Une conversation captée il y a plusieurs années est exhumée en ligne pour tenter de montrer une connivence entre le député LFI François Ruffin et Emmanuel Macron.On entend les deux hommes évoquer une stratégie commune pour médiatiser la situation des ouvriers de l'entreprise Ecopla.Cette séquence est présentée de manière réductrice et trompeuse, notamment par François Asselineau.
À l'orée du second tour, les représentants de la France insoumise se sont-ils ralliés au camp Macron ? Le président fondateur de l'Union populaire républicaine (UPR) l'assure. François Asselineau relaie en effet via son compte Twitter une vidéo de l'avocat Juan Branco, prouvant à ses yeux "la connivence secrète LFI-Macron". Une séquence "qui a déjà 3 ans où l'on entend Ruffin (LFI) négocier secrètement et directement avec Macron une fausse manif et une fausse colère", résume l'ancien candidat à la présidentielle. Et de mettre en garde : "Mélenchon et Ruffin roulent pour Macron", lance-t-il, accompagnant son message d'un émoji représentant un personnage qui vomit.
🤮 LA CONNIVENCE SECRÈTE LFI-MACRON Les électeurs de LFI doivent visionner cette vidéo qui a déjà 3 ans où l'on entend Ruffin (LFI) négocier secrètement et directement avec Macron une fausse manif et une fausse colère. ⚠️ MÉLENCHON ET RUFFIN ROULENT POUR MACRON. #ToutsaufMacron https://t.co/6pDN8ksOuQ — François Asselineau (@UPR_Asselineau) April 17, 2022
Une séquence qui remonte à 2016
Juan Branco, lorsqu'il se filme dans cette vidéo de 2019, utilise un document d'archives et dénonce une manœuvre politique de François Ruffin. Ce dernier, dixit l'avocat, aurait mis en scène un duel avec Emmanuel Macron en instrumentalisant la situation des ouvriers d'Ecopla en Isère, mobilisés contre la fermeture de leur usine. La séquence à l'origine de ces accusations implique en 2016 l'actuel député LFI et le chef de l'État, alors candidat à l'élection présidentielle. "Moi, je pense que si on réfléchit stratégie, il faut que vous soyez vivement interpellé, et publiquement, par les salariés d'Ecopla, ça fera un épisode", suggère notamment François Ruffin dans ce document audio.
À cela, Emmanuel Macron répond positivement : "Un : on échange sur le dossier. Deux : on vous tient au courant des avancées. Trois : vous, vous m'interpellez publiquement. Quatre : dans la foulée, on cale ensemble une date de déplacement. Le 5 octobre, ou courant fin septembre, et on voit comment on la communique ensemble." Les deux parties conviennent alors que François Ruffin sortira de cet échange en affichant auprès des médias présents une apparente contrariété.
A-t-on ici les preuves d'un "bidonnage", prouvant les arrangements et la complicité des deux hommes ? En réalité, cette séquence a déjà été dénoncée à de multiples reprises au cours des dernières années, présentée de manière trompeuse et faisant passer les salariés d'Ecopla pour les instruments d'un arrangement politicien. Avant tout, il faut souligner que la captation de cet échange remonte à septembre 2016, au QG de campagne d'Emmanuel Macron. François Ruffin n'est alors pas député, pas plus qu'il ne s'exprime en tant que soutien de la France insoumise. C'est en tant que journaliste qu'il se déplace, une entrevue à laquelle il n'est d'ailleurs pas le seul à prendre part.
À ses côtés, des salariés d'Ecopla sont en effet présents, tout comme un journaliste de Radio Nova. C'est d'ailleurs sur les ondes de la station qu'a été dévoilé initialement l'extrait à l'origine de cette polémique. Cette entrevue auprès du futur président de la République, l'élu LFI l'a depuis évoquée à plusieurs reprises, livrant un éclairage pour le moins différents sur l'épisode.
Profiter des projecteurs braqués sur Emmanuel Macron
En 2016, François Ruffin tentait d'alerter par l'intermédiaire de son journal Fakir sur la situation des ouvriers de l'usine Iséroise. Des hommes et des femmes à qui il conseille de se rendre à Paris pour plaider leur cause. Un déplacement de plusieurs jours est finalement organisé, prévoyant notamment un passage par les sièges de campagne des différent(e)s candidat(e)s à la présidentielle. Dont celui d'Emmanuel Macron, qui accepte de recevoir les représentants d'Ecopla et de Fakir.
Comment expliquer l'échange rapporté par Juan Branco et qui circule largement sur les réseaux sociaux ? "La minute qu’on entend dans la vidéo, sur 2h de réunion, c’est parce qu’avec les salariés, on exige qu’il admette publiquement sa faute, pas qu’en privé, pour que les médias s’y intéressent.", rapportera François Ruffin. Cette version des faits a d'ailleurs été confirmée par des anciens membres d'Ecopla, présents ce jour-là. "Nous avons déballé notre sac à l’ancien ministre. Macron s’est excusé, comme quoi il avait « merdé » sur le dossier, que c’était sa « responsabilité ». C’est là que François est intervenu : « Faut pas le dire à huis clos, ça, mais sur la place publique »", ont-ils rapporté. Par ailleurs, "il n’y avait aucun « accord secret entre Ruffin et Macron ». Cette rencontre ne s’est pas déroulée « dans notre dos »", ont-ils pris soin d'ajouter.
"J'avais une carte Macron à jouer, je l'ai jouée. Et j'ai d'ailleurs joué d'autres cartes avec d'autres candidats à la présidentielle au même moment", assurait en 2019 François Ruffin, assumant déjà à l'époque de faire du candidat Macron "la clef du dossier" : il est "en pleine lumière donc il faut lui bouffer un peu de sa lumière pour les faire exister", glissait l'élu LFI pour expliciter sa stratégie.
En résumé, il est trompeur d'évoquer comme le fait François Asselineau une forme d'alliance entre la France insoumise et Emmanuel Macron, sur la seule base d'une rencontre datant de 2016. François Ruffin, à l'époque simple journaliste, avait tenté de mobiliser les différents candidats à l'élection présidentielle et pensait que le représentant d'En Marche! pourrait contribuer à sauver les salariés d'Ecopla dont l'usine était menacée. Des ouvriers licenciés depuis et qui ont publiquement pris position pour défendre le député, réfutant en bloc les accusations d'instrumentalisation qui lui étaient adressées.
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