Contraception gratuite pour les femmes de moins de 26 ans : vers un retour en grâce de la pilule ?

Publié le 9 septembre 2021 à 15h54

Source : JT 13h Semaine

PILULE – Le ministre de la Santé a annoncé ce jeudi 9 septembre la gratuité de la contraception féminine jusqu’à 25 ans. La mesure va-t-elle profiter à la pilule, moyen contraceptif le plus souvent délaissé par les jeunes femmes depuis dix ans ?

"Il y aura une prise en charge de la contraception hormonale, du bilan biologique qui peut aller avec, de la consultation de prescription et de tous les soins qui sont liés à cette contraception jusqu’à 25 ans." L'annonce d'Olivier Véran est inédite en France car elle concerne seulement les jeunes femmes mineures depuis 2020 et celles de plus de 15 ans depuis 2013. 

Le ministre de la Santé a justifié la gratuité de l’ensemble des moyens contraceptifs féminins dès le 1er janvier par leur "recul (…) chez un certain nombre de jeunes femmes", causé en premier lieu par un manque de budget. "Ça coute trop cher", a-t-il décrété sur le plateau de France 2.

Un désintérêt pour la pilule depuis 2012

L’annonce intervient après une chute libre des ventes de pilules contraceptives en France depuis maintenant près de dix ans. Avec une image écornée par le scandale des pilules de 3e et 4e génération en 2012, qui provoque depuis son délaissement progressif au profit d’autres dispositifs, cette contraception orale était utilisée par 36,5% des femmes en 2016, contre 45% d’entre elles en 2010, selon un baromètre de Santé Publique France (SPF). Pratique et probablement mieux connue que le DIU (dispositif intra-utérin, aussi appelé stérilet) ou le patch contraceptif, elle reste néanmoins la plus utilisée en France. 

Dans le détail, la pilule était en 2016 peu à peu délaissée pour le DIU (+6,9 points entre six ans) mais aussi pour le préservatif (+4,7 points), nous confirme encore aujourd’hui SPF. "Le niveau d’efficacité des contraceptifs utilisés chez les 18-25 ans se réduit, notamment par un abandon de la pilule au profit du préservatif (qui est utilisé de manière systématique ou non)", nous indique l’organisme de santé, ajoutant que "ces modifications interviennent principalement chez les femmes des classes les plus défavorisées". 

L'indéniable charge mentale pour les femmes

Dans ce cas, la gratuité annoncée de l’ensemble des contraceptifs féminins suffira-t-elle à endiguer la désaffection pour la pilule, reconnue pourtant pour son efficacité ? En réalité, ce désengagement pour ce moyen contraceptif concerne les femmes les plus jeunes. 

Toujours en 2016, Santé Publique France constatait que "ce sont parmi les 20-29 ans que les plus grands changements sont observés depuis 2010". Et les raisons sont multiples. D’abord, la "crise de la pilule" y est pour beaucoup : en 2012, Marion Larat, une jeune Bordelaise devenait lourdement handicapée après avoir subi un AVC qu’elle a attribué à sa pilule de 3e génération. Depuis, les pilules de 3e et 4e génération ont été progressivement retiré du marché et la méfiance autour de ce moyen de contraception, et de ses effets indésirables, a grandi. 

Elle englobe différentes idées reçues. 43% des femmes interrogées en 2019 par un sondage d’Opinion Way et des laboratoires CCD disaient croire à l’idée que la pilule diminue la fertilité. Ce qui est faux. Ensuite, si ce contraceptif est simple à utiliser (il suffit de l’avaler), la charge mentale qui l'accompagne n’en est pas moindre. La santé sexuelle est encore beaucoup une affaire de femmes et le planning familial rappelle qu’il arrive à 21% des femmes d’oublier de prendre leur pilule au moins une fois par mois. 

La précarité, un frein à la contraception

Et parfois, bien que la pilule soit la plus connue des contraceptions avec le préservatif, l’information véhiculée est incomplète ou tout simplement fausse. De nombreuses femmes pensent encore qu’il faut se rendre chez un gynécologue pour se voir prescrire une contraception, alors qu’une visite médicale chez un généraliste suffit, et 30% de celles interrogées par Opinion Way étaient certaines qu’il n’était pas possible d’obtenir un moyen contraceptif gratuit. Or, certaines pilules, certains stérilets ou certains diaphragmes sont aujourd’hui remboursés à 65% par la sécurité sociale en cas de prescription médicale. 

En revanche, il est certain que la grande précarité joue un rôle dans l’accès à la contraception. Cela, Médecins du Monde en témoigne en septembre 2020, dans un communiqué : "Seules 12% des femmes rencontrées dans nos programmes bénéficient d’une méthode de contraception, soit 5 fois moins que la population. Les barrières pour un accès réel aux services de santé sexuelle restent importantes pour ces femmes et ces couples qui vivent dans la précarité." 

Mais la chute de la pilule reste plus provoquée par un désintérêt que par une impossibilité d’y avoir accès. En 2018, "éviter les effets secondaires" était la première raison invoquée par les femmes (42%) pour ne plus utiliser cette contraception, selon des données consolidées par Statista. L’aspect contraignant de la pilule la suivait de près (39%).

En proposant la gratuité aux seules femmes, le ministère de la Santé contribue à véhiculer l'idée que la contraception ne serait qu'une affaire de femmes
Association des victimes d'embolie pulmonaire et AVC liés à la contraception hormonale

De plus, on peut s’interroger sur l’efficacité de cette mesure à partir du moment où elle n’inclut par le préservatif masculin, pourtant peu à peu préféré à la pilule. Or, comme l’indique le média La Menstruelle, seules deux marques de préservatifs sont remboursées à ce jour : Eden et Sortez Couverts. 

Dans un communiqué, l’association AVEP (Association des Victimes d'Embolie Pulmonaire et AVC liés à la contraception hormonale) a regretté que "cette gratuité ne soit pas étendue aux hommes", et donc à tous les préservatifs : "En proposant la gratuité aux seules femmes, le ministère de la Santé contribue à véhiculer l'idée que la contraception ne serait qu'une affaire de femmes, sans inciter les hommes à s'investir davantage sur un sujet qui les concerne, pourtant, tout autant. À quand un vrai débat de société ?"


Caroline QUEVRAIN

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