Cabines de téléconsultation chez Monoprix : une "médecine au rabais" ?

par Léa LUCAS
Publié le 22 avril 2021 à 17h23
L'enseigne Monoprix vient de déployer deux cabines de téléconsultation à Paris et à Troyes. Le Conseil national de l'Ordre des médecins s'insurge.

L'enseigne Monoprix vient de déployer deux cabines de téléconsultation à Paris et à Troyes. Le Conseil national de l'Ordre des médecins s'insurge.

Source : Dominique FAGET / AFP

POLÉMIQUE - Deux magasins de l'enseigne Monoprix à Paris et à Troyes mettent à disposition des cabines de télémédecine depuis la mi-avril pour leurs clients. Une nouveauté que dénonce le Conseil national de l'Ordre des médecins.

Aller chez le médecin, ou presque, en allant faire ses courses. C'est virtuellement possible depuis la mi-avril dans deux magasins Monoprix à Paris (Porte de Châtillon) et à Troyes dans l'Aube. Avec son nouveau service de télémédecine dans ses rayons "La santé au quotidien", Monoprix indique dans un communiqué s’inscrire "dans une logique d’amélioration d’accès aux soins, en parfaite adéquation avec les ambitions de tous les acteurs de santé de proximité"

Cependant, cet avis n'est pas partagé par le Conseil national de l’Ordre des médecins qui a immédiatement réagi face à ces téléconsultations en supermarché dans un communiqué publié ce mardi. Il redoute l'émergence de nombreuses dérives. "Une consultation ne doit pas être un acte isolé qui pourrait être utilisé pour se rassurer faussement", lance le docteur François Simon du Conseil national de l'Ordre des médecins auprès de LCI. "Elle ne doit pas être considérée comme une offre commerciale." 

De plus, "la carte vitale est un sésame pour bénéficier d'un système de santé coordonné et n'est pas là pour entrer dans une démarche de consommation ou de bien-être en dehors d'un parcours de soin cohérent", complète le Docteur Michel Van Rechem, président du Conseil départemental de l'Aube de l'Ordre des médecins pour LCI. 

Ces médecins ne sont pas défavorables à l'essor de la télémédecine. Mais appellent à ce qu'elle s'inscrive dans le cadre des conditions fixées par la convention médicale. À savoir : insérer le patient dans "un parcours de soin cohérent afin de garantir une continuité dans les soins prodigués." Selon eux, le professionnel de santé doit connaître le profil médical de son patient à défaut de le prendre en charge physiquement. "Là, le malade ne connaissait pas le médecin la veille et n'entendra plus parler de lui le lendemain", s'inquiète le Docteur François Simon. Ce n'est qu'une réponse instantanée à une question qui lui traversait l'esprit quand il faisait ses courses. C'est de la médecine au rabais." 

Comment le dispositif fonctionne-t-il ?

Mais comment ces cabines fonctionnent-elles ? Développées par l'entreprise Tessan Pharma Express, elles permettent aux patients de consulter un médecin généraliste par écrans interposés sans rendez-vous préalable. Une fois installés à l'intérieur, ils n'auront plus qu'à insérer leur carte vitale sans avancer de frais et attendre sept minutes environ pour échanger avec le professionnel de santé. Ensuite, le patient pourra utiliser les différents outils mis à sa disposition (tensiomètre, stéthoscope, thermomètre…) en suivant les conseils du spécialiste. Et repartir dans certains cas avec une prescription médicale.  

Les cabines de téléconsultations déployées chez Monoprix ont été conçues par Tessan Pharma Express.
Les cabines de téléconsultations déployées chez Monoprix ont été conçues par Tessan Pharma Express. - Monoprix

Sans consultation physique cependant, les risques d'erreur dans le diagnostic du patient sont plus grands. Cela soulève la question du contentieux médical. "La responsabilité de Monoprix ne sera pas engagée, ni celle du vendeur des cabines de téléconsultations", note le Docteur Michel Van Rechem. "Ce sera uniquement la responsabilité du médecin." 

Le Conseil national de l'Ordre des médecins appelle ainsi le gouvernement à "réagir avec fermeté pour défendre les principes régissant l’organisation des soins en France, et pour protéger l’acte médical au service des patients".

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L'enseigne s'apprête à déployer plus largement ce système de télémédecine de proximité dans les semaines à venir. D'autres sociétés pourraient également lui emboîter le pas. "Il ne faudrait pas déréguler le système de santé, c'est notre bien à tous, termine le Docteur Michel Van Rechem. Mais malheureusement je pense que ce n'est que le début de ce mode de pratique." 


Léa LUCAS

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