L’artisan du futur, un commerçant connecté aux nombreuses activités

Publié le 1 août 2022 à 9h30
L’artisan du futur, un commerçant connecté aux nombreuses activités

Source : iStock

Réseaux sociaux, imprimantes 3D, réception de colis, vente de produits de partenaires, etc.
L’artisan d’aujourd’hui et de demain s’adapte aux bouleversements de notre société.
Omniprésent sur Internet, le façonnier utilise de nouveaux outils numériques pour gagner en précision.

Dessiner, fabriquer, couper, poncer, sculpter, transformer, raccommoder, fondre, mouler, broder, etc. Toujours plus de verbes d’action que les 3,1 millions d’artisans français, tous métiers confondus, s’approprient quotidiennement. Ils se servent essentiellement de leurs mains et développent un savoir-faire unique. Leurs produits ou services originaux se démarquent commodément de leurs homologues industriels. Les mentions "fait main", "made in France", "produits sans pesticides" ou "d’origine naturelle" convainquent les consommateurs, assurés d’assainir leur quotidien.

La vie des artisans ne ressemble plus pour autant à un long fleuve tranquille. Ultra concurrencé par des grandes entreprises parfois très agressives, pris en étau par une augmentation continue du prix des matières premières et de la main-d’œuvre, ils doivent se réinventer pour continuer à exercer leur métier. Ébéniste, coiffeuse, peintre, modéliste nécessitent du temps pour travailler la matière. Des heures précieuses après lesquels ils courent en se consacrant à des tâches administratives ou des échanges informels avec des clients.

Leur premier cheval de bataille, la communication. Autrefois écrite et formelle ou à l’inverse suspendue au bouche-à-oreille, elle se diversifie et se structure désormais autour des réseaux sociaux.

Facebook et Instagram pour attirer les clients

Difficile de se démarquer dans cette société instantanée et mondialisée. Le monde virtuel offre néanmoins une tribune accessible aux artisans et donne une autre dimension à leur travail. En véritables community managers, ils montrent des photos de leurs réalisations sur Facebook, tournent des stories des coulisses de fabrication sur Instagram et sollicitent les avis de leurs abonnés. Ils les encouragent à partager leurs publications et poster des recommandation. Mélanie Maurin, cordonnière à La Crau dans le Var, reconnaît faire de Facebook une vitrine de son travail : "Nos publications permettent de montrer un large éventail de ce que nous faisons. Certains arrivent au magasin en me disant qu’ils avaient vu sur le réseau que je réparais des sacs." Elle reconnaît l’impact des visuels : "Montrer deux images d’une semelle en morceau, avant et après la transformation, intéressent les clients et rapportent du monde. Facebook, c’est un bouche-à-oreille puissance 1000 !" Résultat, on trouve derrière cette cordonnerie une communauté de clients qui ont cliqué "J’aime" parce qu’ils se sentent concernés par l’envie de redonner vie à des vêtements ou chaussures en cuir.

Pour l’artisan, les enjeux sont nombreux : dépasser les barrières géographiques, améliorer l’image de la marque en élaborant une stratégie éditoriale avec du contenu riche et diversifié, gagner en crédibilité dans son domaine d’expertise, élargir son réseau en allant chercher de nouveaux clients, fidéliser avec des jeux promotionnels, élaborer une relation de confiance avec les internautes, etc. Ancienne désigneuse, Eve George a cofondé son atelier de soufflage de verre en Côte-d’Or en 2016. Sans boutique physique, elle s’est lancée sur Instagram et 3 700 personnes suivent désormais ses stories régulières. "Pendant le premier confinement, on a lancé une poignée de porte en verre soufflée. À peine mises en photo sur Instagram, nous avons été assaillis de demandes. C’est notre premier outil de communication et notre meilleure manière de vendre", assume la spécialiste des abat-jour. Objectif, incarner, se filmer en train de faire et montrer les coulisses des créations.

Un travail qui prend beaucoup de temps à Mélanie et Eve. Elles disent avoir du mal à s’y tenir et se sentent parfois dépassées par l’évolution des réseaux. "Les algorithmes changent tout le temps et ça m’échappe. J’ai aucun mal à dire que ça fait partie de mon travail, mais je passe déjà une heure par jour à imaginer des contenus et je n’ai pas le temps d’en faire plus. Ça devient une charge mentale", reconnaît Eve George.

Le numérique en soutien

La high-tech fait partie du quotidien de tous les artisans. Les taxis, par exemple, utilisent depuis des années le GPS pour se repérer. Des robots cuisiniers aident les chefs à gagner du temps à pétrir, hacher ou mélanger en très grande quantité. À l’Atelier George, les deux cofondateurs vont plus loin et se servent de logiciels ou d’imprimantes 3D pour modéliser et découper le verre. "Je peux commencer à dessiner à la main et continuer sur l’ordinateur pour affiner les lignes ou faire l’inverse et voir comment adapter et reproduire les courbes imprimées. De cette manière, on reste en contact permanent avec nos clients à qui on propose nos conceptions des objets jusqu’à validation", décrit Eve George. L’Atelier George se tourne ensuite vers un fablab de la campagne bourguignonne : les artisans envoient leurs dessins et commandent une impression. "On n’a pas encore de machine à nous. On échange et partage en licence libre dans cette structure interdisciplinaire. Tout est gratuit, on a juste à s’acquitter d’une adhésion et livrer le matériel pour imprimer", se réjouit Eve George. Prochaine étape, encore au stade expérimental, modéliser ses propres moules en format numérique.

Davantage low tech, Mélanie Morain envisage de visiter des fablabs afin de découvrir de nouvelles pièces et se renseigner sur de nouvelles méthodes. Mais pour l’instant, elle n’en a pas les moyens. La cordonnière se concentre sur la diversification de ses activités : photocopies, ventes de piles, reproduction de clés, etc. Elle reste à l’écoute des nouveaux besoins : "Ça me demande du temps, je suis souvent interrompu pour rendre un service. Mais c’est essentiel de faire du multiservice, ça représente presque la moitié du chiffre d’affaires de mon commerce", constate la Varoise. Elle note surtout que les clients bénéficiant d’un service en viennent toujours à son travail d’artisan : "Ils finissent par me poser des tonnes de questions, me parlent d’un problème de fermeture éclair, d’une veste en cuir devenue grise, etc. Beaucoup me rapportent ensuite quelque chose à travailler".

L’artisan caché que l’on découvre au détour d’une rue se perd désormais dans les méandres d’Internet. Une belle boutique ne gage plus de la réussite d’un savoir-faire. Le métier utilise davantage d’outils numériques pour se connecter à ses clients et montrer ses produits au monde entier.


Geoffrey LOPES

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