Consulation psy #23 - Mes enfants se bagarrent comme jamais, comment limiter les conflits ?

Hélène Romano, psychothérapeute
Publié le 30 avril 2020 à 8h20
Consulation psy #23 - Mes enfants se bagarrent comme jamais, comment limiter les conflits ?
Source : istrock

AU SECOURS - Votre chef cale une réunion au débotté, votre petit dernier est infernal et saute sur le lit de sa soeur qui essaie de l'assommer avec son livre de maths ? Le confinement met la patience de tous à rude épreuve et exacerbe parfois les tensions familiales et notamment entre frères et soeurs. Les conseils de Hélène Romano, psychothérapeute.

Le confinement est une période source de stress et d’angoisse en raison des multiples incertitudes qui s’y trouvent associées. Nous sommes contraints de rester ensemble, sans véritable espace pour être seul et pouvoir se ressourcer, ce qui est souvent indispensable pour pouvoir réguler les relations, en particulier quand il y a des difficultés ou des conflits. C’est le cas pour les adultes, mais aussi pour les enfants. 

De nombreux parents nous expliquent ainsi ne plus savoir comment gérer les bagarres en cette période si particulière, surtout quand les parents sont en télétravail et doivent en plus assurer le suivi scolaire ; situation source de confusions pour les enfants qui n’est pas faite pour les apaiser.

Quand une épreuve s’impose, tel que le confinement, le mode de fonctionnement des relations antérieures peut se trouver renforcé : par exemple les enfants s’entendaient bien et leur entente va encore mieux ou au contraire ils se bagarraient déjà et les tensions ne font que s’accroître. Mais il existe d’autres situations où l’épreuve de ce confinement a totalement bouleversé les équilibres préalables au sein des fratries  : elles s’entendaient bien, mais ne cessent de se disputer ou au contraire elles se chamaillaient pour un rien et ont trouvé une complicité toute nouvelle.

Comment gérer la situation quand les bagarres s’accumulent et que rien ne semble pouvoir les empêcher ? La première chose à bien comprendre est que la fratrie c’est non seulement le groupe composé par les enfants, mais aussi la dynamique de chacun des enfants. Autrement dit pour tenter de gérer des conflits au sein d’une fratrie il est important de pouvoir prendre du temps avec chacun des enfants tout en organisant une attention au groupe qu’ils composent.

Bien des bagarres entre fratries proviennent de malentendus, de ressentis sur la façon dont les parents se comportent avec l’un ou avec l’autre des enfants. Et il est fréquent que les parents revivent leurs propres expériences de fratrie à travers leurs enfants.

Dire à ses enfants qu’on les aime "tous pareils" n’est pas tout à fait juste et les enfants le savent très bien
Hélène Romano, psychothérapeute

Les bagarres peuvent être l’expression de l’angoisse vécue par les enfants sans origine particulière, mais elles peuvent aussi être liées à une cause précise, par exemple des rivalités au sujet de jeux, une musique mise trop forte par l’un des enfants qui dérange les autres, une jalousie par rapport à des activités faites par l’un, mais pas par l’autre, etc.

Pour sortir du conflit, il est important d’essayer d’en comprendre l’origine, de voir s’il s’agit de questions individuelles ou d’enjeux au niveau du groupe (par exemple les enfants contre les parents ou une partie de la fratrie contre d’autres frères et sœurs). Pour cela il est nécessaire de prendre du temps avec chacun des enfants pour avoir sa version et son explication (en l’aidant à exprimer ses émotions par l’usage du « je », par exemple « quand mon frère a le droit de faire ça et pas moi, je trouve cela injuste), en essayant de rester le plus calme possible. Si la bagarre est l’expression d’une angoisse le plus efficace est de leur réexpliquer la raison du confinement, leur permettre de comprendre ce qu’est le télétravail (pour les parents qui travaillent au domicile et les obligations qu’il impose), l’importance d’essayer de suivre au mieux les leçons scolaires par internet sans mettre trop de pression sur ce point tant les inégalités sont nombreuses au sein des familles et connues des enseignants. Enfin, les rassurer sur le fait qu’ils ne sont pas seuls et que les parents sont présents et seront toujours là pour eux peut permettre d’apaiser bien des bagarres. 

Dire à ses enfants qu’on les aime "tous pareils" n’est pas tout à fait juste et les enfants le savent très bien, ce qui ne règle aucun conflit ; car chaque enfant est différent et les relations de chaque parent avec chacun d’eux le sont tout autant. Reconnaître cette différence en expliquant à ses enfants "qu’on les aime tous, mais différemment" peut permettre au contraire d’apaiser les tensions, car les enfants savent alors que les parents ne leur mentent pas et ils peuvent s’autoriser plus facilement à dire leurs ressentis et ce qui ne va pas.

Si la bagarre a un objet précis, par exemple des jalousies, là aussi le temps individuel passé avec chaque enfant est important et il est ensuite précieux de prévoir un temps avec le groupe-fratrie pour trouver ensemble une solution pour sortir de cette zone de turbulence : par exemple, fixer ensemble des règles de vie, se répartir des activités, être responsable et se voir confier par les parents des petites tâches qui peuvent paraître anodines, mais qui permettent de se sentir valoriser, organiser des jeux où les enfants apprendront qu’ils sont plus forts à plusieurs que seuls et que la solidarité et le lien fraternel peuvent être une vraie force. Et si c'est possible profiter de l’heure autorisée de sortie, pour leur permettre de bouger, courir et de se défouler.

Par la promiscuité qu’il impose, le confinement peut être envisagé aussi comme une chance pour mieux comprendre les liens fraternels et permettre que la fratrie sorte renforcée de cette période particulière si nous prenons le temps de décrypter avec nos enfants ce que sont ces bagarres.


Hélène Romano, psychothérapeute

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