en ce sens.
Le gouvernement réfléchit également à se rapprocher du modèle italien, qui les interdit la veille de certaines fêtes comme Noël.
Mais en France, serait-il possible d'en arriver là ?

"Toute grève est interdite dans le secteur des transports les veilles de vacances scolaires, durant les vacances scolaires et les jours fériés." Voilà ce que propose d'inscrire dans la loi la députée non-inscrite de Vendée Véronique Besse. "Cette proposition de loi permettrait d'apporter à tous les voyageurs des garanties afin qu'ils soient certains de pouvoir jouir d'un droit fondamental : celui de voyager", explique la députée, qui entend bien interdire toute grève pendant les vacances et non pas renforcer le service minimum. Aussi, une dizaine de sénateurs LR ont annoncé dimanche 5 février une proposition de loi "pour interdire la grève dans les transports les jours fériés et lors des départs et retours de vacances", évoquant "la gréviculture française". Mais est-ce possible ?

En France, le droit de grève est protégé par le préambule de la Constitution, mais il n'est pas accordé à certains agents publics comme les militaires, les policiers, les agents pénitentiaires ou les magistrats. D'autres bénéficient d’un droit de grève limité et doivent assurer un service minimum, c'est le cas des agents publics des transports collectifs, visés par la proposition de la loi de Véronique Besse. 

Toutefois, il est possible pour le pouvoir exécutif de décider de limiter le droit de grève, au nom de l'article L1111-2 du code de la défense, qui autorise la mobilisation générale de tout ou une partie de la population "en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population". Il peut aussi être limité si l'intérêt général à interdire la grève est démontré. C'est là toute la difficulté, selon le chargé de recherche au CNRS en droit social et membre du collectif des Surligneurs Pascal Caillaud, interrogé avant que les sénateurs LR ne fassent part de leur intention.

Une proposition de loi "trop disproportionnée par rapport à l'intérêt général"

"La proposition de madame Besse, telle quelle, ne peut pas passer constitutionnellement", estime-t-il auprès de TF1info. "Elle est trop disproportionnée par rapport à l'intérêt général", ajoute-t-il, constatant qu'elle engloberait selon ses calculs "20 semaines de vacances scolaires et 11 jours fériés. Interdire le droit de grève sur presque la moitié de l'année me semble disproportionné". Aussi, "la question des vacances part d'un présupposé que tout le monde a des enfants. Cela me paraît difficile à mettre en avant pour limiter le droit de grève d'agents publics", complète Pascal Caillaud. 

"Est-ce que les vacances scolaires de ceux qui ont des enfants ou ceux dont les grands-parents sont encore vivants, c'est de l'intérêt général ? Personnellement, je ne suis pas sûr que cela puisse être considéré comme tel. D'autant que tout le monde ne prend pas les transports collectifs pour se retrouver", argumente-t-il. "Cela voudrait dire que les gens qui partent hors saison et qui n'ont pas d'enfants ne seraient pas couverts par cette protection." Selon lui, la proposition de la députée aurait eu plus de chances d'avoir une issue positive si elle proposait un aménagement du droit de grève ou du service minimum. 

Aménager le service minimum ?

C'est l'une des solutions étudiées par le gouvernement. Le 22 décembre dernier, alors qu'une grève à la SNCF allait empêcher des centaines de milliers de Français d'avoir un train pour rentrer chez eux pour les fêtes, le porte-parole du gouvernement avait indiqué à l'issue d'un conseil des ministres que le président de la République avait "évoqué la nécessité, pour l'avenir, de tenir compte de ce nouveau type de mouvements de grève qui échappe au dialogue social et qui impacte durement la permanence d'accès à un service public". "Le président a invité la Première ministre et le gouvernement à réfléchir à la mise en place d'un cadre pour assurer la continuité des services publics en toutes circonstances", avait ajouté Olivier Véran.

Il y a quelques jours, le ministre des Transports Clément Beaune a confirmé sur franceinfo qu'il faudrait peut-être "avoir des délais d'anticipation un peu plus grands" ou "pouvoir mobiliser des personnes au sein des entreprises qui sont capables de réaliser le métier des personnes en grève afin de limiter l'impact sur les usagers", c'est-à-dire revenir sur les modalités du service minimum. Aujourd'hui, la loi de 2007 prévoit qu’un niveau de service minimum peut être instauré en cas de grève touchant les trains, les métros et les bus, et le dépôt d'un préavis de grève doit être déposé 48 heures à l'avance. "Augmenter le nombre de jours de préavis pour permettre à l'entreprise de bien s'organiser ou organiser des réquisitions, c'est un autre débat, ce n'est pas la même dimension que l'interdiction", constate Pascal Caillaud.

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Mais le ministre a également évoqué des "périodes préservées" comme en Italie, qui interdit par exemple aux employés des réseaux de transports de faire grève pendant la période des fêtes de Noël, ou encore à Pâques. Le chercheur au CNRS y voit une autre difficulté : le caractère religieux des dates qui pourraient être choisies. "Je ne sais pas comment est rédigée la Constitution italienne, mais les jours choisis en Italie présentent un caractère religieux, et seraient plus difficiles à faire accepter en France. Je ne vois pas comment le choix lié à certaines fêtes auxquelles on donnerait un caractère de rassemblement de famille pourrait passer."

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Justine FAURE

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