À LA LOUPE – Sur les réseaux sociaux, les théories du complot entourant les origines du Covid-19 ne manquent pas. D'après une nouvelle vidéo très largement relayée par les réseaux sociaux, le virus aurait été créé par des chercheurs français il y a une quinzaine d'année. Décryptage de cette affirmation bidon face à laquelle l'institut Pasteur, directement mis en cause, a décidé de déposer plainte.
"L’heure est grave, l’heure est très grave." C'est par ces mots que débute la nouvelle vidéo complotiste sur les origines du Covid-19. L'individu, qui se fait appeler Cat Antonio (Medusa), affirme - document à la main - que lui et son "équipe de cinq personnes" ont travaillé "d’arrache-pied" pour démontrer que le coronavirus a été breveté par l'Institut Pasteur dès 2004 et qu'il existerait déjà un vaccin.
"On nous prend pour des imbéciles. Quand je dis 'on', je parle de tous les gens, je parle de la Terre." Cette vidéo largement partagée a dépassé les milliers de vues.
Face à l'ampleur pris par cette vidéo de 22 minutes, l'Institut Pasteur a dû publier un communiqué de démenti. Une plainte au nom de l’Institut et des plaintes individuelles seront déposées. Le Dr Jean-François Chambon, spécialiste des maladies infectieuses, également victime de pressions, nous explique - point par point - pourquoi les allégations de cette vidéo sont entièrement fausses.
Une erreur sur la nature du document cité
La démonstration s'appuie sur un document de 320 pages présenté comme étant le "brevet" du SRAS CoV-2, virus à l'origine de l'actuelle pandémie de Covid-19. Or, comme nous l’explique le Dr Chambon, "il ne s'agit pas d'un brevet mais d'une déclaration d'invention faite auprès de l'Office européen des brevets."
La déclaration d'invention citée porte le numéro EP 1 694 829 B1. "C'est un document public, entièrement et librement accessible. Chacun peut vérifier son contenu." Et contrairement à ce qu'affirme la vidéo, il n'y a donc aucune raison qu'il soit supprimé suite aux 'révélations' et vous pouvez le consulter ici. "Cette déclaration d'invention porte sur un travail scientifique de caractérisation du Sras-CoV-1, sur des découvertes concernant ses antigènes de surfaces et sur les méthodes pour un candidat vaccin."
Il ne s'agit pas du bon virus
Une autre erreur provient d'une confusion terminologique. En retrouvant une déclaration d'invention de 2004, le vidéaste complotiste et son équipe pensent avoir trouvé le "brevet" de l'actuel coronavirus. Or, si les termes Sras, Sras-CoV ou coronavirus sont utilisés dans le document, ils font référence au virus du Sras-CoV-1 identifié pour la première fois 2003. Ce dernier provoque la maladie du Sras, syndrome respiratoire aigu sévère.
"Le Sras-CoV-1 ne doit pas être confondu l'actuel Sras-CoV-2, virus responsable de la maladie Covid-19, nous explique le Dr Chambon. De plus, le terme coronavirus regroupe toute une famille de virus et il en existe des centaines de ce type. Tous ne concernent pas l'homme."
L'Institut Pasteur a étudié un projet de vaccin
Le document EP 1 694 829 B1 ne détaille pas la création d'un virus, mais celle d'un projet de vaccin, comme nous l'explique le Dr Chambon. "Entre 2002 et 2004, l'Institut Pasteur s'est penché sur la possibilité de créer un vaccin contre le Sras-CoV-1. Pour cela, les chercheurs ont utilisé la plateforme vaccinale de la rougeole, un virus bien maîtrisé et très utilisé en laboratoire, auquel ils ont greffé l'antigène du Sras-CoV-1. Rien de plus, c'est la méthode classique pour les études sur les vaccins."
D'après la vidéo, il existe un vaccin et il fonctionnerait sur les souris et les lapins. Effectivement, les résultats de l'Institut Pasteur sur les souris pour le projet de vaccin contre le Sras-CoV-1 étaient encourageants, mais sur les souris... "D'une part, il s'agissait d'observations à une réponse vaccinale sur les souris et non d'un test de vaccins, nous précise Dr Chambon. L'Institut Pasteur n'a pas mis au point de vaccin effectif, il a seulement conclu à de bons résultats pour ses premiers essais. Ils ne sont pas transposables à l'homme."

La compréhension du mot inventeur est trompeuse
Autre argument répété en boucle dans la vidéo, le mot "inventeur" serait la preuve que les chercheurs français ont bel et bien inventé le virus. Sauf que ce mot a un tout autre sens dans le langage scientifique. "Il s'agit d'une nomenclature spécifique, le terme inventeur désigne les propriétaires des brevets et des auteurs des déclarations d'invention, précise le Dr Chambon. C'est le même mot utilisé si vous trouvez un trésor dans votre jardin, vous en devenez l'inventeur, l'avez-vous créé pour autant ?"
Aucun lien entre l'Institut Pasteur et le laboratoire de Wuhan
Suspicion récurrente parmi les amateurs de théories sur les origines anthropiques du virus Sras-CoV-2 : la présence d'un laboratoire de type P4 à Wuhan, ville où est apparu le virus. D'après la vidéo, le Sras-CoV-2 se serait répandu à cause d'une chauve-souris sur laquelle on aurait effectué des tests et qui se serait ensuite échappée.
Egalement, le rôle de la France dans la "création" de ce virus en Chine serait évident car Yves Lévy, alors directeur de l'Inserm, était présent lors d'un discours de l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve en février 2017, à propos de la création du laboratoire P4 de Wuhan. Yves Lévy est le mari d'Agnès Buzyn, précédente ministre des Solidarités et de la Santé, ainsi un complot se révélerait sous nos yeux.
Ce laboratoire a bien été conçu et construit avec l'aide de la France dans le cadre d'un accord de coopération de 2004 sur la prévention et le contrôle des maladies infectieuses émergentes. Mais sa construction a débuté en 2011 et il a été inauguré en 2017. Le Dr Chambon nous précise d'ailleurs que "l'Institut Pasteur n'a aucun rapport avec ce laboratoire, dirigée par la Chinese Academy of Sciences. Les recherches sur le Sras-CoV-1 ont été réalisées en France entre 2002 et 2004." Soit plus d'une dizaine d'années après la déclaration d'invention brandie comme preuve dans la vidéo.
Quant à la présence d'Yves Lévy, elle s'explique par le fait que l'Inserm a travaillé avec les Chinois pour développer ce projet de P4 et assurer sa conception. Des projets scientifiques franco-chinois sont également en cours sous l'égide de l'Inserm.
"L'Institut Pasteur subit une attaque inédite", des plaintes seront déposées
Le Dr Jean-François Chambon se dit abasourdi des procédés utilisés par ces 'trolls' amateurs de vérité cachée. "L’Institut Pasteur subit une attaque inédite. Les chercheurs, l'administration, les laboratoires, tout le monde est assailli d'appels et de mails. Il y a des messages d'insultes et des menaces. Je n'ai jamais vu ça. Nous sommes mêmes contactés sur nos boîtes et téléphones personnels."
L'émergence du Covid-19 se double désormais d'une autre épidémie, celles des fake news. L'Institut Pasteur nous informe qu'une plainte institutionnelle au nom de l’Institut et de ses salariés sera déposée. "En parallèle, nous accompagnons chacun des salariés concernés pour leur propre dépôt de plainte individuel. Selon les faits et les éléments de preuve recueillis, nous déposerons plainte soit pour menace, injure ou harcèlement."
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