LES VÉRIFICATEURS AVEC L'INSERM - Le variant Delta est-il finalement moins virulent que les variants précédents ? Nous avons soumis cette question d'un de nos lecteurs à l'enseignant chercheur et virologue Benoit Visseaux.
Malgré une recrudescence des cas, l'augmentation des cas graves du Covid demeure modérée, permettant d'éviter la saturation des services de soins critiques et de réanimation. Si cette situation s'observe en France métropolitaine, elle est aussi particulièrement marquée en Islande, pays auquel LCI et TF1 ont récemment consacré un article et un reportage. À la suite de leur mise en ligne, un internaute prénommé Attilio a contacté notre équipe pour faire part de certaines interrogations.
"On invoque l'efficacité du vaccin pour réduire les formes graves de la maladie consécutives à l'infection chez certaines personnes plus vulnérables", explique-t-il, "mais on n'avance pas le fait que ça pourrait être simplement dû au fait que le variant Delta est moins dangereux". Il pose alors la question : "Est-il réellement plus dangereux dans les faits ?" Pour faire le point sur les connaissances en la matière, l'équipe des Vérificateurs a sollicité l'Inserm, avec lequel elle collabore depuis plusieurs mois pour démêler le vrai du faux autour de l'épidémie.
Des variations de virulence relativement faibles
Enseignant chercheur, virologue à l'hôpital parisien Bichat et chercheur à l'Inserm, Benoit Visseaux reconnaît que les "connaissances sur les variants s'avèrent importantes sur certains aspects, mais bien plus lacunaires sur d'autres". Lorsqu'il s'agit d'évoquer la dangerosité du Delta, nous manquons encore "de données claires pour montrer qu'il est plus ou moins virulent". Dans le contexte actuel, l'étude de la contagiosité d'une souche à l'autre apparaît plus facile à étudier, notamment par le suivi "R0", ou taux de reproduction du virus. Il est toutefois possible de mentionner les récents résultats d'une étude britannique, qui a porté sur les données de plus de 43.000 personnes positives entre le 29 mars et le 23 mai. Résultat ? Les chercheurs ont estimé que le risque d’être admis à l’hôpital était multiplié par 2,26 avec le variant delta, en comparaison avec le variant alpha.
Si les scientifiques estiment qu'il faudra encore du temps pour affiner la connaissance du variant Delta, Benoit Visseaux glisse que d'une lignée à l'autre, "les variations de virulence sont rarement majeures". Et prend l'exemple du variant dit "anglais", pour lequel les chercheurs ont "pris plusieurs mois pour produire les données de manière suffisamment robuste et se montrer sûrs de leurs résultats, en s'assurant qu'il n'y avait pas de biais". Ils ont abouti à la conclusions selon laquelle "ce variant était un peu plus sévère que les variants historiques, qu'il entraînait plus de décès, mais il s'agissait d'augmentations très réduites".
Les analyses susceptibles de mettre en avant de manière précise la dangerosité du variant Delta seront difficiles, "a fortiori puisqu'elles seront brouillées par la vaccination", fait remarquer le virologue. Le vaccin introduit en effet une nouvelle variable, à prendre évidemment en compte dans l'analyse de la situation au sein des hôpitaux. Si bien que la forte baisse du nombre de patients touchés gravement ne signifie pas pour autant un danger plus réduit de cette nouvelle souche. "C'est tout à fait possible qu'il existe une variation au niveau de la sévérité, mais elle n'est pas encore suffisamment documentée", avance Benoit Visseaux, qui juge toutefois possible de mesurer l'impact lié à la vaccination dans des pays comme la France ou l'Islande.
À l'internaute de LCI qui se demandait si le vaccin pouvait suffire à expliquer la baisse des formes graves et des décès, l'expert de l'Inserm répond que des travaux menés par des chercheurs sur l'épidémie en Angleterre ont mis en évidence des résultats significatifs. En comparant uniquement des patients atteints par le variant Delta, ils ont observé "une protection liée à la vaccination de l'ordre de 80/90% vis-à-vis des risques d'hospitalisation".
Des exemples instructifs
L'émergence de précédents pathogènes constitue pour les chercheurs des indices pour progresser dans la lecture de l'épidémie. Si les virus ne se comportent pas systématiquement de la même manière, dans "l'évolution d'une maladie, classiquement, on va constater un pic de virulence avant de la voir s'amoindrir". Plusieurs mécanismes sont à l'œuvre : l'évolution des virus en eux-mêmes, par le biais de leurs mutations, mais également l'évolution des hôtes, dont l'immunité peut se renforcer.
Si l'on reprend l'émergence d'un autre coronavirus, le "OC43", aux alentours de 1890 et coïncidant avec l'épisode dit de la grippe russe, une période de grande mortalité a été constatée, faisant écho à celle vécue aujourd'hui avec le Covid. "Ça a duré entre 4 et 6 ans selon les études", glisse le spécialiste. Un laps de temps notable avant que l'épidémie ne se résorbe et que sa virulence ne diminue. Le chercheur souligne par ailleurs que l'apparition de plusieurs virus grippaux à travers les époques a été marquée par la répétitions de schémas assez similaires : "Une première vague qui faisait pas mal de dégâts, puis une seconde plus importante, avant que la situation ne se tasse un peu et que cela deviennent une grippe comme tant d'autres avec des taux de décès somme toute assez classique durant l'hiver, sans pics anormaux".
Benoit Visseaux cite enfin un autre exemple intéressant, celui de la myxomatose chez le lapin. L'Australie, en proie à une prolifération massive de ces animaux allochtones, a cherché à les éradiquer au début des années 1950. La stratégie des autorités ? Inoculer aux animaux une maladie qui touche cette espèce : la myxomatose, en choisissant les souches les plus virulentes. "Cela a bien fonctionné au début, la virulence a augmenté et les populations ont diminué, jusqu'à ce que le nombre de lapins finissent par stagner, puis par remonter." Outre une plus grande adaptation des animaux, les scientifiques ont analysé les souches au fil du temps, mettant en lumière une plus faible virulence.
Quand on regarde les vieux pathogènes, "ils sont généralement moins virulents", note le virologue. "On compte quatre types de paludismes, mais c'est le plus récent qui tue", note-t-il. "Un courant de pensée tend à expliquer que l'évolution ne se fait pas tant vers une réduction de la virulence que dans la recherche d'un compromis [entre le virus et son hôte, NDLR], variable en fonction des pathogènes." Une cohabitation qui pourrait à l'avenir s'observer également avec le Covid, une fois passées la phase des vagues initiales liées à une forte mortalité.
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