Consultation psy #28 - Ne pas se toucher, ce n’est pas humain !

Hélène Romano
Publié le 19 mai 2020 à 14h00, mis à jour le 19 mai 2020 à 14h35
JT Perso
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Source : Sujet TF1 Info

CHRONIQUE - Ne pas se toucher, garder ses distances, sourire derrière un masque... avec le déconfinement, il est possible de revoir ses amis, ses proches mais de loin. Et nos repères sont complètement modifiés. Des règles nécessaires mais "inhumaines" pour nous autres, êtres tactiles ? Les explications de notre psychothérapeute, Hélène Romano.

La pandémie de Covid-19 est venue nous imposer d’inévitables "gestes barrières" pour limiter sa propagation : lavage de main, masque, distance. Ce qui entraîne un profond bouleversement dans nos rapports à l’autre, en particulier dans notre culture latine où le rapprocher corporel fait partie de nos références. Les études sur la "proxémie"  décrivent bien la différence du type de distance selon les liens entre les personnes (amis, inconnus, famille), ce qui crée dans notre comportement des réactions instinctives qui nous conduisaient à nous adapter à l’autre pour savoir comment nous allons nous comporter avec lui. Le toucher est un élément comportemental non-verbal qui a une place tout aussi importante que la parole ou le regard. 

Aujourd’hui tout change et nous nous retrouvons avec nos habitudes bouleversées, nos rituels communicationnels totalement invalidés, nos codes sociaux remis en cause, ce qui est plus qu’insécurisant. Nous sommes face à l’impersonnel et au nivellement de toute différenciation relationnelle puisque désormais famille comme inconnus doivent rester à distance.

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Se faire la bise, se tenir la main, se prendre dans les bras, s’embrasser sont des gestes aujourd’hui déconseillés, voire proscrits par les autorités sanitaires et une distance "d’un mètre cinquante" conseillée voire imposée dans les lieux publics. Est-ce réaliste ? Non. Est-ce humain ? Non. 

Irréaliste, car comment envisager de ne pas porter un bébé, consoler un enfant qui pleure, faire l’amour à 1,5 m de distance ? Humain ? Non, car l’être humain a besoin de contacts corporels et des interactions qui s‘y trouvent associées (regard, sourire, qualité du lien, voix, posture, ambiance). De nombreuses études réalisées en particulier dans les orphelinats ont prouvé combien le manque de portage (dimension physique et psychique du contact corporel), pouvait déstructurer un petit et hypothéquer durablement son développement. Sans contact physique et sans interaction, un bébé se laisse dépérir, peut présenter des troubles graves (regroupés sous le terme de dépression anaclitique), régresser et dans des cas ultimes se laisser mourir. Des réactions similaires peuvent être constatées chez la personne âgée que l’on n’ose plus toucher, qui n’est plus stimulée, qui révulse certains, car elle nous rappelle que le temps passe et que nous sommes tous mortels. 

Envisager que le toucher ne puisse plus être possible est un non-sens, car cela revient à nous amputer psychiquement de ce qui fonde notre humanité : l’altérité, c’est-à-dire le lien à soi et à l’autre.

Hélène Romano, psychothérapeute

Le toucher est donc fondamental pour l’être humain, car il fait partie de nos modes d’interaction sociaux qui nous permettent d’exprimer nos émotions, nos ressentis, notre solidarité. Envisager qu’il ne puisse plus être possible est un non-sens, car cela revient à nous amputer psychiquement de ce qui fonde notre humanité : l’altérité, c’est-à-dire le lien à soi et à l’autre.

Le terme de "distanciation sociale" qui imposerait de ne plus se toucher est d’ailleurs inadapté, car il s’agit de "distanciation physique" avec injonction de ne plus se toucher, ce qui est un impact bien plus lourd au niveau psychique que des distances existantes entre des individus du fait du cadre social (par exemple selon les statuts sociaux, les activités). Le recours à ce terme n’est pas anodin, car il fait aussi référence dans l’inconscient collectif à l’histoire (les distances hygiénistes du XIXème siècle par exemple comme celle de l’haptophobie  du début des années 1990), aux règles éducatives transmises dès le plus jeune âge (ex. ne pas toucher pour ne pas se brûler), aux interdits religieux (ne pas se masturber, ne pas avoir de relations sexuelles autre que pour objectif d’engendrer). 

L’histoire a montré une évolution constante dans nos rapports relationnels. La pandémie liée au Covid-19 ne fera sans doute pas exception et conduira probablement à des changements. Mais l’homme a une capacité d’adaptation unique. Il faut espérer que face à cette nouvelle règle sociale qui s’impose, il saura faire preuve de créativité pour conserver un minimum de contact corporel et rester humain.


Hélène Romano

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