La plateforme de prise de rendez-vous médicaux avait été pointée du doigt cet été par des soignants, accusée de référencer des naturopathes aux pratiques dangereuses.En réaction, elle a décidé d'exclure 5700 professionnels : des naturopathes donc, mais aussi des sophrologues et des hypnothérapeutes, autant de professions légales mais non réglementées.
Trancher dans le vif pour crever l'abcès : accusé à la fin de l'été de servir de caution à des charlatans, voire à des dérives sectaires, Doctolib a opté pour un remède draconien. Deux mois après une polémique sur la présence de naturopathes enregistrés sur la plateforme, le champion français des rendez-vous médicaux a décidé de "se recentrer exclusivement" sur les soignants "référencés par les autorités", poussant vers la sortie près de 6000 "praticiens du bien-être".
"Nous avons décidé de nous recentrer exclusivement sur les professionnels référencés par les autorités sanitaires", déclare à l'AFP son président, Stanislas Niox-Chateau. Par conséquent, "5700 praticiens du bien-être ne pourront plus utiliser nos services" et ont été avertis de la résiliation de leurs contrats, avec un délai de "six mois pour trouver une autre solution", ajoute-t-il.
"Garantir aux patients une information objective et vérifiée"
Parmi ces clients éconduits, des naturopathes, des sophrologues ou encore des hypnothérapeutes, tout autant de professions certes légales, mais non réglementées et absentes pour cette raison des répertoires officiels (le Répertoire Partagé des Professionnels intervenant dans le système de santé, abrégé RPPS, et Adeli). "Aucune obligation légale" ne contraignait Doctolib, mais ce choix "parait logique" pour ce groupe "devenu un tiers de confiance dans le secteur de la santé", qui n'a "pas vocation à faire autre chose", selon son président. L'objectif : "garantir aux patients une information objective et vérifiée", abonde le directeur France de la plateforme, Arthur Thirion, dans un communiqué.
L'incontournable plateforme de prise de rendez-vous et de téléconsultation, érigée par les pouvoirs publics en pilier de la campagne de vaccination anti-Covid, a été rattrapée par son succès mi-août, quand des soignants lui ont reproché sur les réseaux sociaux de référencer des naturopathes aux pratiques dangereuses. Parmi ceux-ci, des adeptes de personnalités controversées comme Irène Grosjean et Thierry Casasnovas.
Pris dans la tourmente, Doctolib avait dans un premier temps "suspendu la prise de rendez-vous pour 17 profils" de professionnels litigieux, puis "renforcé ses procédures de vérification", avant d'engager un véritable "travail de fond" : "six semaines de consultations auprès de 40 acteurs", dont les ordres de santé, les syndicats de soignants et les associations de patients mais aussi la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
Rassurer les professionnels de santé, le gros de sa clientèle
"On prend nos responsabilités", déclare Stanislas Niox-Chateau, arguant que si "les activités de bien-être ont leur place", elles ne sont pour autant "pas encadrées". Et il n'existe "aucun moyen de vérifier le niveau de qualification" de ceux qui les pratiquent. Ce faisant, le groupe a cherché à répondre aux "attentes légitimes" des professionnels de santé, qui constituent l'essentiel de sa clientèle : en France, 170.000 médecins, dentistes, infirmiers, sages-femmes, mais aussi psychologues et ostéopathes utilisent ses outils.
L'enjeu vaut bien le sacrifice des quelques millions d'euros de revenus générés par le "bien-être" - à raison de 100 euros par abonné et par mois. Car pour le patron de Doctolib, "c'est la confiance qui fera la différence sur le long terme". Le groupe se dit toutefois "à la disposition des pouvoirs publics pour contribuer à une réflexion sur ce sujet", soulignant que dans certains pays, la "formation" et "l'exercice" des praticiens en question sont "régulés", "ce qui permet de mieux les encadrer et ainsi de mieux informer les patients".