STRATÉGIE - La contamination des eaux usées est utilisée par l'exécutif pour observer l'évolution de l'épidémie de coronavirus dans le pays. Un indicateur fiable mais qui ne se suffit pas à lui-même.
Avant de prendre sa décision de ne pas confiner le pays, Emmanuel Macron a scruté tous les marqueurs de suivi épidémiologiques. Parmi eux, la contamination au coronavirus des eaux usées, qui prouverait que l'épidémie régresse dans certaines villes de France. Un indicateur pourtant décrit comme "grossier" par Karine Lacombe. "Il ne permet pas de savoir exactement où l'épidémie a ralenti et où elle a repris", a ainsi argué sur LCI ce dimanche 31 janvier la cheffe du service infectiologie de l'Hôpital Saint-Antoine. Qu'en est-il réellement?
Un indicateur "fiable" et aux nombreux avantages
À Paris, comme dans plusieurs villes de France, c'est le réseau Obépine (Observatoire épidémiologique dans les eaux usées) qui procède à l'analyse des égouts depuis le mois de mars. Une recherche "sensible" et qui permet de "quantifier" la présence du Covid-19, fait valoir Yvon Maday, membre du projet. "Cette méthode est capable de voir de très faibles niveaux de circulation du virus", assure-t-il auprès de LCI.fr, mais aussi d'observer "si ce niveau est plus élevé ou plus bas qu'auparavant". Un système d'autant plus utile qu'il concerne tout le monde. Comme nous l'explique le chercheur, le milieu d'analyse est toujours le même, le prélèvement se fait sur 24 heures, et il induit que tout le monde est testé. "Qu'il soit symptomatique, pas symptomatique; complotiste, pas complotiste : tout le monde va aux toilettes", rappelle-t-il.
Une méthode qui a permis, "dans certaines stations", d'apercevoir "très tôt" la reprise épidémique. "Bien avant qu'elle ne soit détectée via des tests positifs !". De fait, avec la période d'incubation, l'attente du résultat du test et sa remontée aux services sanitaires, dix à quatorze jours peuvent s'écouler entre la contamination de quelqu'un et sa prise en compte par l'agence sanitaire. Au contraire, le prélèvement dans les égouts donne une image de la contamination au jour-J.
Utilisée par le passé, cette méthode a prouvé à de maintes reprises son efficacité. Au point que plusieurs régions ont adopté une stratégie prédictive de surveillance. Le directeur du projet Comète, du Bataillon des marins-pompiers de Marseille, nous expliquait ainsi prélever dans les eaux usées de certains établissements sensibles, comme les Ehpad de la ville, afin de "limiter les clusters". "Dès qu'on va avoir une apparition du virus dans les eaux usées, on va tester tout le monde", relevait Alexandre Lacoste. C'est d'ailleurs à Marseille qu'a été signalée pour la première fois la reprise épidémique après les fêtes de Noël. "Les premiers signes d'une circulation plus forte du virus dans les eaux usées", ont ainsi été relevés dès le 7 janvier. Au même moment, les tests commençaient à montrer que le département des Bouches-du-Rhône débutait sa reprise épidémique.

Même constat à Paris. Dans l'ambiance plus détendue de la période estivale, les chercheurs d'Obépine étaient parmi les rares voix à alerter sur une reprise épidémique. Les eaux usées parlaient d'elles-mêmes en présentant de nouvelles traces du virus dès fin juillet. Date qui concorde au début de la "deuxième vague", comme le prouvent là encore les données de Santé publique France. Tant d'avantages qui ont fait de la traque du virus dans les stations d'épuration un réel système d'alerte précoce. "On arrive à confirmer des baisses, et on arrive à prévenir de ce qui remonte", résume Yvon Maday.
Faussé par les pluies?
Cependant, contrairement à cet été, la période actuelle est marquée par de fortes pluies. Une donnée nouvelle, qui en inquiète certains, qui soulignent que les intempéries pourraient venir diluer le virus dans les eaux usées, et donc abaisser sa concentration. Mais les chercheurs du réseau Obépine "ne sont pas nés de la dernière pluie", martèle Yvon Maday, un poil remonté. Auprès de LCI.fr, il rappelle que cette équipe interdisciplinaire œuvre depuis de longs mois pour affiner ses méthodes d'analyse, en prenant en compte différents facteurs, dont la pluie. En atteste un article du CNRS dans lequel le sujet était abordé dès les mois d’août.
"Évidemment, nous savons que l'eau ça mouille et nous tenons compte de la pluviométrie", ironise ce chercheur. La méthodologie, qu'un article scientifique viendra bientôt expliciter, est en réalité complexe, tant les réseaux de récolte des eaux peuvent être différents. Certains sont distincts - les eaux usées sont séparées des eaux de pluies - d'autres unitaires. Mais que l'on ne s'inquiète pas, les chercheurs ont "tenu compte" de ce biais. "Les données et les mesures sont réalisées avec un facteur d'erreur, nous le savons, nous l'intégrons dans nos analyses. Qu'on nous laisse travailler."
Il ne se suffit pas à lui-même
Alors pourquoi cette arme redoutable ne convainc pas Karine Lacombe? En réalité, si on écoute la suite du propos, on comprend que la chercheuse ne décrie pas la méthode. Mais simplement qu'elle explique que cet indicateur ne se suffit pas à lui seul. "Oui, on le met dans la balance [pour prendre une décision] mais avec d'autres indicateurs", a-t-elle précisé, citant entre autres exemples les "cas positifs" ou "le nombre de personnes qui arrivent en réanimation".
Interrogé par LCI.fr, Vincent Maréchal, virologue au Centre de recherche scientifique de Saint-Antoine, à Paris et membre lui aussi du réseau Obépine, nous rappelait ainsi dans un précédent article que "la présence du virus dans les eaux usées est un indicateur précoce qu'il faut croiser avec d'autres". Idem pour Yvon Maday. Il reconnait lui aussi que ce n'est pas le seul outil. Et qu'il n'a jamais eu la prétention de l'être. "C'est un indicateur macro-épidémiologique, il permet de montrer un ensemble", souligne-t-il. "On n'a jamais dit qu’il ne fallait garder qu'un indicateur. Mais ça n'enlève pas que celui-ci est pertinent, fiable et qu'il n'a jamais changé depuis mars".
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