Droite et extrême droite rivalisent de propositions pour sanctionner les participants aux violences urbaines et leurs familles.Parmi les solutions mises sur la table : déchéance de nationalité, abaissement de la majorité pénale à 16 ans ou suppression des allocations familiales.Mais, ces mesures sont-elles réellement applicables ?
"Il faudrait qu'à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles", a affirmé Emmanuel Macron lundi soir, après avoir appelé les parents à la "responsabilité" face aux violences urbaines et au constat qu'elles étaient le fait de beaucoup de jeunes, voire de mineurs.
Si l'exécutif semble vouloir durcir son arsenal législatif pour punir les participants aux violences et leurs parents, il n'a pas encore expliqué comment. Mais, à droite et à l'extrême droite de l'échiquier politique, plusieurs solutions ont été formulées.
S'attaquer aux allocations familiales
Une vieille proposition est revenue sur le devant de la scène : supprimer les allocations familiales. Le président des Républicains Eric Ciotti a annoncé mardi le dépôt d'une proposition de loi reprenant sa propre loi votée en 2010 - et abrogée en 2013 par François Hollande - pour restreindre ou supprimer les allocations familiales aux parents d'élèves absentéistes. Cette fois-ci, le député des Alpes-Maritimes souhaite étendre son cadre.
Le texte prévoit que lorsque des condamnations et décisions de justice imposent des "obligations ou des interdictions à un enfant mineur", celles-ci doivent être "signifiées aux titulaires de l’autorité parentale". Un "contrat (...) entre la justice et les parents" obligerait ces derniers à s'assurer que le mineur respecte ces décisions, sous peine de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. En cas "de refus manifeste" de respecter ce contrat, le juge pourrait demander une suspension de la part des allocations correspondant au mineur.
Cette proposition est également reprise par le Rassemblement National, qui veut la déclencher en cas de récidive. Dimanche, le président du parti Jordan Bardella a appelé à "supprimer les allocations familiales aux parents de mineurs multirécidivistes lorsque des carences éducatives sont avérées".
Est-ce possible ? Rebondissant sur une proposition similaire formulée par Eric Zemmour en 2020, le collectif spécialisé en legal-checking Les Surligneurs juge que non. Rappelant que "nul n’est punissable que de son propre fait", il estime qu'il est impossible de punir des personnes pour des faits qu’elles n’ont pas commis. "Il s’agirait de punir des personnes pour des faits qu’elles n’ont pas commis, donc de condamner des innocents ce qui est contraire à l’un des principes fondamentaux du droit pénal qu’est la responsabilité du seul fait personnel", lit-on dans l'article dédié.
Aussi, le bilan chiffré de la loi Ciotti sur les élèves absentéistes est mitigé : si 79.000 signalements ont été transmis, seulement 619 familles ont été sanctionnées, et 142 ont pu obtenir à nouveau leurs allocations après un changement de comportement de l’enfant.
Abaisser la majorité pénale
Une autre mesure revient souvent : abaisser la majorité pénale de 18 à 16 ans. Ce mercredi sur RTL, la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse a reformulé cette proposition qui se trouvait déjà dans son projet présidentiel en 2022. Les représentants des Républicains la réclament également, tout comme le Rassemblement national.
Mais, mettre en place une telle mesure, est-ce possible ? "Cette proposition serait compliquée à mettre en œuvre au vu de la jurisprudence constitutionnelle et du droit international, d’autant que la justice pénale permet d’ores et déjà de condamner les mineurs, au même titre que les adultes", lit-on sur le site des Surligneurs. L'autrice de l'article explique que la France a ratifié la Convention internationale de 1989 relative aux droits de l’enfant qui entend le mot enfant comme "tout être humain âgé de moins de 18 ans" et oblige à bénéficier de juridictions pénales spécialisées pour les mineurs. Aussi, pour "supprimer la spécialisation des juridictions pour les personnes dès 16 ans, il faudrait donc d’abord abaisser l’âge de la majorité civile en France par une loi".
L'article rappelle également que le système pénal actuel permet de lever l’excuse de minorité et la comparution devant une juridiction spécialisée pour les mineurs, dès 16 ans, selon la gravité des délits et des crimes. Cette mesure ne changerait donc pas grand-chose.
Questionner la nationalité
Les Républicains et le Rassemblement national n'hésitent pas à lier violences urbaines et immigration, et à proposer des mesures pour limiter l'accès à la nationalité. Pourtant, mardi, lors des Questions au gouvernement, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a assuré que les violences étaient le fait de Français, indiquant que "moins de 10% des interpellés était étrangers" et "90% Français".
"Il est hors de question que le droit du sol (...) s'applique pour ceux qui auront été condamnés dans ces émeutes", a pourtant demandé Eric Ciotti (LR), appelant aussi à une "déchéance de nationalité" pour les bi-nationaux "condamnés" en marge des émeutes. Ce mercredi, Jordan Bardella (RN) a dit vouloir expulser "les émeutiers étrangers" et revoir les critères d'attribution de la nationalité française, évoquant lui aussi la suppression du droit du sol.
Mais, revoir les conditions de déchéance de la nationalité imposerait de passer par une révision constitutionnelle, et donc de convoquer le Parlement réunit en Congrès. Aujourd'hui, la déchéance de nationalité ne peut être décidée que dans de rares cas, par exemple avoir été condamné pour un crime ou un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, et seulement si la personne condamnée a acquis la nationalité française par naturalisation ou déclaration de mariage. François Hollande avait souhaité étendre la déchéance de la nationalité française aux binationaux nés français, mais avait fini par renoncer face aux difficultés à trouver un consensus politique.
Instaurer des peines plancher automatiques
Dans un texte reprenant l'idée d'abaisser la majorité pénale à 16 ans ou de "retirer toute prestation familiale et tout droit à un logement social" aux personnes ayant la charge d'un enfant "qui aurait été reconnu coupable d'un crime et d'un délit", des sénateurs LR proposent également d'instaurer des peines planchers automatiques de prison ferme pour tous les agresseurs de policiers, élus et représentants de l’État. Cela faisait partie du programme de Valérie Pécresse à la dernière élection présidentielle, et avait été analysé par Les Surligneurs.
Dans l'article dédié, le collectif assurait que cela était impossible, l'automaticité d'une peine étant contraire au principe d’individualisation des peines découlant de la Constitution. "Le principe d’individualisation ne s’oppose pas (...) à l’existence d’une peine minimale (...). En revanche, il impose le respect d’une marge d’appréciation du juge", impossible avec l'automaticité, écrivait l'auteur. Là encore, cette mesure ne serait donc pas applicable.