Vote contre l'état d'urgence : "Une décision très difficile à prendre"

Publié le 19 novembre 2015 à 20h21
Vote contre l'état d'urgence : "Une décision très difficile à prendre"

INTERVIEW - La députée PS Barbara Romagnan fait partie des six députés – deux autres socialistes, trois écologistes – qui ont voté jeudi contre le projet de loi prolongeant l'état d'urgence et et renforçant ce régime d'exception. Elle répond aux questions de metronews.

Vous êtes l'une des très rares à avoir dit non à la prolongation de l'état d'urgence voulue par François Hollande. Pourquoi ce choix ?
Parce qu'on dispose déjà des moyens pour répondre à la situation. Si on peut éventuellement concevoir une mise entre parenthèses de l'état de droit pendant une période donnée, encore faut-il que ce soit utile. Là, je ne crois pas que ce soit le cas : dans la mesure où une enquête pénale est ouverte sur les attentats, les policiers et magistrats ont déjà les outils nécessaires à leur travail.

Sans l'état d'urgence, il n'aurait pas été possible de faire toutes les perquisitions administratives qui ont eu lieu partout en France ces derniers jours...
En tout cas, il était possible de faire des perquisitions dans le cadre de l'enquête. Ce qui l'autorise, c'est le code de procédure pénale, pas le fait qu'il y ait l'état d'urgence. De même pour les perquisitions de nuit : contrairement à ce qu'a dit le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll, c'est un article du code pénal qui les rend possibles, pas l'état d'urgence ( il s'agit de l'article  706-24-1 du code de procédure pénale , ndlr). Je trouve donc paradoxal qu'on lie nos libertés, qui sont justement ce qui est attaqué aujourd'hui, sans gains réels pour mener l'enquête ou la lutte contre le terrorisme.

"Je voudrais avoir fait un choix juste"

Concrètement, en quoi l'état d'urgence menace-t-il, selon vous, les libertés individuelles ?
C'est la question inverse que l'on doit se poser : pourquoi mettre en place l'état d'urgence s'il n'apporte rien de substantiel dans le cadre des enquêtes que l'on doit mener ? Je ne le conteste pas par principe. Il était évidemment indispensable au moment de son déclenchement. Mais l'état d'urgence, c'est une mise entre parenthèses d'un certain nombre de règles de l'état de droit.

Par exemple ?
Le fait que l'on puisse mettre en cause des gens sans réel motif, que ce soit le gouvernement, par le biais du Premier ministre, et non des juges, qui prenne des décisions, pose dans l'absolu un problème. Sauf à ce qu'on m'explique en quoi c'est vraiment un gain dans le cadre de l'enquête. J'ai d'ailleurs un peu peur qu'en élargissant de façon aussi systématique et importante le spectre des personnes surveillées et susceptibles d'être interpellées, on prenne le risque de disperser nos capacités à prévenir les attaques : les moyens humains ne sont pas extensibles à l'infini.

En sortant ainsi des rangs de la majorité dans une telle période, ne craignez-vous pas des sanctions ?
Franchement, je ne me pose pas cette question. Je voudrais avoir fait un choix juste, mais je ne suis pas sûre d'avoir raison : c'est une décision très difficile à prendre, extrêmement sérieuse. Je me doute aussi qu'un certain nombre de mes concitoyens ont du mal à la comprendre. Je vais m'évertuer à l'expliquer.

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La rédaction de TF1info

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