AVANCÉE SCIENTIFIQUE - La technologie utilisée par les vaccins AstraZeneca et Janssen, suspectée d'avoir provoqué de très rares caillots sanguins, a été décrite comme un "monstre" par un immunologiste de Zurich. Auprès de LCI.fr, il revient sur ses propos.
C'est un bouleversement assez inattendu. Tandis qu'en décembre, la technologie ARNm utilisée pour les vaccins contre le coronavirus peinait à convaincre, quatre mois plus tard, c'est une autre méthode qui est décriée : l'adénovirus. Parmi les nombreuses critiques qu'on lui fait, l'une d'elles a particulièrement attiré notre attention. Celle d'être un "monstre" qui utilise "des vecteurs Frankenstein". Ces propos, tenus par Steve Pascolo, immunologiste de renom, sur Europe 1 ce mercredi 14 avril, ont été repris par certains internautes qui appellent donc à refuser la vaccination. Mais qu'en est-il réellement ?
Des considérations "purement théoriques"
Si cette technologie fait l'actualité, c'est parce qu'elle est utilisée par les vaccins AstraZeneca, Janssen et Spoutnik V. Ils sont tous les trois à "vecteur viral". C'est-à-dire que les chercheurs ont pris comme support un autre virus, bénin, qui a été modifié afin qu'il transporte dans l'organisme des informations génétiques lui permettant de combattre le coronavirus. Pour ce faire, ils utilisent tous les deux un même support : des adénovirus recombinants déficients. "Recombinants" car modifiés en laboratoire. "Déficients" car il leur manque une protéine importante. Celle-ci permet normalement la réplication du virus. Sans ce gène, le virus peut s'installer dans une cellule et s'y exprimer, sans toutefois se reproduire.
Ce sont ces derniers "supports" qui sont au cœur de nombreuses inquiétudes. Même si rien n'est encore prouvé, cette nouvelle méthode est suspectée d'avoir provoqué plusieurs dizaines de cas très rares de thromboses, dont certains mortels. Ainsi, le fait que des caillots sanguins aient été observés avec ces deux vaccins "pourrait suggérer que le problème vient du vecteur adénovirus", a jugé l'épidémiologiste David Fisman. "Tout laisse penser que c'est lié au vecteur adénovirus", a également jugé Mathieu Molimard, spécialiste français de pharmacologie. En effet, "ces cas n'existent pas à ce jour avec les vaccins ARN" - ceux de Pfizer et Moderna - a-t-il relevé.
Une considération partagée ce jeudi par Steve Pascolo, sur Europe 1. Mais de manière tout à fait "théorique". Pour LCI.fr, ce chercheur et co-fondateur de la société allemande CureVac revient sur ses propos. "Tout ce qui est ARN" – technologie utilisée également par CureVac pour son vaccin – "est transitoire, rapidement dégradé", note le spécialiste. Au contraire, "tout ce qui est lié à l'ADN est plus stable". Selon cet immunologiste et chercheur à l'hôpital universitaire de Zurich, l'adénovirus soulève donc par nature "des questions de sécurité" qui ne se posent pas avec l'ARN messager. "On se libère de ces problématiques, c'est pour ça que j'ai toujours préféré l'ARNm", nous confie celui qui dirige désormais une équipe de recherche sur l'ARNm utilisé contre le cancer. Mais ce sont des "considérations théoriques", martèle-t-il. Il regrette que ces observations aient pu être sorties de leur contexte. "AstraZeneca, c'est un vaccin sûr", répète le spécialiste, soulignant qu'avant une mise sur le marché en France ou en Europe, un produit pharmaceutique doit "répondre à des critères très, très stricts". "En pratique, les adénovirus sont sûrs, ils l'ont prouvé et c'est pour ça qu'ils ont été approuvés", résume-t-il.
Alors pourquoi cette comparaison hasardeuse avec Frankenstein ? Le spécialiste nous explique s'être approprié un terme utilisé lors d'un échange avec la presse. C'est après avoir exposé les détails de cette technique - qui consiste à mélanger des bouts de cinq organismes différents dans le cas d'AstraZeneca - qu'un journaliste lui a rétorqué : "C'est Frankenstein !". "Oui effectivement, quand on y pense, c'et le cas", avait-il reconnu à l'époque. Auprès de LCI.fr, il note que si l'expression peut "faire peur" au public, "d'un point de vue purement scientifique, ça s'en rapproche". "Ce qui n'est pas problématique pour autant : il y a de très gentils monstres", enchaîne-t-il avec une pointe d'humour.
Une balance bénéfice/risque favorable chez les plus âgés
Pour lui, les vaccins à adénovirus sont bien "des monstres qui sauvent des vies". "Il ne faut pas chercher la petite bête : pour les personnes âgées ou vulnérables, la balance bénéfice-risque est clairement en la faveur de ces vaccins". C'est bien ce point qui est essentiel. Sur la question des risques, dans le cas d'AstraZeneca, on recense, à la date du 4 avril, 222 cas de ces thromboses atypiques sur 34 millions d'injections réalisées dans l'Espace économique européen et le Royaume-Uni, selon l'Agence européenne du médicament (EMA). Cela s'est soldé par 18 décès (en date du 22 mars). Dans le cas de Johnson & Johnson, les autorités américaines ont recensé six cas sur plus de 6,8 millions de doses administrées aux États-Unis. Voilà pour le risque.
Quant aux avantages apportés par le produit, l'EMA rappelle que le Covid-19 entraîne un risque d'hospitalisation et de décès. "La combinaison caillots sanguins/plaquettes basses qui a fait l'objet de signalements est très rare et les bénéfices globaux du vaccin dans la prévention du Covid-19 l'emportent sur les risques d'effets secondaires", a ainsi insisté le régulateur européen le 7 avril au sujet d'AstraZeneca.

Une conclusion à laquelle s'accorde Steve Pascolo. "La balance est très clairement en faveur de ces vaccins pour les personnes fragiles", martèle-t-il. Toutefois, "les choses peuvent être différentes chez les plus jeunes". "On est embêté parce qu'elle est moins claire chez [ces] populations", où le virus n'est pas aussi létal. Et c'est "parce que cette situation n'est pas évidente que les autorités ont changé d'avis". De fait, la France a restreint l'utilisation du vaccin AstraZeneca aux personnes de plus de 55 ans. "C'est un très bon choix, qui reflète parfaitement la réalité scientifique", se félicite le spécialiste. Pour lui, ces nouvelles recommandations sont d'ailleurs la preuve ultime qu'on peut faire confiance aux autorités de régulation. "Les dossiers sont fouillés, creusés, approuvés. Ces vaccins sont sûrs."
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