"Je n'y comprends rien" : on vous explique l'annonce d'Elisabeth Borne sur les carrières longues

par Maëlane LOAËC (avec AFP) | Reportage TF1 Sehla Bougriou, Alisson Tassin
Publié le 15 février 2023 à 18h36

Source : JT 13h Semaine

Le dispositif prévu par la réforme des retraites pour ceux qui ont commencé à travailler tôt va évoluer, a annoncé mardi Elisabeth Borne.
La durée de cotisation pour les carrières longues ne devra pas dépasser 43 annuités, contre 44 dans certains cas dans la version initiale du texte.
Mais en l'état, la promesse n'est pas garantie pour tous ceux qui ont débuté avant 21 ans.

Déjà délicat, le dossier des retraites se complique davantage encore : mardi soir, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé une nouvelle mesure concernant les carrières longues. Le dispositif, qui concerne un départ sur cinq à la retraite, permet à ceux entrés dans le monde professionnel plus tôt de cesser de travailler avant les autres. 

Finalement, le projet de réforme des retraites prévoit de limiter à 43 annuités la durée de cotisation des salariés ayant débuté avant 21 ans, a concédé mardi la cheffe du gouvernement. Mais pour l'heure, le texte laisse entendre que certains devront tout de même cotiser 44 ans. "Je n'y comprends rien", lâche un passant dans le reportage du 13H en tête d'article. Voici ce qu'il faut savoir pour déchiffrer cette annonce.

En quoi consiste le dispositif carrières longues ?

La réforme des retraites prévoit de décaler l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, tandis que la durée de cotisation pour percevoir d'une pension à taux plein sera portée à 43 annuités d'ici à 2027. Mais certaines personnes qui ont commencé à travailler tôt pourront toujours bénéficier d'un départ anticipé, dans le cadre du dispositif des carrières longues

Dans le système actuel, ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans peuvent prétendre à un départ dès 60 ans (58 ans s'ils ont débuté avant 16 ans), mais à deux conditions : avoir acquis un nombre minimum de trimestres en début de carrière, et d'avoir cotisé un nombre minimum de trimestres au total. Cette durée de cotisation minimale est comprise entre 42 ans et 44 ans et neuf mois, en fonction de l'âge de naissance du salarié et de l'âge auquel il souhaite partir à la retraite, comme l'indique le site du service public.

Que prévoit finalement la réforme ?

La première mouture du projet de loi sur les retraites du gouvernement prévoyait que certains salariés en carrière longue devaient cotiser 44 ans, notamment ceux qui ont eu leur premier emploi entre 16 ans et 18 ans, soit un an de plus que les autres travailleurs. Mais "aucune personne ayant commencé à travailler tôt" ne devait aller au-delà. Par ailleurs, Matignon a ensuite annoncé qu'il acceptait d'élargir le dispositif à ceux qui ont débuté entre 20 et 21 ans, à la demande des Républicains.

Finalement, cette durée de cotisation a été abaissée à 43 ans : "la réforme ne prévoit pas, pour les carrières longues, de durée de cotisation supérieure à 43 ans", a affirmé Elisabeth Borne mardi face aux députés. À deux conditions toutefois, "dès lors qu'est atteint l'âge de départ anticipé" et après "avoir travaillé 4 ou 5 trimestres avant un certain âge", en début de carrière, a-t-elle rappelé. 

"Certains d'entre eux devaient travailler 44 ans. Aujourd'hui, c'est 43 ans. Ça résout la petite injustice pour un certain nombre de citoyens", défend ainsi Bruno Fuchs, député MoDem du Haut-Rhin et porte-parole du parti, dans le reportage de TF1. Une mesure exigée depuis des semaines par la droite. 

Pourquoi des questions restent-elles en suspens ?

Mais aucune précision supplémentaire n'a été apportée pour le moment. Or, si le projet de réforme reste comme tel, certains salariés concernés par le dispositif devront toujours cotiser 44 ans, même s'ils seront moins nombreux. Comme le texte prévoit des départs anticipés par paliers de deux ans, certaines générations doivent cotiser une année de plus que celles qui les suivent. 

En effet, le texte veut par exemple permettre à ceux qui ont commencé à travailler à 16 ou 17 ans de partir à 60 ans, soit quatre ans avant le nouvel âge légal de 64 ans. Ce qui signifie que ceux qui ont débuté à 16 ans devront cumuler 44 annuités, contre 43 pour ceux ayant débuté à 17 ans. "C'est incohérent, les mois travaillés entre les 16 et les 17 ans ne comptent pas, voire rajoutent une année", déplore une passante dans le reportage. 

Idem sur la tranche d'âge 18-20 ans : tous pourront partir à compter de 62 ans (deux ans plus tôt que les autres), mais ceux qui ont débuté à 18 ans devront cotiser 44 annuités, contre 43 pour ceux qui se sont lancés à 19 ans. En revanche, ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans pourront bénéficier de la retraite dès 63 ans, donc au bout de 43 annuités. 

L'opposition n'a pas tardé à monter au créneau, pour demander à dissiper ce flou. "Il faut que la Première ministre nous dise clairement les choses : est-ce que ça concerne tout le monde, ou est-ce qu'elle a l'intention de donner un peu sur un âge et pas sur l'autre ? Maintenant, cela suffit", tempête dans le reportage de TF1 Aurélien Pradié, député LR du Lot en pointe sur ce sujet. Mardi, le ministre du Travail Olivier Dussopt lui a répondu que les durées de cotisations requises pour les carrières longues "relèvent du décret", et non de la loi. "Chaque groupe politique le souhaitant sera associé à la rédaction du décret", a-t-il promis, sans davantage de précisions. 


Maëlane LOAËC (avec AFP) | Reportage TF1 Sehla Bougriou, Alisson Tassin

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