Coronavirus : la pandémie qui bouleverse la planète

6,5 kilos, c’est la perte de poids moyenne observée chez un patient Covid hospitalisé

Publié le 17 novembre 2020 à 18h33
VICTORIA JONES / POOL / AFP

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Source : VICTORIA JONES / POOL / AFP

MISE EN GARDE - Un collectif de soignants et de militants alerte sur les dangers de la dénutrition qui touche une part alarmante des patients hospitalisés dont des malades du Covid-19. Plus de 70% d'entre eux ressortiraient délestés de plus de cinq kilos.

"Tu as vu comme j'ai maigri ! (...) J'ai perdu 5-6 kilos". Le 21 avril dernier, donnant des nouvelles rassurantes de son état de santé après avoir contracté le Covid-19, Michel Boujenah se réjouissait presque de sa perte de poids dans l'émission confinée, le Jarry Show. Quelques jours avant cette interview, l'acteur, réalisateur et humoriste avait déjà évoqué, parmi d'autres, ce symptôme depuis observé chez de très nombreux patients infectés par le SARS-CoV-2. "C'est comme si j'avais pris des coups de poing, c'est incroyable. (...) J'ai des courbatures, de la fièvre... J'ai tout. Le gros, gros problème, c'est que je meurs d'envie d'avoir faim, et je n'ai pas faim", détaillait-il sur i24News.

Sept mois plus tard, une étude en cours de publication, portant sur 403 patients hospitalisés pour Covid, révèle que la perte de poids moyenne observée chez ces derniers est justement de cet ordre là : 6,5 kilos. Chez certains, comme Joseph-Robert, 67 ans, l'amaigrissement est bien plus dramatique. Il a perdu 17 kilos en un mois, soit 18% de son poids, lors de sa longue hospitalisation à Grenoble pendant la première vague épidémique, au printemps, a-t-il confié à l'AFP. Jean-Claude, 74 ans,  a quant à lui fondu de plus d'une trentaine de kilos, témoigne-t-il pour Le Parisien

La mise en garde de soignants

A l'instar des malades du cancer, les victimes d'une forme grave du Covid-19 sont donc particulièrement concernés par la dénutrition. "Comme toute infection aiguë, celle à Covid-19 est une maladie à haut risque de dénutrition ; en particulier si elle survient chez un patient atteint d’une maladie chronique", peut-on lire sur le site médical larevuedupraticien.fr qui détaille ensuite les critères diagnostiques de dénutrition émis par la Haute Autorité de santé en 2019. En outre, plusieurs facteurs spécifiques à cette infection exposent au risque de dénutrition. "Dans un contexte inflammatoire parfois prolongé de plusieurs semaines, entraînant un hypercatabolisme (dégagement anormal d'énergie, ndlr), l’augmentation de la dépense énergétique liée au travail ventilatoire majore les besoins nutritionnels. La prise alimentaire spontanée est souvent très réduite, surtout si des signes ORL tels qu’une anosmie (perte d'odorat, ndlr) et une agueusie sont présents", est-il expliqué. 

Or, la dénutrition, qui se manifeste par une perte de poids importante et soudaine (plus de 5% en un mois) chez les malades ou les personnes âgées, se heurte à une forme d'incrédulité. "Très mal enseignée, même aux médecins", cette pathologie est également mal comprise par les patients eux-mêmes, déplore le Pr Eric Fontaine, médecin nutritionniste et président du Collectif de lutte contre la dénutrition. Certains sont non seulement inconscients de la gravité du problème, mais en plus se réjouissent de perdre du poids, se désole-t-il.

D'autres "ne comprennent pas comment on peut être dénutri dans une société d'abondance", ajoute Jérôme Guedj, l'un des coordinateurs de la première "semaine nationale de la dénutrition", qui s'achèvera jeudi et sur laquelle il mise, avec le concours d'autres soignants et militants, pour éveiller les consciences. Car, si le grand public ne lui prête guère attention, la dénutrition peut bel et bien tuer. 

"A maladie égale, les patients dénutris meurent plus souvent"

"A maladie égale, les patients dénutris meurent plus souvent", explique ainsi au Parisien le Pr Agathe Raynaud-Simon, présidente de la fédération française de nutrition et cheffe du département de gériatrie à l'hôpital Bichat. Par conséquent, même s'il n'est pas toujours aussi spectaculaire, l'amaigrissement rapide doit toujours inquiéter, souligne le Pr Eric Fontaine. Car le malade qui se dénutrit va essentiellement perdre des muscles, plutôt que de la graisse - le phénomène est donc alarmant y compris pour des personnes obèses ou en surpoids -, et cela va altérer ses défenses infectieuses.

Le collectif organisateur estime que le phénomène toucherait 30% des patients hospitalisés, 25% des personnes âgées ayant besoin d'une aide à domicile, et même 30 à 40% des résidents de maisons de retraite. Selon un récent sondage Ifop réalisé pour le collectif et la Fondation Jean Jaurès, 49% des Français pensent - à tort - que la dénutrition est une "conséquence de la famine", et seuls 19% l'identifient comme une maladie. Et la majorité des sondés pense - à tort également - qu'il est normal de maigrir quand on a une maladie grave, ou en vieillissant. Or, "vieillir ne fait pas maigrir", martèle Agathe Raynaud-Simon, gériatre à Paris. En revanche, plus on vieillit, plus des pathologies diverses font perdre l'appétit, explique-t-elle. 

Dès le mois d'avril, la revue médicale de référence, adressait une piqure de rappel des plus opportunes dans le contexte actuel. "Chez tout patient Covid-19, une alimentation hypercalorique et hyperprotidique est recommandée. En présence de signes de dénutrition, a fortiori si le patient est hospitalisé, l’apport de trois compléments nutritionnels oraux par jour, au moins, est recommandé". A la fin de leur hospitalisation, quatre patients sur dix n’avaient pas retrouvé leur poids. 


Audrey LE GUELLEC

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