Derrière les ronds verts qui fleurissent au bord des routes françaises, un groupe complotiste

Publié le 8 juillet 2020 à 19h22
Des "ronds verts" ont été ont été tagués en France, ici à Paris, le 8 juillet 2020
Des "ronds verts" ont été ont été tagués en France, ici à Paris, le 8 juillet 2020 - Source : LCI / Felicia Sideris

EXPLICATIONS - Les ronds verts qui sont apparus un peu partout en France depuis le 26 juin, notamment dans l'ouest, ne sont pas si anodins. Derrière ces formes "mystérieuses" au bord des routes se cache un groupe opaque et complotiste.

Ils ne portent aucun message mais se distinguent facilement sur les routes françaises. A l'appel d'un homme proche du milieu complotiste, des ronds verts, parfois fluos, sont apparus dans plusieurs régions en France depuis le 26 juin dernier, et tout particulièrement dans l'ouest du pays. Derrière ces formes, l'appel d'un certain Éric-Régis Fiorile, leader autoproclamé du groupe "Conseil national de transition". 

Une "opération" pour plus de visibilité

Tandis que certains pensaient y voir un acte écologiste, d'autres se sont interrogés sur la signification de ces cercles. Rapidement, la presse locale s'est fait l'écho de ce questionnement. La Dépêche du Midi s'interrogeait ainsi vendredi sur "qui se cache derrière les ronds verts", tandis que France Bleu évoquait de "mystérieux ronds". 

En fait, la multiplication de ces ronds fait suite à de nombreux appels sur les réseaux sociaux lancés par Éric-Régis Fiorile. Dès le 26 juin sur Facebook, ce dernier a proposé à son millier d'abonnés d'apposer ces formes "dans toute la France", afin d'établir "la 'souveraineté du et des peuples' sur les politiciens". Se présentant comme "leader de la résistance française", il révèle plus précisément cette "opération" dans une vidéo publiée sur YouTube le 29 juin. Vue 7700 fois, elle explique que l'objectif est principalement de donner une visibilité à ceux qui "en ont ras-le-bol" de "tout ce système". "Tous ceux qui sont conscients ont maintenant un moyen d'expression, ils vont mettre des ronds verts." Promettant que l'action ne fait "que commencer", et appelant des mouvements tels que celui des Gilets jaunes à se joindre à lui, il assure que "des milliers et des milliers" de personnes en France se joindront à l'action. 

Sur le site web du "mouvement d'avant garde", comme il se décrit, lancé par ce "leader", on découvre également le "sens" derrière le symbole de ce rond pointé d'un minuscule point blanc au centre. Adopté pour "représenter l'union de tous les peuples de la Terre en paix et en liberté", il s'agit, selon son instigateur, d'un symbole "d'une nouvelle civilisation humaine". Désirant une société "sans politiciens, ni sectes dominantes", il dit vouloir établir la "souveraineté du et des peuples". Parmi les cibles favorites, la classe dominante, mais aussi les "multinationales" et l'OMS, qui regrouperait "les principales entreprises chimico-pharmaceutiques de la planète".

Les théories prônées sont loin d'être nouvelles : anti-vaccin, anti-Europe et ne croyant pas au coronavirus, ni à l'Etat, le discours s'inscrit dans la mouvance complotiste. Entre autres messages, Éric-Régis Fiorile dénonce pèle-mêle le confinement "illégal et infondé imposé aux Français", qui répondrait à "d'autres objectifs que sanitaires", comme de "déployer un réseau d'antennes 5G", mais aussi le "nouvel ordre mondial", le "satanisme", ainsi que des "sectes mystiques". 

Le Covid-19 pourrait ainsi se soigner "soit avec de la chloroquine, de la vitamine C à haute dose ou encore du peroxyde d’hydrogène", et ne serait qu'une "programmation" pour "faire disparaître 90% de l'humanité". Ou bien pour "rendre obligatoire" la vaccination afin de permettre "des implants nano- technologiques, un contrôle total et irréversible de la vie de chaque humain". Des théories croisées tout au long de cette crise sanitaire, que les médias ont longuement démenties.

Un groupe qui nie l'existence du coronavirus

A la tête du groupe "Conseil national de transition", celui qui appelle chacun à faire entendre son ras-le-bol se présente depuis près de 30 ans comme l'inventeur de la "démosophie", un modèle de société anti-oligarchique. Son existence en ligne remonte à une vidéo intitulée "L'appel aux Français". Postée en mars 2014, avec 44.000 vues à son actif en six ans, elle est supposée lancer le "réveil" de la population, demandant aux Français de réagir. Un an après, le 18 juin 2005, les fondateurs du groupe avaient proclamé que le gouvernement en place était "illégitime", l'invitant à "céder aux citoyens la gestion de leur pays". Car ces membres pensent que la république n'est plus légitime depuis le traité de Lisbonne, en décembre 2007, qui a permis une meilleure coordination des Etats membres de l'Union européenne alors même que les Français avaient rejeté un texte établissant une constitution pour l'Europe. Depuis, la France serait "sous l'autorité illégale" de l'UE et les gouvernements successifs une "oppression".

Assez opaque, ce groupe n'avait fait parler de lui que le 14 juillet 2015. A Paris, il avait annoncé prendre le pouvoir pour la fête nationale. A l'époque 300 personnes avaient manifesté dans la capitale afin d'"occuper l'Élysée" pour "instaurer le Conseil national de transition". Si cette action avait été un flop total, celle récemment lancée par le fondateur de ce mouvement a grands coups de messages sur les réseaux sociaux peut s'avérer plus inquiétante. Arrivant sur un terreau très sensible à ce type de théories, Éric-Régis Fiorile demande non seulement de faire entendre sa colère, mais aussi à chaque Français de retirer son masque de protection devenu "muselière", et d'être "courageux" face à une "pandémie-fantôme".

Après la découverte de ces formes taguées sur des "routes, ouvrages d'art et bâtiments", plusieurs enquêtes ont été ouvertes dans le Lot, a fait savoir la gendarmerie locale à l'AFP ce mercredi, du chef de "dégradations par inscriptions, signes ou dessins". Elles font suite à des plaintes de collectivités territoriales ou particuliers. Des enquêtes ont aussi été ouvertes ailleurs dans l'ouest de la France, notamment dans l'Aveyron, la Corrèze et en Dordogne, ou encore à Gaillac.


Felicia SIDERIS

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