Si elle n'est pas autonome, la Corse dispose toutefois d'un statut particulier, qui comprend plusieurs exceptions fiscales, dont des réductions de taxes.Des mesures destinées à soulager les habitants, confrontés à des prix plus élevés que sur le continent.
Le gouvernement se dit "prêt à aller jusqu’à l’automonie" de l’île de Beauté : c’est ce qu’a annoncé mardi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans les colonnes du quotidien régional Corse-Matin. Une perspective envisagée après plusieurs jours de protestations en Corse, suite à l’agression violente en prison le 2 mars dernier d’Yvan Colonna, indépendantiste condamné pour l'assassinat du préfet de l'île Claude Erignac en 1998.
Si elle n’est pas autonome pour l'heure, la Corse est déjà une collectivité à statut particulier, puisqu’elle n’est pas une région à proprement parler et cumule différentes spécificités. À titre d’exemple, l'exécutif local et l’Assemblée de Corse ont des pouvoirs similaires à ceux d’une région, mais avec la possibilité en plus de demander à l’État d’adapter les lois nationales aux particularités de l’île.
Parmi ces particularités locales figure aussi la fiscalité. Par exemple, les vins consommés sur l’île ne sont pas taxés. Celle-ci bénéficie aussi de taux de TVA réduits : le taux normal de 20% sur le continent est abaissé en Corse à 13% pour les produits pétroliers, 10% pour certains travaux immobiliers, des logements meublés et la vente d’électricité, liste le ministère de l’Économie sur son site. Certains aliments et boissons bénéficient aussi d’une taxe allégée, et même d’autres produits plus surprenants, comme les billets d’entrée pour les premières représentations de certains spectacles.
"Rééquilibrer un peu cette perte de pouvoir d'achat"
L’objectif de telles dérogations est de compenser les coûts de la vie, plus élevés en Corse que sur le continent. "Vivre sur une île est particulièrement coûteux. Les produits sont chers, donc il est normal que pour rééquilibrer un peu cette perte de pouvoir d’achat, les Corses puissent bénéficier d’une TVA réduite", explique dans le reportage du 13H de TF1 en tête de cet article maître Marie-Paule Dionisi-Naudin, avocate-fiscaliste qui exerce à Bastia.
Pour encourager les entrepreneurs à dynamiser l’économie corse, l’État permet aussi depuis 2002 aux petites et moyennes entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt, à hauteur de 20% du prix de revient de leurs investissements sur l’île, pour des équipements qui doivent être exploités au moins cinq ans.
La Corse bénéficie par ailleurs d’un autre avantage, cette fois sur les droits de succession : cette tradition née il y a deux siècles offrait aux habitants une exonération totale. Depuis 2002, le dispositif s’est durci, mais seuls 50% de la valeur des biens sont taxés. Cette exception, jugée inconstitutionnelle, devrait disparaître en 2028, après avoir été reconduite pour dix ans en 2018. "Au départ, cet avantage servait à compenser les terrains qui avaient été pris aux Corses, il y avait un vrai dédommagement", relève maître Marie-Paule Dionisi-Naudin.
Malgré ces avantages, la Corse reste la région la plus pauvre de France métropolitaine, selon les dernières données de l’Insee : 18,5% de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Un enfant sur quatre vit dans une famille pauvre, et les retraités sont les plus touchés par cette précarité. Et malgré la réduction fiscale sur l’essence, les prix à la pompe ont aussi franchi la barre symbolique des deux euros dans de nombreuses stations corses ces derniers jours.
La Cour des comptes estimait pourtant dans un rapport de 2016 que plusieurs dérogations fiscales dont bénéficie l’île de Beauté étaient désormais "obsolètes", voire "dépourvues de bases légales" pour certaines. Elle chiffrait à 78 millions d'euros le coût de ces avantages fiscaux, et étrillait aussi une série de "défaillances" dans le contrôle fiscal et le recouvrement de l’impôt sur l’île. Quant aux partisans de l’autonomie corse, ils jugent le statut actuel insuffisant. Ces derniers voudraient que leur île, contrairement à aujourd’hui, puisse adopter ses propres lois.