MÉDECINE PARALLÈLE - Deux patients dans le Jura suisse ont été victimes d'une intoxication qui a rendu leur peau bleue après avoir consommé de l'argent colloïdal, pourtant interdit par voie orale. On fait le point sur ce remède prétendument miraculeux.
Cherchant à renforcer leur système immunitaire contre le Covid-19, au moins deux patients ont été intoxiqués en Suisse après avoir ingurgité de l'argent colloïdal, selon le récit qu'en fait la presse locale ce mercredi 10 novembre. L'un d'eux est dans un état tel qu'il a dû être hospitalisé à Delémont, dans le canton du Jura, l'argent s'étant attaqué à certains organes vitaux. Que sait-on de cette particule qui leur donnera un air de Schtroumpf jusqu'à la fin de leur vie ?
La RTS souligne dans son article que le patient souhaitait renforcer son système immunitaire en ingurgitant cette solution. Cette dernière fait en effet partie des dizaines de produits vantés par des défenseurs de médecine parallèle pour ses capacités quasi-miraculeuses. Sur certains blogs, l'argent colloïdal est ainsi présenté comme une "solution naturelle" dont les propriétés sont "connues depuis la nuit des temps". Ce "remède antibactérien ultrapuissant" permettrait même d'atteindre "quasiment 100% de résultats probants". On lui attribue entre autres la capacité de guérir des bronchites, des rhumes, mais aussi de la tuberculose ou encore du sida. Et même du cancer ! Une (très longue) liste, à laquelle s'est ajouté le coronavirus depuis le début de la pandémie.
"Aucune preuve scientifique"
S'il est vrai que l'argent est reconnu à travers l'histoire de la médecine pour ses propriétés par voie cutanée, il n'existe aucune preuve scientifique des effets de cette substance prise par voie orale. Une étude réalisée en septembre 2013 sur le sujet a par exemple testé cette solution "omnipotente" in vitro, sans montrer de résultats. "Les solutions d'argent colloïdal testées n'ont montré aucun effet antimicrobien in vitro sur les microorganismes, les allégations sur la puissance antimicrobienne de l'argent colloïdal sont donc trompeuses", concluaient les chercheurs.
Idem pour la totalité des travaux scientifiques, à en croire les National Institutes of Health. "Les preuves scientifiques ne soutiennent pas l'utilisation de compléments alimentaires à base d'argent colloïdal pour quelque maladie ou infection que ce soit", écrivent à ce sujet les instituts chargés de la recherche médicale et biomédicale aux États-Unis. Si l'argent a bien fait ses preuves "pour les brûlures, les plaies cutanées" ou pour "prévenir la conjonctivite chez les nouveaux nés", il n'a "aucune fonction ou aucun avantage connu dans le corps lorsqu'il est pris par voie orale".
Aucun bénéfice. Mais beaucoup de défauts. "Les effets secondaires de cette solution peuvent entraîner une décoloration de la peau, qui prend une teinte gris-bleu et une mauvaise assimilation de certains médicaments, notamment les antibiotiques", lit-on sur le site du NIH. Cette décoloration, appelée argyrisme, résulte d'un dépôt d'argent dans la peau. La victime la plus connue de ce phénomène est Paul Karason, décédé en 2013, dont le visage apparaît dans cette vidéo. Surnommé le Grand Schtroumpf, il avait utilisé cette molécule pour soigner une dermatite, avant de finir tout bleu.
Un constat partagé par l'agence du médicament américaine. La FDA écrit à ce sujet que l'argent colloïdal peut "provoquer des effets indésirables graves" et n'a prouvé "ni son efficacité ni son innocuité" une fois ingéré.
Un produit interdit en France
Une balance bénéfice-risque qui est donc clairement en défaveur de cette solution ingérée par voie orale. Raison pour laquelle elle est interdite à la vente en France. Seuls les oligo-éléments utilisant de l'argent colloïdal sont recensés dans la base de données des médicaments commercialisés dans le pays, le dosage étant tellement faible (0,070 mg), qu'il ne présente aucun risque.
La sphère naturopathe en ligne a donc exagéré à outrance le bienfait d'une molécule pour en faire un remède miracle, notamment contre le Covid-19, sans en préciser les dangers.
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