DÉCRYPTAGE - Alors que l'épidémie de coronavirus gagne chaque jour du terrain en Europe, Angela Merkel a frappé les esprits en prévenant ce mercredi que 70 % de la population allemande pourrait être infectée. Le chercheur Jean-Stéphane Dhersin, dont le métier consiste notamment à modéliser la propagation des épidémies, nous éclaire sur cette affirmation.
La chancelière allemande n'y est pas allée par quatre chemins. Mercredi, épaulée de son ministre de la Santé, Angela Merkel a prévenu que près de 58 millions de ses compatriotes allaient être touchés par la maladie : "Nous devons supposer que 60 à 70% de la population sera infectée", a-t-elle déclarée, ajoutant qu'il fallait également et malgré ce chiffre pouvant paraître alarmant, éviter de surcharger le système hospitalier allemand.
Cette prédiction est-elle exagérée ? Ou au contraire, faut-il la croire ? Professeur à l'université de Paris 13 et chercheur au CNRS (centre national de la recherche scientifique), Jean-Stéphane Dhersin s'intéresse de près au coronavirus et à sa propagation. Spécialiste en modélisations mathématiques des épidémies, il a accepté de répondre aux questions de LCI.
LCI - Angela Merkel a évoqué une possible contamination de 70% de la population allemande, cela vous semble-t'il crédible ?
Jean-Stéphane Dhersin - Oui, elle a utilisé un modèle basique en fonction du taux de reproduction de base (R0). Pour le coronavirus il est de 2,5. Cela en fait une maladie très contagieuse. Ce R0 n'est sûrement pas tout à fait exact étant donné que nous manquons encore de données et il est tout à fait possible que le chiffre annoncé par Angela Merkel soit obtenu à partir d’un modèle très simplifié voire tronqué. Il faut ajuster le raisonnement. Le vrai chiffre se trouve probablement bien en dessous.
Le vrai chiffre se trouve probablement bien en dessous"
Jean-Stéphane Dhersin
LCI - Concrètement, qu'est-ce que le taux de reproduction de base ?
On peut le voir ça comme un "taux de contagiosité". Il s'agit du nombre moyen de personnes qui contractent le virus après avoir été en contact avec un individu infecté. Pour le Covid-19, il se situe autour des 2,5 mais ce chiffre, je le répète, n'est pas absolu. Concrètement, cela signifie qu'une personne porteuse du virus le transmet en moyenne à 2 ou 3 autres.
LCI - En France, peut-on s'attendre à une infection équivalente à celle évoquée par la chancelière allemande ?
C'est possible. Le virus suivra sans doute une trajectoire assez similaire dans les deux pays. Mais il faut prendre ce constat avec des pincettes. Déjà, le chiffre d'Angela Merkel est issu d'un raisonnement certainement simplifié dans un modèle qu'il faut déjà manier avec une extrême prudence puisque certaines données sont insuffisantes ou pas suffisamment fiables. Le modèle utilisé par Angela Merkel marche en théorie mais dans les faits, il faut lui apporter des corrections qui tiennent au modèle lui-même mais aussi à l'incertitude autour de R0.
LCI - En quoi consiste ce modèle ?
Pour l'expliquer de manière simplifiée, il faut d'abord reprendre le principe d'une épidémie. Il y a un démarrage avec un premier cas. Ensuite celui-ci va en générer d'autres. Plus il y en a, plus la contamination s'accélère. L'épidémie s'arrête naturellement lorsque le vivier de personnes saines sera remplacé par suffisamment des personnes immunisées (il est possible d'être immunisé soit par l'effet d'un vaccin soit en ayant contracté le virus). Attention, cela ne veut pas dire qu'il faut que toutes les personnes non-infectées soient immunisées mais il en faut un nombre suffisant. Si on passe en termes de chiffres désormais, l'épidémie se stabilise et recule lorsque le taux de reproduction est égal ou inférieur à 1. Il est possible de le diminuer artificiellement, dans une certaine mesure, avec des précautions sanitaires mais surtout il décroit quand il y a de moins en moins de personnes à infecter.
LCI - A quoi servent les mesures prises en France ?
Nous ne sommes plus dans une position où une épidémie peut être évitée. il est inévitable que le virus touche une large partie de la population. Toutefois, il est possible d'agir sur le R0 pour faire en sorte de "lisser" le plus possible l'épidémie. Je m'explique, si on baisse le taux de reproduction de base, cela permet d'éviter que l'épidémie monte très haut d'un coup, qu'il y ait un pic. Le but ? Éviter la saturation des services d'urgence. Pour le dire autrement, cela permet d'étaler l'épidémie dans le temps. A terme, il n'y aura pas forcément un nombre d'infectés inférieur ; simplement il s'agit d'avoir un nombre de personnes infectées à un instant T le plus bas possible. Puisque des mesures aussi draconiennes qu'en Chine ne sont socialement et économiquement pas envisageables en France, agir comme on le fait actuellement en France permet d'avoir un nombre de personnes qui, sur la durée, est toujours gérable par le système de santé et qui peuvent être prises en charge.
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