ECONOMIE - Défendant l'action du gouvernement, la ministre déléguée chargée de l'Industrie a assuré ce lundi que le nombre de défaillances d'entreprises avait diminué de "30% par rapport à l'année dernière". Un chiffre correct qu'il faut
Alors que l'économie était à l'arrêt au printemps, et qu'elle s'est à nouveau arrêtée dans plusieurs secteurs, la France connaîtrait un nombre de faillites d'entreprises à la baisse par rapport à l'an dernier. C'est en tout cas ce dont s'est félicitée Agnès Pannier-Runacher ce lundi 16 novembre. Sur Franceinfo, la ministre déléguée chargée de l'Industrie a dévoilé un chiffre : "Le nombre de défaillances d'entreprises a diminué de 30% par rapport à l'année dernière parce que nous avons mis le pays sous cloche."
"Le nombre de défaillances sur un an diminue de 30,5%"
Par ce chiffre, la ministre voulait faire taire les critiques. "On ne peut pas dire que les commerçants mettent la clé sous la porte par milliers", a-t-elle fustigé. Si elle reconnaît les "craintes", décrites comme "parfaitement légitimes" des commerçants, elle a aussi rappelé que le travail du gouvernement était "de faire en sorte qu'ils passent ce cap". "Ils le passent, chaque mois est difficile, et nous les accompagnons", a-t-elle fait valoir. De fait, une simple visite sur le site de la Banque de France corrobore les propos de la ministre. Cette institution a notamment à sa charge la collecte d'informations concernant les décisions judiciaires auprès des greffes des tribunaux de commerce. Dans l'onglet consacré au suivi mensuel des défaillances des entreprises, on lit noir sur blanc : "En septembre 2020, le nombre de défaillances sur un an diminue de 30,5%."
Commerce : "Je voudrais juste vous donner un chiffre : le nombre de défaillances d'entreprises a diminué de 30% par rapport à l'année dernière parce que nous avons mis le pays sous cloche", défend Agnès Pannier-Runacher pic.twitter.com/jHjucrUwjd — franceinfo (@franceinfo) November 16, 2020
D'après les chiffres de l'Insee, qui s'arrêtent au moins de juin, 15.108 défaillances ont en effet été enregistrées en France depuis le mois de janvier 2020. Soit le niveau le plus bas depuis vingt ans, comme le montre le graphique ci-dessous. Plus récemment, le 13 octobre dernier, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce estimait auprès de l'AFP que "dans toute la France, il n'y a eu durant les neuf premiers mois que 19.220 ouvertures de procédures collectives (sauvegarde, redressement et liquidation) contre 32.714 durant la même période de 2019". Ce qui représente même une baisse d'environ 40%.
Un paradoxe qui s'explique par les mesures de soutien
Seulement, il ne faut pas crier victoire trop vite. Comme le note la Banque de France, cette baisse n'indique absolument pas "une réduction du nombre d'entreprises en difficulté". Elle n'est que la conséquence à la fois de "l'impact qu'a eu la période de confinement sur le fonctionnement des juridictions commerciales" et des "évolutions réglementaires qui modifient temporairement les dates de caractérisation et de déclaration de l'état de cessation de paiement". Comprendre par là qu'entre l'arrêt de l'activité et les fonds de solidarité, l'activité partielle ou encore le décalage des charges, le gouvernement a fait beaucoup de choses pour l'économie. "Les entreprises sont toutes sous perfusion", résumait Jean-Marie Michel, président du tribunal de commerce de Val-de-Briey, en Meurthe-et-Moselle. "C'est le paradoxe : on est au milieu d'une crise inédite et c'est le calme plat au niveau des procédures", constatait pour sa part Thierry Gardon, président du tribunal de commerce de Lyon.
Pour se rendre compte de l'impact économique de la crise sanitaire, il faudra en fait attendre le premier semestre de 2021. C'est en tout cas ce qu'estimait Thierry Millon, directeur des études d'Altarès, dans les pages du Monde, car c'est à cette échéance que les entreprises devront rembourser leurs premiers prêts et "que la reprise de l'activité absorbera les liquidités".
En attendant cette "heure de vérité", pour reprendre les termes du directeur d'études, le secteur craint le pire. Car si les défaillances sont contenues, l'inquiétude elle, est au plus haut. "On s'attend, plutôt pour 2021, à un tsunami de dépôt de bilan, lorsque l'Urssaf, les impôts et les banques vont se rappeler au bon souvenir des entreprises et faire valoir l'exigibilité", s'inquiétait ainsi le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, Eric Feldmann. Car "tout ce mur de dettes qui s'est construit depuis mars, il faudra bien le franchir à un moment ou à un autre". Les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui présentaient le 14 octobre dernier leurs prévisions, partageaient ce constat. Ils craignent in fine une hausse des défaillances pouvant aller "jusqu'à 80 % par rapport à l’année dernière".
Pour résumer, comme le fait Anne-Aurore Auger, directrice de la Conférence générale des juges consulaires, le faible nombre actuel de procédures s'apparente au retrait de la mer avant l'arrivée d'un tsunami. "La vague, on l'attend, elle va arriver."
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