Pourquoi le congé menstruel ne fait pas l'unanimité chez les féministes ?

Publié le 11 mai 2023 à 14h55

Source : TF1 Info

Le Parti socialiste a déposé mardi une proposition de loi pour instaurer un congé menstruel dans les entreprises, déjà mis en place à la marge dans des sociétés ou des collectivités.
Mais ce dernier ne fait pas l'unanimité chez les féministes, dont certaines craignent les discriminations à l'embauche, le renforcement des inégalités salariales ou le non-respect du secret médical.

A gauche, ça se bouscule pour mettre le sujet à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Alors que les écologistes y réfléchissent, les socialistes ont indiqué mardi avoir sauté le pas et déposé une proposition de loi pour la création d'un congé menstruel. Ils proposent la possibilité pour un médecin ou un gynécologue de prescrire un arrêt maladie de treize jours maximum valable un an, pour une durée ne pouvant pas excéder deux jours par mois, pour l'ensemble des salariées souffrant de menstruations incapacitantes.

Le parti socialiste avait indiqué fin décembre avoir mis en place un tel congé pour les salariées de son siège, la mairie de Saint-Ouen a fait de même au mois de mars, et la ville de Paris dit y réfléchir. Depuis la fin de l'année dernière, le congé menstruel a été généralisé à toute l'Espagne, premier pays européen à instaurer un tel droit pour les femmes, même s'il ne précise pas la durée de l'arrêt maladie que peuvent accorder les médecins.

Elisabeth Borne avait assuré le 27 avril dernier que le gouvernement était "en train de regarder le dispositif" pour imiter l'Espagne et voir "comment on peut encourager, faciliter effectivement l'engagement des entreprises".

Un congé qui pose "plusieurs problèmes" pour Sophie Binet

Mais contrairement aux apparences, le congé menstruel ne fait pas l'unanimité, notamment chez les femmes et les féministes. Le 30 avril dernier sur France 3, après les déclarations de la Première ministre, la nouvelle secrétaire générale de la CGT Sophie Binet estimait que cela soulevait "plusieurs problèmes". "D'abord le respect du secret médical vis-à-vis de l'employeur, puisqu'il saurait immédiatement que telle salariée a ses règles et qu'elles sont douloureuses. Ce sont quand même des questions intimes que l'employeur n'a pas à connaître."

Aussi, "ça pourrait conduire à une sorte de stigmatisation des femmes", avait ajouté la syndicaliste. Elle propose plutôt une meilleure formation des médecins pour "les prescriptions médicales pour les femmes" et la suppression des jours de carence "puisqu'aujourd'hui en cas d'arrêt maladie, on a entre un et trois jours de carence où on n'est pas payé pour les arrêts maladie. Et le problème, c'est que les règles douloureuses, c'est jamais plus de trois jours d'arrêt. Donc systématiquement, ça va être des jours non payés".

L'association Osez le féminisme estime également qu'il s'agit d'une fausse bonne idée : elle pointe du doigt des risques de discrimination à l'embauche, de harcèlement des femmes dans les entreprises, et d'un abandon de la recherche médicale contre des maladies comme l'endométriose. "C'est à la société de mieux prendre en charge les femmes, investir dans la recherche pour faire cesser ces douleurs et pas juste dire aux femmes : 'Ok, ce n'est pas grave, vous pouvez être pliées en deux, mais restez chez vous'", avait argumenté Fabienne El Khoury, porte-parole de l'association le 17 avril dernier sur franceinfo.

D'abord briser le tabou des règles

"Commençons par mettre des protections hygiéniques dans les toilettes des entreprises pour que les hommes s'habituent à les avoir sous leurs yeux. Cela permettrait de banaliser le sujet et les femmes s'autoriseraient davantage à appeler leur manager pour leur dire 'J'ai trop mal au ventre je ne peux pas venir'", a estimé auprès du Figaro Corinne Hirsch, vice-présidente du Laboratoire de l'égalité. Sans banaliser les règles, peu de femmes prendront ce congé selon elle. Elle alerte contre un risque de renforcement des inégalités salariales. "Des enquêtes montrent que les femmes qui n'ont pas d'enfants présentent les mêmes écarts de salaire avec les hommes que celles qui en ont. Pourquoi en serait-il autrement entre les femmes qui prendront le congé menstruel et celles qui ne le prendront pas ?"

Même l'association de lutte contre l'endométriose EndoFrance estime que le congé menstruel n'est pas la priorité. "Il y a tellement de formes d'endométriose qu'il faudrait du sur-mesure. Toutes les entreprises devraient connaître l'endométriose et agir en conséquence, pas forcément avec un congé mais avec des salles de repos, des bouillottes...", a estimé sa présidente Yasmine Candau auprès de BFMTV. Le gouvernement a lancé en janvier une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, avec un programme de recherche doté de plusieurs millions d'euros.


Justine FAURE

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